Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 avril 2019 par laquelle le président de Courchevel Tourisme l'a licencié pour faute grave et de condamner Courchevel Tourisme à lui verser la somme de 210 170 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'illégalité de son licenciement.
Par un jugement n° 2003012 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 mars 2022, M. A... B..., représenté par le cabinet Richer et associés droit public, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 janvier 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 12 avril 2019 par laquelle le président de Courchevel Tourisme l'a licencié pour motif disciplinaire ;
3°) de condamner Courchevel Tourisme à lui verser la somme de 210 170 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'illégalité de son licenciement ;
4°) de mettre à la charge de Courchevel Tourisme une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal administratif de Grenoble est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision du 12 avril 2019, qui n'a pas été précédée d'une consultation de la commission paritaire, est entachée d'un vice de procédure ;
- cette décision est dépourvue de motivation en droit ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- la sanction infligée a un caractère disproportionné ;
- l'illégalité commise constitue une faute qui engage la responsabilité de Courchevel Tourisme ;
- sa créance indemnitaire n'est pas prescrite ;
- il a subi une perte de rémunération de 83 268 euros, et une perte de rémunération future de 124 902 euros, ainsi qu'un préjudice moral devant être chiffré à 2 000 euros.
La requête a été communiquée à Courchevel Tourisme, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 2 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code du tourisme ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ancien directeur de l'établissement public à caractère industriel et commercial Courchevel Tourisme, relève appel du jugement du 25 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 avril 2019 ayant prononcé son licenciement et la condamnation de Courchevel Tourisme à lui verser 210 170 euros en réparation des préjudices causés selon lui par ce licenciement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation affectant le jugement attaqué :
2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne les conclusions d'excès de pouvoir :
3. Par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de la demande de M. B..., au motif que celle-ci était tardive. Dans son appel, M. B... ne conteste pas cette forclusion. Dans ces circonstances, les moyens par lesquels il conteste la légalité de la décision du 12 avril 2019 doivent être écartés comme inopérants. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 avril 2019.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
4. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration.
5. En l'espèce, pour décider le licenciement de M. B..., le comité directeur de Courchevel Tourisme s'est fondé sur les motifs tirés de ce que celui-ci avait sans autorisation logé des tiers, à savoir des salariés saisonniers d'un restaurant, dans son appartement de fonction, où il ne logeait pas lui-même, avait refusé de présenter le budget primitif de l'établissement à des élus municipaux réunis le 14 mars 2019, en préalable à la présentation de ce document à l'approbation du conseil municipal, s'était exprimé dans la presse locale sur son différend avec son employeur, avait diffusé auprès des organisations socio-professionnelles des informations que le président de l'établissement lui avait demandé de ne pas communiquer, n'avait pas correctement dirigé les équipes de l'établissement, promis des évolutions salariales contredites par ses consignes au service paie, n'avait pas obtenu de résultat sur les contrats de partenariat, méconnu les règles de la commande publique et engagé des évènements sans l'accord du comité de direction.
6. En premier lieu, M. B... reconnaît avoir prêté son logement de fonction pour une durée d'un mois. S'il affirme avoir également habité ce logement durant la même période, ces allégations sont contredites par ses propres déclarations lors de son entretien du 26 mars 2019 avec le président de Courchevel Tourisme et le directeur des ressources humaines de la commune de Courchevel, ainsi que par ses déclarations au quotidien " Le Dauphiné Libéré ", selon lesquelles il aurait habité un autre appartement proche de l'office du tourisme pour des raisons pratiques. Par ailleurs, le requérant, qui ne produit pas le message par lequel le président de Courchevel Tourisme aurait informé l'ensemble des acteurs de la station de son intention de l'écarter de ses fonctions, n'établit pas qu'il aurait été contraint de s'exprimer dans les médias en réaction à la publicité faite par son employeur sur le différend les opposant. En outre, si le requérant soutient avoir sollicité le report de la présentation du projet de budget de l'établissement public devant les élus municipaux prévue le 14 mars 2019, il ne conteste pas avoir présenté cette demande le jour même de cette réunion, et n'allègue pas que le président aurait accepté ce report. De même, le requérant, auquel il est reproché d'avoir pris des mesures ayant un impact budgétaire sans l'accord du comité de direction, ne peut utilement faire valoir qu'il aurait informé ce comité de ses décisions. Enfin, le requérant ne conteste pas avoir commis des manquements à la réglementation de la commande publique et n'avoir pas atteint de résultat dans la conclusion de contrats de partenariat. Le moyen tiré par M. B... de ce que les faits qui lui sont reprochés ne seraient pas matériellement établis ne peut dès lors être accueilli.
7. En deuxième lieu, compte tenu de la multiplicité et de la gravité des faits retenus à l'encontre de M. B..., qui constituent notamment un manquement à ses devoirs d'obéissance, de loyauté et de discrétion, et ont ainsi un caractère fautif, la sanction disciplinaire du licenciement n'avait pas un caractère disproportionné.
8. En troisième lieu, pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent public irrégulièrement évincé de ses fonctions et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. En l'espèce, les manquements de M. B... à ses obligations étant de nature à justifier son licenciement pour motif disciplinaire, les vices de légalité externe qu'il invoque, à les supposer avérés, seraient sans lien avec les préjudices dont il demande la réparation.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de Courchevel Tourisme à l'indemniser.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Courchevel Tourisme, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à Courchevel Tourisme.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, où siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Noémie Lecouey
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00845