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20/10/2023 | FRANCE | N°23LY00257

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 20 octobre 2023, 23LY00257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 24 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205150 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, M. B... A..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 24 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205150 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Samba Sambeligue, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205150 du 13 décembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 24 juin 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement renverse la charge de la preuve et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur le refus de titre de séjour :

- cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- cette décision méconnait le droit d'être entendu tel qu'il découle des principes généraux du droit de l'Union, est entaché d'un défaut d'examen de sa situation et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur le refus de délai de départ volontaire :

- cette décision est entachée d'une erreur de droit, le préfet de l'Isère s'étant considéré en situation de compétence liée ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- un retour en Algérie l'expose à un risque d'atteinte à son intégrité physique ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 27 mars 1978, est entré en France le 23 novembre 2013 sous couvert d'un visa long séjour. Il a bénéficié de titres de séjour portant la mention " visiteur " régulièrement renouvelés jusqu'au 29 septembre 2019. Par un arrêté du 3 septembre 2019 le préfet de l'Isère a opposé un refus à sa demande de renouvellement de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Grenoble par un jugement du 30 décembre 2019. Par un nouvel arrêté du 3 août 2020, le préfet de l'Isère lui a de nouveau refusé la délivrance d'un titre de séjour, assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire. Le recours contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 février 2021, confirmé par un arrêt de la cour du 16 décembre 2021. Le 21 avril 2022, M. A... a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par des décisions du 24 juin 2022 le préfet de l'Isère a opposé un refus à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par le jugement attaqué du 13 décembre 2022, dont M. A... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. A... soutient que le tribunal administratif a, à tort, fait peser sur lui seul la charge de la preuve de l'intensité et de la stabilité de ses liens en France, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué. Il en est de même du moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'intéressé ne justifiait pas de liens intenses et stables en France en dehors de sa seule cellule familiale composée de son épouse en situation irrégulière et de leurs cinq enfants mineurs.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. [...] ". Il résulte de ces dernières stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. M. A... soutient qu'il dispose de liens anciens et stables en France au motif qu'il a exercé les fonctions d'imam pendant quatre ans et qu'il été le référent spirituel de nombreux fidèles avec lesquels il a tissé des liens amicaux. Cependant, s'il réside en France depuis 2013, il ne produit aucune pièce de nature à établir l'intensité et la stabilité de ses relations en France et la seule circonstance qu'il exerce une activité de négoce ambulant de textile depuis le 16 mai 2022 ne suffit pas à justifier d'une intégration particulière sur le territoire français. En outre, il ne conteste pas avoir fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français le 3 août 2020 qui n'a pas été exécutée ni que son épouse est en situation irrégulière en France et il ne justifie pas de l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale en Algérie, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité et où ses cinq enfants mineurs pourront poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, le préfet de l'Isère n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a dès lors pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Il n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur des enfants de l'intéressé au sens du 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision du 24 juin 2022 que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à l'examen de la situation personnelle de M. A... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

6. En deuxième lieu, si M. A... invoque la méconnaissance de son droit d'être entendu, tel qu'il est notamment garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il ne fait toutefois valoir aucun élément utile et pertinent qu'il n'aurait pas été mis en mesure de porter à la connaissance de l'autorité préfectorale et qui aurait été susceptible d'influer sur le sens de la décision d'éloignement. Le moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

7. En troisième lieu, eu égard aux éléments de la situation personnelle de M. A..., tel qu'exposés au point 4 du présent arrêt, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la légalité du refus de délai de départ volontaire :

8. Il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet de l'Isère se serait cru en situation de compétence liée pour refuser d'octroyer à M. A... un délai de départ volontaire. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

9. Si M. A... soutient qu'un retour en Algérie l'expose à des risques pour son intégrité physique au motif qu'il aurait fait l'objet de menace de mort par des compatriotes, il n'assortit ces allégations d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

11. Si M. A... réside en France depuis 2013, il ne justifie pas de l'intensité et de la stabilité de ses liens sur le territoire en dehors de sa cellule familiale et aucun élément ne s'oppose à la reconstitution de cette dernière en dehors du territoire français. Par ailleurs, il a fait l'objet, le 3 août 2020, d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il ne s'est pas conformé et il ne justifie d'aucune circonstance humanitaire. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de l'Isère a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00257
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ARMAND ET WILFRIED SAMBA-SAMBELIGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-20;23ly00257 ?
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