Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Grenoble à lui verser une indemnité totale de 166 119,87 euros outre intérêts moratoires, capitalisés à la date du 2 mai 2020, en réparation du préjudice que lui a causé son éviction illégale du cadre d'emplois des agents de police municipale.
Par un jugement n° 1905765 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Grenoble à verser à M. A... une indemnité de 3 461,24 euros, renvoyé M. A... devant la commune de Grenoble afin que soit calculé le montant des indemnités liées à la privation de la NBI et de l'indemnité spéciale mensuelle de fonction, assorti ces condamnations des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2019, les intérêts échus à la date du 2 mai 2020 étant capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêt, et mis à la charge de la commune de Grenoble le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 février 2022, M. A..., représenté par Me Kummer, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 décembre 2021 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses prétentions ;
2°) de condamner la commune de Grenoble à lui verser :
- 80 000 euros en réparation de son préjudice moral, de l'altération de sa santé et des troubles dans les conditions d'existence,
- 46 376 euros en réparation de la perte de traitements et du régime indemnitaire, ou à titre subsidiaire 33 914,65 euros,
- 20 000 euros au titre des heures supplémentaires et majoration de nuit, ou à titre subsidiaire 5 433,54 euros,
- 10 000 euros au titre du préjudice professionnel et perte d'une chance,
- 4.743,87 € au titre de la perte de traitements liée aux arrêts de travail pour maladie,
sommes assorties des intérêts de retard au taux légal à compter du 2 mai 2019 et capitalisées par année entière ;
3°) d'enjoindre à la commune de Grenoble de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Grenoble une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ressort des jugements rendus par le tribunal administratif de Grenoble les 12 avril 2016 et 9 octobre 2018 et de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon le 26 avril 2018, qui sont définitifs, que la ville de Grenoble, en refusant illégalement sa réintégration dans la police municipale à l'issue de son exclusion temporaire et en exerçant à son égard un harcèlement moral, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- cette responsabilité est engagée au titre de la période du 13 octobre 2013 au 1er décembre 2018, soit cinq ans et 2 mois ;
- il a subi un préjudice professionnel constitué d'une perte de traitements, de nouvelle bonification indiciaire et de régime indemnitaire, préjudice qui doit être chiffré à 43 376 euros, hors heures supplémentaires et majorations ; le préjudice résultant de la perte des heures supplémentaires et des majorations doit être chiffré à 4 533,54 euros ; la perte d'une chance d'évolution professionnelle doit être chiffrée à 10 000 euros ;
- il a subi une perte de traitement résultant des arrêts maladies causés par la dépression dont il a été victime en raison de sa situation professionnelle ; ce préjudice, en lien direct et exclusif avec les refus illégaux de procéder à sa réintégration dans ses fonctions de policier municipal, doit être chiffré à 4 743,87 euros ;
- il a droit aux intérêts sur les indemnités qui lui sont dues à compter du 2 mai 2019, date de réception de sa demande préalable, avec capitalisation au 2 mai 2020 et à chaque date anniversaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2023, la commune de Grenoble, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats associés auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que les moyens soulevés, qui ne sont pas fondés, doivent être écartés.
Par ordonnance du 12 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 mars 2023.
Par courriers en date du 20 septembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions de la requête tendant à la condamnation de la commune de Grenoble à verser à M. A... une indemnité en réparation de la perte de la NBI à hauteur de 15 points, et de l'indemnité spéciale de fonction au taux individuel de 20 %, pour la période de février 2014 à novembre 2018, le requérant ayant déjà obtenu satisfaction sur ce point en première instance.
Par un mémoire enregistré le 22 septembre 2023, la commune de Grenoble a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-1107 du 30 décembre 1987 ;
- le décret n°2002-31 du 14 janvier 2002 ;
- le décret n°2006-1391 du 17 novembre 2006 ;
- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 modifié portant statut particulier des adjoints techniques territoriaux ;
- le décret n° 2016-596 du 12 mai 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Kummer, avocate de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., brigadier-chef de police municipale de la ville de Grenoble, relève appel du jugement du 14 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation de la ville de Grenoble à l'indemniser en réparation du préjudice que lui ont causé son éviction illégale du cadre d'emplois des agents de police municipale ainsi que le harcèlement moral dont il estime avoir été victime.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Grenoble à verser à M. A... une indemnité réparant la perte de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à hauteur de 15 points entre février 2014 et novembre 2018, soit pendant 58 mois, et la perte de l'indemnité spéciale mensuelle de fonction au taux individuel de 20 % pendant la même période, et il a renvoyé l'intéressé devant la commune pour le calcul de ces sommes. Le requérant, qui a obtenu satisfaction sur ce point, n'est dès lors pas recevable à demander en appel la condamnation de la commune de Grenoble à l'indemniser de la perte de 15 points de NBI et de l'indemnité spéciale de fonction de fonctions au taux de 20 %, au titre de la période de février 2014 à novembre 2018.
Sur la régularité du jugement :
3. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Grenoble a expressément répondu aux moyens contenus dans la requête et le mémoire produits par M. A.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré par le requérant de ce que la faute commise par la commune de Grenoble lui avait causé un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité faute d'être suffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, par un jugement rendu le 20 août 2019, le tribunal administratif de Grenoble, saisi par M. A... d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Grenoble pour le préjudice causé par le harcèlement moral dont il disait avoir été victime au cours des périodes de juillet 2010 à décembre 2010, de juillet 2012 à avril 2013 et à compter d'octobre 2013, n'a que très partiellement reconnu l'existence d'un tel harcèlement et condamné la commune à verser à ce titre à l'intéressé une indemnité de 3 000 euros. L'autorité de la chose jugée fait dès lors obstacle à ce que le requérant sollicite une nouvelle indemnisation au titre du harcèlement moral dont il dit avoir été victime.
5. En deuxième lieu, M. A... recherche la responsabilité de la commune de Grenoble sur le fondement de l'illégalité fautive des décisions des 17 février 2014 et 7 juillet 2016 ayant refusé sa réintégration dans la police municipale. La cour, pour confirmer l'annulation de la première de ces décisions par l'arrêt n° 16LY02027 du 26 avril 2018, a jugé, d'une part, que le maire de Grenoble avait commis une erreur de droit en fondant le refus de réintégration de l'intéressé dans la police municipale sur la caducité de son agrément et, d'autre part, qu'aucun des autres motifs avancés par l'administration n'était propre à fonder ce refus. Par ailleurs, le tribunal administratif de Grenoble, pour annuler la décision du 7 juillet 2016 par le jugement du n° 1604418 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a retenu le moyen tiré de ce que compte tenu de ses motifs, ce nouveau refus de réintégration méconnaissait l'autorité de la chose jugée. Alors que M. A... n'a pas contesté la légalité de l'arrêté du 1er octobre 2013 ayant prévu son détachement dans le cadre d'emplois des adjoints techniques, les illégalités fautives relevées par la Cour et par le tribunal administratif de Grenoble sont sans lien avec la perte de rémunération que le requérant allègue avoir subie avant le mois de février 2014.
6. En troisième lieu, il ressort des dispositions du décret du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de police municipale et du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, tous deux visés ci-dessus, que les agents appartenant au grade dont le requérant était titulaire dans son corps d'origine et les agents titulaires du grade dans lequel il a été reclassé dans le cadre d'emplois des adjoints techniques, relevaient de la même échelle 4 de rémunération prévue par le du 30 décembre 1987 portant organisation des carrières des fonctionnaires territoriaux de catégories C et D, puis de l'échelle de rémunération C2 prévue par le décret du 12 mai 2016 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de la catégorie C de la fonction publique territoriale. Par lui-même, le maintien de M. A... en détachement dans le corps des adjoints techniques n'a dès lors pas eu d'effet sur sa rémunération indiciaire. Il n'est par suite fondé à demander aucune indemnisation à ce titre. De même, le requérant n'établit pas avoir été retardé dans son avancement ni avoir subi une perte de droits à pension.
7. En quatrième lieu, M. A... reconnaît qu'il a perçu durant son détachement dans le cadre d'emplois des adjoints techniques l'indemnité d'administration et de technicité à un taux supérieur à celui dont il bénéficiait dans son cadre d'emplois d'origine. Il ne justifie dès lors d'aucun préjudice à cet égard.
8. En cinquième lieu, M. A..., qui se borne à faire valoir qu'il a été rémunéré avant son exclusion temporaire pour des heures supplémentaires et perçu des majorations pour travail le dimanche, et qu'il perçoit depuis sa réintégration dans la police municipale des sommes de même nature, d'un montant d'ailleurs inférieur, n'établit pas que compte tenu de l'organisation de la police municipale de Grenoble, le refus de le réintégrer à celle-ci entre 2014 et 2018 l'a privé d'une rémunération à ce titre. Ce préjudice n'a dès lors pas un caractère certain.
9. En sixième et dernier lieu, si M. A... impute la dégradation de sa situation financière et les soucis qu'elle lui a causés aux fautes de l'administration, cette situation était pour partie le résultat de l'exclusion temporaire de fonctions dont il a fait l'objet pour une période de deux ans, sanction privatrice de rémunération qui a été jugée légale. En outre, il résulte de l'instruction, et notamment du certificat établi le 10 avril 2013 par le psychiatre suivant M. A..., que celui-ci souffrait d'une dépression réactionnelle avant que la commune de Grenoble lui ait fautivement opposé un refus de réintégration dans la police municipale à l'expiration de la période d'exclusion temporaire de fonctions. Si la prolongation du conflit avec son employeur n'était pas de nature à contribuer au rétablissement du requérant, celui-ci a par ailleurs souffert d'un harcèlement moral pour lequel la commune a déjà été condamnée à l'indemniser. Dans ces conditions, le lien de causalité entre les refus fautifs de réintégration dans la police municipale et la perte de rémunération résultant d'arrêts pour maladie n'est pas établi. Par ailleurs, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence dont il a souffert en conséquence de ces refus, en le chiffrant à 3 000 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a que partiellement donné satisfaction à sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions d'appel de M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution de la part de la commune de Grenoble. Les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Grenoble de procéder à la reconstitution de carrière de M. A... doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grenoble, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par la commune de Grenoble en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A..., est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Grenoble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, où siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Noémie Lecouey
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY00444