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13/10/2023 | FRANCE | N°23LY00175

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 octobre 2023, 23LY00175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence valable 10 ans ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, sou

s astreinte journalière de 100 euros.

Par un jugement n° 2206137 du 15 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence valable 10 ans ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, sous astreinte journalière de 100 euros.

Par un jugement n° 2206137 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 21 juillet 2022 et enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. D... un certificat de résidence de dix ans dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206137 du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Le préfet soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il retient que l'arrêté attaqué s'est uniquement fondé sur la lettre anonyme dénonçant l'existence d'un mariage frauduleux alors que tel n'est pas le cas ;

- la légalité de l'arrêté attaqué doit être apprécié à la date de son édiction, en fonction des pièces dont il disposait à ce moment dont, notamment, l'enquête qui établit l'absence de communauté de vie entre les époux.

Par un mémoire, enregistré le 9 mars 2023, M. D..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Sabatier, conclut :

1°) au rejet de la requête du préfet de l'Isère ;

2°) à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D... soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2023, le rapport de M. Gros.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 17 mai 1970, a sollicité, le 17 janvier 2022, en qualité de conjoint d'une ressortissante française, le renouvellement de certificat de résidence d'un an qui échoyait au 15 mars 2022. Par décisions du 21 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer le titre sollicité, obligé M. D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désigné son pays de renvoi. Par un jugement n° 2206137 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions. Le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Grenoble :

2. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a, au b, au c, et au g : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2, et au dernier alinéa de ce même article (...) ". Aux termes de l'article 6 du même accord : " (...) ¨ Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2 ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Il résulte de ces stipulations que le renouvellement d'un titre de séjour d'un an, ou la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour de dix ans, à un ressortissant algérien, en qualité de conjoint d'un ressortissant français, sont subordonnés à une communauté de vie effective entre les époux.

3. Le préfet de l'Isère produit, pour la première fois en appel, les résultats de l'enquête de communauté de vie menée les 3 et 9 juin 2022 par les services de police au domicile déclaré du couple à Vienne. Le rapport du vendredi 3 juin 2022 mentionne une absence des époux à leur domicile et que le voisin de l'étage supérieur a déclaré n'avoir jamais vu ni entendu d'homme au domicile du couple. Le rapport du jeudi 9 juin 2022 relève l'absence de tout vêtement et chaussures appartenant à un homme dans l'appartement. Devant de tels constats, M. D... indique avoir stocké, en raison des travaux que les époux ont engagés dans leur appartement à la suite de l'affaissement de la dalle de ce logement, la plus grande partie de ses effets personnels à Lyon, où il travaille de nuit et où un ami l'héberge durant la semaine. Toutefois, la réalité de ces travaux, que n'ont pas pointés les agents de police dans leur rapport d'enquête, n'est pas établie par M. D.... Divers documents administratifs adressés aux noms de M. et Mme D..., ou au seul nom de M. D..., à leur adresse commune, ou bien portant son nom et cette adresse, d'une part, des attestations certifiant l'existence d'une vie commune ainsi que des photographies, d'autre part, ne suffisent pas, face aux constats précités, à caractériser une communauté de vie effective à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, en l'absence de communauté de vie établie au moment où le préfet a adopté la décision de refus de séjour en litige, c'est à tort que, pour annuler la décision attaquée, puis les décisions subséquentes, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'accord franco-algérien visées ci-dessus.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. D..., tant en première instance qu'en appel.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

5. L'arrêté a été signé par Mme A..., sous-préfète chargée de mission auprès du préfet de l'Isère, secrétaire générale adjointe de la préfecture de l'Isère, sur le fondement de la délégation consentie par arrêté du préfet de l'Isère du 2 février 2022, régulièrement publiée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté.

Sur le refus de titre de séjour :

6. D'une part, les moyens tirés de la méconnaissance du a) de l'article 7 bis et du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'erreur de fait dont serait entachée cette décision, doivent être écartés pour le motif tiré de l'absence de communauté de vie exposé au point 3 du présent arrêt.

7. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. D..., né en mai 1970, de nationalité algérienne, est entré en France le 2 octobre 2020, sous couvert d'un visa court séjour. Il a ensuite, le 24 octobre 2020, épousé une ressortissante française, avec laquelle, selon ses dires, il entretenait une relation depuis 2016, et obtenu la délivrance d'un certificat de résidence d'un an en qualité de conjoint de Français. Ainsi qu'il a été dit plus haut, l'absence de communauté de vie fait obstacle à ce que l'intéressé puisse s'appuyer sur son statut marital pour en obtenir le renouvellement. S'il se prévaut de son intégration professionnelle, il ressort des pièces du dossier qu'il a travaillé, en 2021 et 2022, dans le cadre de contrats d'intérim pour des périodes courtes et souvent à temps partiel, en qualité de manutentionnaire. Par ailleurs, M. D... conserve des attaches familiales fortes en Algérie ou résident ses parents, son frère et ses trois sœurs et où il a vécu plus de 50 ans. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet de l'Isère n'a pas, en lui refusant le séjour, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en conséquence être écarté. Le préfet n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les autres décisions :

9. D'abord, la décision de refus n'ayant pas été démontrée illégale, M. D... n'est pas fondé à exciper d'une telle illégalité au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. Ensuite, en l'absence de tout autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, articulé à l'encontre de la mesure d'éloignement, doit être écarté pour les motifs précédemment exposés au point 8 du présent arrêt.

11. Enfin, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision lui impartissant un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et de celle désignant son pays de destination.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de ce jugement, que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision de refus de séjour et les mesures subséquentes prises le 21 juillet 2022 et lui a prescrit la délivrance d'un certificat de résidence algérien de dix ans. Les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de M. D... doivent pour leur part être rejetées.

Sur les frais de procès :

13. M. D... étant la partie perdante dans la présente instance, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2206137 du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. D... sur lesquelles le tribunal administratif de Grenoble a statué par son jugement n° 2206137 du 15 décembre 2022 et les conclusions d'appel de M. D... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00175
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-13;23ly00175 ?
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