Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de l'autoriser à séjourner en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ou à tout le moins d'ordonner la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur le recours dont il l'a saisie.
Par un jugement n° 2102215 du 7 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 juin 2022, M. A..., représenté par la SCP d'avocats Audard et Associés, agissant par Me Audard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte d'Or du 30 avril 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus d'autorisation de séjourner en France et l'obligation de quitter le territoire français :
- ces mesures ne sont pas motivées ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne le refus d'un délai de départ volontaire :
- ce refus est illégal en conséquence de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- il résulte d'une erreur de qualification juridique des faits ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- compte tenu des risques auxquels il est exposé en cas de retour en Russie, la fixation du pays de renvoi viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :
- cette mesure est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus d'un délai de départ volontaire ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2023, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par la SELARL Centaure Avocats, agissant par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il expose que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2022.
Par une ordonnance du 7 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant russe né en Arménie en janvier 2001, déclare être entré en France en juin 2016, alors qu'il était mineur. A sa majorité, il a déposé une demande d'asile, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejetée le 8 août 2019 et le 4 février 2021, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours formé contre cette décision. Le 8 mars 2021, l'office a rejeté comme irrecevable la demande de réexamen de sa situation présentée par l'intéressé. Par un arrêté du 30 avril 2021, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de l'autoriser à séjourner en France au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus d'admission au séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour : 1° A l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 314-11 du même code : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII (...) ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 4° bis Sans préjudice du 4° du présent article, l'office a pris une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 723-11 (...) ".
3. L'arrêté attaqué vise ces dispositions et relève que M. A... est de nationalité russe, que la reconnaissance de la qualité de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été refusés par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile devenue définitive, et que l'office a rejeté comme irrecevable sa demande de réexamen. Cet arrêté énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de l'admettre au séjour en France et prescrire son éloignement. Il est dès lors suffisamment motivé, conformément à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et à l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. A... fait valoir son arrivée en France à l'âge de 15 ans, sa scolarité, la présence sur le territoire français de sa sœur, qui a été admise au bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celle de ses parents. Toutefois, le requérant, qui a vécu l'essentiel de sa vie hors de France, est célibataire et sans enfant. Ses parents se sont également vu refuser la protection des autorités françaises et font comme lui l'objet de mesures d'éloignement, qu'ils ont contestées en vain devant le tribunal administratif de Dijon puis devant la cour administrative d'appel de Lyon. Enfin, si sa sœur a été admise au bénéfice de la protection subsidiaire, ils sont tous les deux adultes et en l'absence de liens particuliers de dépendance, ont vocation à vivre des vies indépendantes. Dans ces circonstances, le refus d'autoriser M. A... à résider en France et l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ne portent pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Le moyen tiré de ce que ces mesures méconnaitraient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
Sur la légalité du refus d'un délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus d'autoriser son séjour en France et de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français à l'encontre du refus de lui accorder un délai de départ volontaire.
7. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
8. Pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'il était connu des services de police et de la justice pour des faits de conduite sans permis, commis le 28 avril 2020, pour lesquels il a été puni d'une amende forfaitaire de 500 euros. Eu égard à l'objet des dispositions du code de la route subordonnant la conduite de certains véhicules à la détention d'un permis, et aux conséquences que peut avoir la méconnaissance de cette obligation, le préfet de la Côte-d'Or n'a pas fait une inexacte application du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que le comportement du requérant constituait une menace pour l'ordre public. Le moyen tiré de ce que le refus d'un délai de départ volontaire est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits doit dès lors être écarté.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. M. A... fait valoir que ses parents ont fui la Russie parce que son père y était exposé aux menaces d'un groupe criminel, des membres de sa famille ayant été tués et sa sœur ayant été victime de violences, situation qui a conduit la Cour nationale du droit d'asile à lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Toutefois, tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté les demandes de protection dont le requérant les avait saisis, et il ne produit aucune pièce probante établissant qu'il serait personnellement menacé en cas de retour en Russie. Le moyen tiré de ce que la décision de l'éloigner à destination de ce pays méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut dès lors être accueilli.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant un an :
11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
12. En premier lieu, il résulte de ce qui est exposé au point 8 ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus d'un délai de départ volontaire à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français.
13. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir exposé qu'il n'y a pas lieu d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., rappelle que dans un tel cas, une interdiction de retour sur le territoire français est prononcée, sauf si des circonstances humanitaires l'en empêchent, et indique que l'intéressé en est France depuis le 8 décembre 2016, a été débouté de sa demande d'asile, n'a entrepris aucune autre démarche pour être régularisé, est célibataire et sans enfant et que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. L'arrêté attaqué énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles est fondée la mesure d'éloignement, conformément aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En troisième lieu, alors même que le requérant résidait en France depuis décembre 2016, et que sa sœur y a été admise au bénéfice de la protection subsidiaire, il est célibataire et sans enfant, et sa présence menace l'ordre public. Dès lors, l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre pour une durée d'un an ne méconnaît pas les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et elle ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, au titre des frais liés au litige. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Noémie Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01812