Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 12 juin 2020 par laquelle le préfet de la Savoie a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son fils D... E... A... et d'enjoindre au préfet de la Savoie de faire droit à cette demande.
Par un jugement n° 2004657 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Besson, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2004657 du 14 novembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler la décision du 12 juin 2020 par laquelle le préfet de la Savoie a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son fils D... E... A... ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de faire droit à sa demande de regroupement familial au profit de son fils ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de F... L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- le préfet a appliqué les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens ;
- la taille du logement doit s'apprécier au moment de l'arrivée en France du candidat au regroupement familial ;
- son logement présente une surface de 73,42 m² et une surface corrigée de 121,34 m², supérieure à la surface requise en zone B qui est de 64 m² ;
- la décision méconnait les stipulations de F... 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de F... 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, car l'ensemble de la cellule familiale vit en France.
Le préfet de la Savoie a produit un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2023, par lequel il conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de F... 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2023 le rapport de M. Gros.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 14 août 1969, titulaire d'un certificat de résidence, a sollicité le 13 septembre 2019 le bénéfice du regroupement familial au profit de son fils, M. D... E... A.... Par une décision du 12 juin 2020, le préfet de la Savoie a refusé de lui accorder ce bénéfice. Par un jugement n° 2004657 du 14 novembre 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il est stipulé par F... 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié que " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : (...) / 2. Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France (...) ". Aux termes du titre II du protocole annexé à l'accord franco-algérien, dans sa rédaction issue du troisième avenant : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs (...) ". F... R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée et dont le champ d'application inclut les ressortissants algériens, précise qu'" est considéré comme normal un logement qui : / 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : (...) en zones B1 et B2 : 24 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes (...) / 2° Satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 (...) ". Aux termes de F... 4 de ce décret : " Le logement dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes. / La surface habitable et le volume habitable sont déterminés conformément aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de F... R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation. ". Enfin, aux termes de F... R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " (...) La surface habitable d'un logement est la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres ; le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond. / Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à F... R. 111-10, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Savoie a refusé à M. A... le regroupement familial qu'il sollicitait en faveur de son fils, D... E... A..., né le 16 septembre 2001, mineur au moment de la demande, au motif que les conditions de logement n'étaient pas remplies au regard de la surface du logement, du nombre de pièces et de la composition de la famille. A la date de la décision attaquée, la famille, composée de deux adultes et de cinq enfants occupait un logement, comportant quatre chambres, d'une surface habitable de 73,42 m² très légèrement inférieure à la surface requise de 74 m² en zone B, mais dont la superficie totale s'étendait sur 121,34 m². Le préfet ne soutient pas que ce logement, notamment par sa configuration ou son agencement, ne satisfait pas aux conditions tenant à la sécurité physique et à la santé de ses occupants, posées par F... 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ou est dépourvu des éléments d'équipement et de confort exigés par F... 3 du même décret. Ainsi, compte tenu de la composition de la famille, dont tous les autres enfants sont en France, et de l'étendue réelle du logement, le préfet de la Savoie a, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 juin 2020 lui refusant le bénéfice du regroupement familial. Ce jugement doit, par suite, être annulé ainsi que la décision préfectorale du 12 juin 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation, par le présent arrêt, de la décision du 12 juin 2020 refusant à M. A... le bénéfice du regroupement familial qu'il sollicitait pour son fils, M. D... E... A..., il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Savoie, dès lors que la situation du requérant n'a pas évolué, d'accorder à M. A... le bénéfice de ce regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
F... 1er : Le jugement n° 2004657 du tribunal administratif de Grenoble du 14 novembre 2022 et la décision du 12 juin 2020 refusant le bénéfice du regroupement familial à M. C... A... sont annulés.
F... 2 : Il est enjoint au préfet de la Savoie d'admettre M. D... E... A... au séjour au titre du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
F... 3 : L'Etat versera à M. C... A... une somme de 1 500 euros au titre de F... L. 761-1 du code de justice administrative.
F... 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00094