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19/10/2023 | FRANCE | N°21LY02776

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 21LY02776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'indivision A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 732 euros constaté au titre du premier semestre 2018. Le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au tribunal sa réclamation tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décem

bre 2017 et de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'indivision A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 732 euros constaté au titre du premier semestre 2018. Le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au tribunal sa réclamation tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 et de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement nos 1901345 - 1905253 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 août 2021 et 30 novembre 2022, l'indivision A..., représentée par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer ce remboursement assorti des intérêts moratoires et la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de travaux réalisés sur un immeuble situé en France, c'est à juste titre que le prix des travaux a été grevé de la taxe sur la valeur ajoutée française, ce que l'administration ne conteste pas ;

- c'est la société Cubuk Group B3 renov qui est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle dispose en France d'un établissement stable, à partir duquel ont été émises les factures des travaux réalisés en France, en application des articles 283 et 283-0 du code général des impôts ; elle l'est également en ce qu'elle a mentionné la taxe sur les factures qu'elle lui a adressées, en vertu du 3. de l'article 283 du même code ; l'administration ne démontre pas l'absence d'établissement stable en France de cette société, notamment l'absence de moyens humains et techniques de sorte que les opérations en litige n'ont aucun caractère communautaire ;

- il ne saurait lui être reproché l'absence de mention du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de la société Cubuk Group B3 renov, en l'absence d'obligation pesant sur elle de contrôler la régularité de la situation de son prestataire ;

- l'administration n'a jamais soutenu qu'elle savait ou ne pouvait ignorer que l'adresse de Bourg d'Oisans était fausse ou fictive et qu'elle participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due au titre de l'opération ;

- l'amende prévue à l'article 1788 A n'est pas justifiée, en l'absence d'opération intracommunautaire ;

- selon l'instruction administrative référencée BOI-TVA-DED-40-10-10 n° 55 la seule omission ou inexactitude dans les mentions obligatoires devant figurer sur une facture n'entraine pas nécessairement la remise en cause du droit à déduction, si les conditions de fond de ce droit sont remplies ; c'est aussi le sens de la jurisprudence communautaire ; en l'espèce, ces conditions de fond sont remplies.

Par deux mémoires, enregistrés les 23 novembre 2022 et 9 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 novembre 2022, la clôture d'instruction, initialement fixée au 23 novembre 2022, a été reportée au 15 décembre 2022.

Un mémoire, présenté pour l'indivision A... le 14 décembre 2022, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tournoud, représentant l'indivision A... ;

Une note en délibéré présentée par l'indivision A... a été enregistrée le 29 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. L'indivision A..., qui exerçait une activité de location de logements avec fourniture de prestations para-hôtelières à raison de laquelle elle était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime simplifié, a fait réaliser, en 2017 et 2018, des travaux d'extension de son chalet. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2015 au 30 juin 2018, à l'issue de laquelle l'administration a notamment rappelé la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 10 600 euros, grevant les factures de travaux émises en 2017 par la société Cubuk group B3 renov, société de droit espagnol, déduite par l'indivision au motif que les prestations réalisées en France par cette société devaient être facturées hors taxe s'agissant de prestations de services intracommunautaires. L'administration a également, pour le même motif, rejeté, à hauteur de 11 732 euros, la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par l'indivision A... au titre du premier semestre de l'année 2018. L'indivision A... relève appel du jugement du 18 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes de remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée, de décharge du rappel de taxe qui lui a été réclamé et de décharge de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

2. Aux termes du II de l'article 271 du code général des impôts, d'une part : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ". Aux termes de l'article 289 du même code : " (...) II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code : " I. Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client ; 2° Le numéro individuel d'identification attribué à l'assujetti en application de l'article 286 ter du code précité et sous lequel il a effectué la livraison de biens ou la prestation de services ; (...) ".

3. Aux termes du 1. de l'article 283 du code général des impôts, d'autre part : " La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, (...). / Toutefois, lorsqu'une livraison de biens ou une prestation de services mentionnée à l'article 259 A est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Le montant dû est identifié sur la déclaration mentionnée à l'article 287 ".

4. L'administration a remis en cause, sur le fondement des dispositions énoncées au 2 ci-dessus, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant des factures de travaux émises par la société Cubuk group B3 renov, domiciliée en Espagne, au motif que la taxe ne pouvait figurer sur ces factures, les prestations, réalisées sur un immeuble situé en France par une société établie en Espagne, étant des prestations intra-communautaires devant être facturées hors taxe. L'administration a relevé, à cet égard, que les factures concernées mentionnaient l'adresse du siège social de la société en Espagne, son numéro fiscal espagnol et qu'elles ont été réglées sur un compte bancaire ouvert en Espagne.

5. L'indivision A... soutient que les travaux immobiliers facturés ont été réalisés par l'établissement stable en France de la société Cubuk group B3 renov, situé à Bourg-d'Oisans (Isère) où cette société disposait d'un bureau, d'une adresse de courriel et d'une ligne de téléphone mobile ouverts chez un opérateur français ainsi que d'un représentant permanent domicilié en France, sous l'enseigne " Concept aménagement immobilier ". L'administration fait toutefois valoir qu'aucun établissement de la société Cubuk group B3 renov assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée n'a été déclaré, en France, auprès du centre de formalité des entreprises, en méconnaissance de l'obligation posée au 1° du I de l'article 286 du code général des impôts et que cette société ne dispose, par conséquent, ni d'un numéro Siren, ni d'un numéro individuel d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée, en méconnaissance des dispositions du 1° de l'article 286 ter du même code. Elle ajoute que les factures produites ne mentionnent aucun numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en méconnaissance de l'article 289 du code général des impôts et de l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code, alors qu'elles contiennent, outre la mention du siège social de la société Cubuk group B3 renov et de son numéro fiscal espagnol, celle d'un compte bancaire ouvert en Espagne. Elle indique enfin que la seule existence d'une adresse en France, au demeurant commune à plusieurs sociétés, ne saurait, dans ces conditions, caractériser l'existence d'un établissement stable et la participation de celui-ci aux opérations réalisées en France, participation qui est présumée en cas de mention sur la facture du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée, en vertu de l'article 53 du règlement d'exécution UE n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 portant mesures d'exécution de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Si l'indivision A... se prévaut d'une facture d'acompte du 27 juin 2017 d'un montant de 27 600 euros TTC, libellée sous l'enseigne " Concept aménagement immobilier ", qui mentionne un numéro Siret et un numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, acompte repris dans la facture définitive du 26 février 2018, cette facture fait apparaitre un net à payer de 0 euro et l'administration indique, sans être contredite, que ce numéro Siret est celui de la société Bubble.gom, domiciliée à la même adresse à Bourg-d'Oisans, laquelle a pour activité le nettoyage de bâtiments et le nettoyage industriel. Dans ces conditions, et alors que l'indivision A... n'apporte aucune précision sur les conditions d'exercice de l'activité de son prestataire, les travaux en litige doivent être regardés comme ayant été réalisés par la société établie en Espagne, qui ne pouvait légalement faire figurer, sur ses factures, la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre en déduction la taxe mentionnée sur ces factures, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017 et au titre du premier semestre 2018, indépendamment de toute considération de fraude fiscale.

6. Il résulte des dispositions énoncées au point 2, interprétées à la lumière, notamment, de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 15 septembre 2016 Barlis 06 - Investimentos Imobiliaros e Turisticos SA aff. C-516/14, aux termes duquel, s'il ressort de l'article 178, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, en ce qui concerne les conditions formelles du droit à déduction, que l'exercice de ce droit est subordonné à la détention d'une facture établie conformément à l'article 226 de cette directive, le principe fondamental de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée exige que la déduction de celle-ci en amont soit accordée si les conditions matérielles sont satisfaites, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis, lorsque l'administration fiscale dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites.

7. Si l'indivision A... soutient que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures émises par la société Cubuk group B3 renov ne pouvait lui être refusé au seul motif qu'aucun numéro d'identification à la taxe ne figurait sur ces factures, il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que l'administration ne s'est pas fondée sur cette circonstance mais sur le fait que la taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait légalement y figurer. En tout état de cause, et ainsi qu'il a été dit au point 4, les conditions de fond du droit à déduction ne sont pas remplies, dès lors que les prestations en litige ont été réalisées, en France, par une entreprise établie en Espagne et que la taxe n'a pas été auto-liquidée par l'indivision A....

8. L'indivision A... n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 55 de l'instruction administrative référencée BOI-TVA-DED-40-10-10, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui lui a été appliquée.

Sur l'amende prévue à l'article 1788 du code général des impôts :

9. Aux termes de l'article 1788 A du code général des impôts : " 4. Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. "

10. Il résulte de l'instruction que l'indivision A... n'a pas mentionné, sur ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée relatives à la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations de travaux réalisées par la société espagnole Cubuk group B3 renov, dont elle était redevable en application du second alinéa du 1. de l'article 283 du code général des impôts et qu'elle aurait dû auto-liquider. Par suite, c'est à bon droit que l'administration lui a appliqué, sur le fondement du 4. de l'article 1788 A du code général des impôts, une amende de 636 euros correspondant à 5 % du montant de la taxe déductible correspondante.

11. Il résulte de ce qui précède que l'indivision A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que, en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'indivision A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'indivision A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02776
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;21ly02776 ?
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