Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ambulance adéquate a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 juin 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes a suspendu pour une durée de quinze jours son agrément pour une activité de transports sanitaires terrestres, ensemble la décision du 21 juillet 2020 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2006643 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2022, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 30 mai 2023, la société Ambulance adéquate, représentée par la SCP Aguera avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2006643 du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision du 19 juin 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes a suspendu pour une durée de quinze jours son agrément pour une activité de transports sanitaires terrestres, ensemble la décision du 21 juillet 2020 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Ambulance adéquate soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- le jugement est irrégulier faute que des mesures d'instruction aient été diligentées, en particulier concernant le rapport médical prévu par l'article R. 6313-6 du code de la santé publique ;
- le principe du contradictoire et celui du respect des droits de la défense, garantis par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration et par l'article R. 6312-5 du code de la santé publique, ont été méconnus, faute qu'elle ait été informée de toutes les pièces utilisées et ait pu en demander communication ; ils ont également été méconnus faute qu'elle ait été informée du fondement légal de la mesure envisagée, de la sanction encourue et de la possibilité de se faire assister par un conseil ;
- la décision a été prise en méconnaissance du principe d'impartialité garanti par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que le directeur général de l'ARS prend l'initiative de la procédure, préside le sous-comité des transports sanitaires et prend la décision de sanction ;
- la décision a été prise sans que l'avis médical prévu par l'article R. 6313-6 du code de la santé publique ait préalablement été recueilli ;
- le sous-comité des transports sanitaires n'était pas régulièrement composé conformément aux prévisions de l'article R. 6313-5 du code de la santé publique.
- la matérialité des faits n'est pas établie ;
- la sanction a été prise sans examen de sa situation et la sanction n'est pas individualisée ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2022, l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, représentée par son directeur général, conclut au rejet de la requête.
L'ARS Auvergne-Rhône-Alpes soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2023 à 16h30. Par ordonnance du 31 mai 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 30 juin 2023 à 16h30.
Un mémoire complémentaire, présenté pour la société Ambulance adéquate et enregistré le 27 juin 2023, n'a pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux pertinents.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Royaux, représentant la société Ambulance adéquate.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 19 juin 2020, le directeur général adjoint de l'agence régionale de santé (ARS) d'Auvergne-Rhône-Alpes a infligé à la société Ambulance adéquate la sanction de suspension pour une durée de quinze jours de l'agrément n° 69-290 dont elle bénéficiait pour une activité de transports sanitaires terrestres. Par une décision du 21 juillet 2020, le recours gracieux formé par la société a été rejeté. Cette société demande l'annulation du jugement du 1er mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 19 juin et 21 juillet 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. La société Ambulance adéquate a soutenu dans sa requête introductive que le jugement serait irrégulier, faute que le tribunal ait fait usage de ses pouvoirs d'instruction, sans fournir les précisions permettant d'apprécier le bien-fondé du moyen. Dans son mémoire complémentaire, elle évoque le rapport d'un médecin prévu par l'article R. 6313-6 du code de la santé publique. Il résulte toutefois de l'instruction que l'ARS a produit en première instance ce qu'elle estime être ce rapport. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis une irrégularité en ne demandant pas la production d'une pièce déjà produite ne peut dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté.
Sur le fond :
3. Aux termes de l'article L. 6312-1 du code de la santé publique : " Constitue un transport sanitaire, tout transport d'une personne malade, blessée ou parturiente, pour des raisons de soins ou de diagnostic, sur prescription médicale ou en cas d'urgence médicale, effectué à l'aide de moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes, spécialement adaptés à cet effet (...) ". Aux termes de l'article L. 6312-2 du même code : " Toute personne effectuant un transport sanitaire doit avoir été préalablement agréée par le directeur général de l'agence régionale de santé (...) ". Aux termes de l'article L. 6312-5 du même code : " Sont déterminées par décret en Conseil d'Etat : / (...) / -les modalités de délivrance par l'agence régionale de santé aux personnes mentionnées à l'article L. 6312-2 de l'agrément pour effectuer des transports sanitaires ainsi que les modalités de son retrait (...) ". Aux termes de l'article R. 6312-1 du même code : " L'agrément nécessaire au transport sanitaire est délivré par le directeur général de l'agence régionale de santé (...) ". Aux termes de l'article R. 6312-4 du même code : " Les personnes titulaires de l'agrément sont tenues de soumettre les véhicules et les aéronefs affectés aux transports sanitaires au contrôle des services de l'agence régionale de santé suivant des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Enfin, aux termes de l'article R. 6312-5 du même code : " En cas de manquement aux obligations de la présente section par une personne bénéficiant de l'agrément, celui-ci, après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations, en préalable à l'avis du sous-comité des transports sanitaires, peut être retiré temporairement ou sans limitation de durée par décision motivée du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".
4. En premier lieu, par un premier courrier du 10 janvier 2020, l'ARS a informé la société qu'un contrôle réalisé le 1er janvier 2020 sur une ambulance autorisée de la société, à la suite d'une infraction au code de la route, a révélé que les deux membres d'équipage se trouvaient à l'avant, le patient, atteint de troubles psychiatriques, étant laissé seul à l'intérieur de la cellule sanitaire, sans surveillance et non attaché. Ce même courrier invite la société à présenter des observations et lui précise que ce dysfonctionnement donnera lieu à convocation devant le sous-comité des transports sanitaires. Par un second courrier du 15 janvier 2020, l'ARS a informé la société qu'un contrôle inopiné, réalisé le 13 décembre 2019 à 22h30 et portant sur un véhicule autorisé de la société, a mis en évidence des irrégularités sur les équipements obligatoires, dont le nombre et la nature sont précisés. Ce même courrier indique à la société qu'elle sera convoquée devant le sous-comité des transports sanitaires et l'incite à présenter des observations. Par un courrier du 23 janvier 2020, en réponse au courrier du 10 janvier, la société a admis la réalité du manquement, en précisant avoir rappelé son personnel à l'ordre et en sollicitant l'indulgence de l'ARS. Par un second courrier du 23 janvier 2020 en réponse au courrier du 15 janvier, la société a admis que les équipements requis n'avaient pas tous été présentés, en soutenant qu'ils auraient été tous présents et que son salarié aurait été intimidé par le contrôle et aurait perdu ses moyens, une sanction disciplinaire lui ayant été infligée par la société. Par courrier du 5 février 2020, l'ARS a convoqué la société devant le sous-comité des transports sanitaires, en rappelant les manquements relevés dans ses précédents courriers des 10 et 15 janvier. Il ressort de ces éléments que la société a été régulièrement informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de présenter régulièrement des observations avant la convocation devant le sous-comité, devant lequel elle a eu à nouveau la possibilité de présenter des observations. Il résulte par ailleurs de ses propres réponses qu'elle connaissait précisément la teneur des griefs et elle n'a pas demandé la production de pièces. Enfin, le gérant de la société s'est rendu devant le sous-comité, auquel il a exposé ses observations orales. Ainsi, la société requérante a été régulièrement informée des éléments qui lui sont reprochés et a été pleinement mise à même de faire valoir ses observations, tant par écrit qu'oralement. Ainsi la procédure contradictoire requise a été régulièrement mise en œuvre.
5. Il est vrai qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 211-2 auquel il est ainsi renvoyé vise à son 2° les décisions qui infligent une sanction. Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / (...) / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". D'une part, si ces dispositions reconnaissent à la personne susceptible de se voir infliger une sanction la possibilité de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix durant la procédure contradictoire préalable, elles ne font pas obligation à l'administration d'indiquer expressément cette possibilité. D'autre part, si la personne susceptible de se voir infliger une sanction doit être mise à même de demander communication de son dossier, l'ARS a en l'espèce indiqué à la société de façon complète et circonstanciée tous les éléments sur lesquels elle se fondait, de telle sorte que la société a eu connaissance de tous les éléments pertinents du dossier et était ainsi mise à même d'en demander, si elle l'avait estimé utile, la communication. La procédure contradictoire, telle qu'elle est prévue par ces dispositions législatives, n'a, dès lors, pas été méconnue.
6. En deuxième lieu, les courriers précités des 10 et 15 janvier et 5 février 2020, indiquant à la société que des manquements avaient été relevés et l'invitant à présenter des observations, puis la convoquant devant le sous-comité des transports sanitaires, se bornent à faire état des contrôles effectués et ne prennent pas position sur le principe et le quantum d'une éventuelle sanction. Ils ont au surplus été signés par une personne différente de celle qui a édicté la décision de sanction et a rejeté le recours gracieux. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas soutenu que l'autorité administrative aurait manifesté une animosité particulière à l'égard de la société ou aurait fait preuve de partialité. Aucun manquement au principe d'impartialité n'est, ainsi, caractérisé, alors même qu'aux termes de l'article R. 6312-5 du code de la santé publique la décision de sanction est prise par le directeur général de l'ARS, qui co-préside le sous-comité des transports sanitaires chargé d'émettre un avis préalable.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 6313-6 du code de la santé publique : " Le sous-comité donne un avis préalable au retrait par le directeur général de l'agence régionale de santé de l'agrément nécessaire aux transports sanitaires mentionné à l'article L. 6312-2. / Cet avis est donné au vu du rapport du médecin désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé et des observations de l'intéressé (...) ".
8. Ainsi que l'expose l'ARS, le rapport de contrôle du 13 décembre 2019 a été signé par le Dr A..., médecin inspecteur de santé publique, qui s'en est ainsi approprié le contenu pour tenir lieu de rapport médical transmis au sous-comité. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que ce médecin aurait émis un rapport concernant les manquements constatés le 1er janvier 2020, sur lesquels la sanction se fonde également. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal, le sous-comité a disposé d'un rapport de police qui décrit précisément les faits constatés le 1er janvier 2020, non seulement s'agissant de la méconnaissance des dispositions du code de la route, mais également s'agissant des conditions d'installation du patient. Ces faits, exposés de façon circonstanciée et non contestés par la société, permettaient en l'espèce au sous-comité d'apprécier suffisamment la nature et l'ampleur des manquements. Ainsi, dans ces circonstances particulières, alors même que le rapport médical prévu par les dispositions précitées de l'article R. 6313-6 du code de la santé publique n'est que partiel, le sous-comité a pu être suffisamment informé de l'ensemble des manquements en litige et l'incomplétude du rapport médical n'a, dès lors, pas porté une atteinte effective à la garantie d'information que ce rapport vise à permettre, ni n'a influé sur le sens de la décision. Aucun vice de procédure ne peut, dès lors, être retenu.
9. En quatrième lieu, la composition du sous-comité des transports sanitaires est prévue par l'article R. 6313-5 du code de la santé publique. Si cet article prévoit normalement seize membres, en l'espèce, le procès-verbal produit par l'ARS fait état de 11 membres présents et un excusé. Cinq membres étaient donc absents, dont quatre sans être excusés. Le procès-verbal constate toutefois que le quorum était atteint. La circonstance que certains membres étaient absents n'entache dès lors pas l'avis d'irrégularité, dès lors que le quorum était atteint.
10. En cinquième lieu, la matérialité des faits est établie, d'une part par le rapport de contrôle inopiné du 13 décembre 2019, d'autre part par le rapport de police du 1er janvier 2020. S'agissant des matériels obligatoires à bord des véhicules et dont la présence n'a pas été constatée, la société requérante ne peut sérieusement soutenir qu'elle aurait disposé des matériels et que son salarié n'aurait pas osé les présenter. S'agissant des conditions irrégulières de transport d'un patient, le non-respect des règles de sécurité est établi et la société n'établit pas qu'elle aurait été contrainte de mettre en place des modalités irrégulières.
11. En sixième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la sanction n'aurait pas été prise après examen de la situation de la société et de façon individualisée.
12. En septième lieu, outre les divers manquements qui viennent d'être exposés, l'ARS relève que des contrôles réalisés le 13 juin 2019 avaient déjà conduit à constater l'absence d'équipements sanitaires dont la présence est impérativement requise. L'ARS précise qu'à titre de simple avertissement informel, par courrier du 30 août 2019, la société avait été invitée à justifier de la régularisation des dysfonctionnements, sans qu'une procédure de sanction ne soit alors engagée. Eu égard à la répétition et à la nature des manquements retenus, le directeur général de l'ARS n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en infligeant à la société la sanction de suspension de l'agrément de l'activité de transports sanitaires terrestres, pour une durée qui a été limitée à quinze jours.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ambulance adéquate n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Ambulance adéquate est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ambulance adéquate et à l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01323