Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2200859 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 11 avril 2023 qui n'a pas été communiqué, Mme D... épouse B..., représentée par la SCP Borie et associés demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer un récépissé de demande de carte de séjour portant la possibilité d'exercer une activité professionnelle et ce dans un délai de cinq jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros à verser à la SCP BORIE et ASSOCIÉS, en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté l'erreur de fait tirée de son entrée avec passeport et visa de court séjour et n'ont pas relevé l'erreur de droit résultant de la méconnaissance de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté en litige méconnaît l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1999 qui n'a pas été exactement transposé en droit français, la déclaration d'entrée ne lui étant pas opposable puisqu'elle était entrée sous couvert de visa ;
- à supposer opposable la déclaration d'entrée, les autorités françaises devaient privilégier une remise aux autorités italiennes plutôt qu'une obligation de quitter le territoire français ;
- la décision d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation à l'égard d'un couple franco-congolais unis par le mariage et une communauté de vie depuis près de deux ans qui cherche à avoir un enfant par fécondation in vitro.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2023, le préfet de l'Yonne, représenté par la SELARL Centaure avocats, conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge de Mme D... épouse B... une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une décision du 19 octobre 2022, Mme D... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle.
Par une ordonnance du 28 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse B..., ressortissante congolaise, née le 6 novembre 1993 est entrée en France une première fois le 11 avril 2018 où elle a séjourné jusqu'au 26 avril 2018, date d'expiration de son visa court séjour. Elle est entrée en France, une seconde fois, par l'Italie, le 29 décembre 2019. Le 7 novembre 2020, elle a épousé un ressortissant français. Le 15 mai 2021, elle a présenté une demande de carte de séjour en qualité de conjointe de français. Par un arrêté du 2 mars 2022, le préfet de l'Yonne a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour en assortissant son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la République du Congo. Mme D... épouse B... relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". L'article L. 412-1 du même code prévoit que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance de la carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Il résulte de ce qui précède que l'exemption de visa de long séjour à l'égard du conjoint d'un ressortissant français est subordonné à la régularité de son entrée sur le territoire.
3. Aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 modifiée par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 sans toutefois modifier l'économie du régime du code frontière Schengen stipule que : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes peuvent être tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. / Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". L'article 21 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, qui s'est pour partie substitué à la convention du 19 juin 1990, dispose que : " La suppression du contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte : / (...) d) à l'obligation des ressortissants des pays tiers de signaler leur présence sur le territoire d'un Etat membre conformément aux dispositions de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen ". Selon l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable qui assure une application exacte des stipulations conventionnelles : " La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-6, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ". L'article R. 211-33 du même code prévoit que : " La déclaration d'entrée sur le territoire français est souscrite auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, un récépissé est remis à l'étranger. Il peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. L'étranger assujetti à l'obligation de déclaration doit être en mesure de justifier, à toute réquisition des agents de l'autorité, qu'il a satisfait à cette obligation, par la production de ce récépissé (...) ". Il en résulte que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
4. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de l'Yonne s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée ne démontrait pas une entrée régulière sur le territoire. S'il ressort des éléments versés au dossier que la communauté de vie depuis plus de six mois de la requérante avec son mari est avérée, Mme D..., est entrée en France en provenance d'Italie alors que son visa de court séjour était échu depuis le 26 avril 2018 et qu'elle n'établit pas avoir souscrit une déclaration d'entrée sur le territoire. Par suite, son entrée est irrégulière, faute de visa alors qu'elle était, en outre, soumise à la détention d'un visa de long séjour à l'égard d'une nouvelle entrée sur le territoire français. Il en résulte que les moyens tirés d'une erreur de fait et d'une erreur de droit sur lesquels se sont prononcés les premiers juges doivent être écartés ainsi que ceux tirés de la méconnaissance de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen transposée dans l'ordre juridique national et de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. Contrairement à ce que soutient Mme D... épouse B..., le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Le moyen tiré de ce que le préfet de l'Yonne aurait dû privilégier une remise aux autorités italiennes ne peut donc qu'être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme D... épouse B..., dont la vie commune avec son époux est récente comme son insertion professionnelle et qui a passé la plus grande partie de sa vie dans son pays d'origine où résident ses parents, se borne en appel à faire valoir que son époux et elle-même se sont vu proposer un programme de procréation médicalement assisté sans toutefois indiquer s'ils s'y sont engagés ni à quelle échéance débuterait ce dernier. Dans ces conditions, alors que la délivrance d'un visa de long séjour est de plein droit pour les conjoints rejoignant un ressortissant français, elle n'est pas fondée à soutenir que son éloignement porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la requérante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... D... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de l'Yonne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... épouse B... au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.
Le rapporteur,
J.-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY03257