Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... et Mme D... C..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a levé l'obligation de constituer des garanties financières pour la carrière exploitée par la société Mathias et fils au lieu-dit " Brousse " sur le territoire de la commune de Job.
Par un jugement n° 1800677 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 mai 2021, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 mars 2021 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par les époux B... devant ce tribunal ;
Elle soutient que :
- l'arrêté préfectoral d'autorisation du 18 août 2000 prévoit que la remise en état de la carrière précédemment exploitée par la société Mathias et Fils consiste en une insertion satisfaisante de l'espace affecté par l'exploitation dans le paysage, seulement par la végétalisation du front et du carreau final, et non, comme l'a jugé le tribunal, en une réhabilitation de la zone précédemment exploitée dans son environnement d'origine ;
- si la remise en état n'a pas été effectuée au fur et à mesure de l'avancée de l'extraction, sa conformité a été constatée par l'inspecteur des installations classées, agent assermenté, assisté d'un paysagiste conseil de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, et la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dans sa formation spécialisée " carrières " a émis un avis favorable à l'unanimité quant à la proposition de levée des garanties financières.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2021, M. et Mme A... et D... B..., représentés par Me Rodriguez-Jaffeux, concluent au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande était recevable : ils ont intérêt à agir ; leur requête a été enregistrée dans le délai d'un an, seul opposable car mentionné à l'article 3 de l'arrêté attaqué, à compter de son affichage ;
- les prescriptions fixées par l'article 6-1 de l'arrêté préfectoral du 18 août 2000, l'arrêté de mise en demeure du 18 novembre 2000 et le schéma départemental des carrières du Puy-de-Dôme exigent la réalisation de véritables travaux de remise en état du site ; la société exploitante n'a procédé à aucune plantation, ni au fur et à mesure de l'avancée de l'exploitation, ni après l'arrêt de l'exploitation, pas même plus de trois ans après cet arrêt effectif.
Par une ordonnance du 5 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- les observations de Me Rodriguez-Jaffeux pour M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. La ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sur demande de M. et Mme B..., voisins de la carrière à ciel ouvert de granite située au lieu-dit " Brousse " sur le territoire de la commune de Job et exploitée d'août 2000 à octobre 2016 par la société Mathias et fils, a annulé l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a levé l'obligation faite à cette société de disposer de garanties financières d'un montant actualisé de 92 229,80 euros afin d'assurer la remise en état du site.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 516-1 du code de l'environnement : " Les installations dont la mise en activité est subordonnée à l'existence de garanties financières (...) sont (...) / 2° Les carrières (...) ". Aux termes de l'article R. 516-2 de ce code : " (...) II. L'arrêté d'autorisation fixe le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant (...) ". Aux termes de l'article R. 516-5 du même code : " (...) II. Lorsque le site a été remis en état totalement ou partiellement ou lorsque l'activité a été totalement ou partiellement arrêtée, le préfet détermine, dans les formes prévues à l'article R. 181-45, la date à laquelle peut être levée, en tout ou partie, l'obligation de garanties financières, en tenant compte des dangers ou inconvénients résiduels de l'installation. La décision du préfet ne peut intervenir qu'après consultation des maires des communes intéressées. Le préfet peut demander la réalisation, aux frais de l'exploitant, d'une évaluation critique par un tiers expert des éléments techniques justifiant la levée de l'obligation de garantie (...) ".
3. L'article 6-1 de l'arrêté du 18 août 2000 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a autorisé l'exploitation de la carrière en litige, relatif aux modalités de remise en état du site, prévoit que " La remise en état consiste en une insertion satisfaisante de l'espace affecté par l'exploitation dans le paysage, par re-végétalisation du front (banquettes) et du carreau final. Par ailleurs le site sera laissé dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun danger ou inconvénients pour l'environnement (nuisances - pollutions). / La remise en état sera effectuée au fur et à mesure de l'avancée de l'extraction conformément aux indications figurant dans l'étude d'impact du dossier de la demande. / D'une manière générale les stériles de la découverte et de l'exploitation seront réutilisés le plus rapidement possible au modelage des terrains déjà exploités. / La morphologie des fronts résiduels sera adoucie et les talus résultant revégétalisés de manière progressive dès que le développement de l'extraction aura permis de dégager un linéaire de front résiduel de 20 m ". Aux termes de l'article 6-2 de cet arrêté, qui concerne en particulier la remise en état du site en fin d'exploitation : " En fin d'exploitation la remise en état, telle que décrite ci avant, sera achevée (...) La remise en état devra être terminée six mois après l'arrêt définitif de l'exploitation (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que l'exploitant, d'ailleurs mis en en demeure d'" effectuer les travaux de remise en état de la carrière correspondant à la première phase d'exploitation conformément à l'étude d'impact du dossier de demande d'autorisation d'exploiter et aux prescriptions de l'article 6-1 de l'arrêté préfectoral " par un arrêté du 18 novembre 2010, n'a jamais procédé à la remise en état de manière progressive, selon les différentes phases d'exploitation précisées dans le dossier de demande d'autorisation.
5. Cependant, et à la suite de la déclaration de cessation d'activité effectuée par la société Mathias et fils, l'inspecteur des installations classées a procédé à une visite de recollement le 7 mars 2017. Dans son rapport au préfet daté du même jour, cet inspecteur mentionne que cette visite n'a donné à lieu à aucune observation particulière, l'exploitant ayant satisfait à ses obligations. Comme l'ont relevé les premiers juges, il a indiqué que les fronts d'exploitation des zones sud et médiane de la carrière avaient été remis en état avec la formation de risbermes, de remblais meubles et de couvertures de terre végétale essentiellement en partie basse. Il a également relevé que le paysagiste conseil de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) a préconisé une recolonisation naturelle du site par les espèces locales en conservant toutefois une large part à la conservation du caractère minéral de l'exploitation et recommandé la création d'un merlon végétalisé sur toute la longueur du carreau de la carrière. Il a également été constaté que les replats rocheux situés en sommet de carrière se sont progressivement reboisés naturellement, que la couverture des risbermes au nord a été réalisée avec de la terre végétale ce qui a permis, depuis 2010, l'implantation naturelle de genêts à balais, et qu'une végétation naturelle s'est installée sur les anciens fronts d'exploitation situés au sud.
6. L'arrêté d'autorisation d'exploiter du 18 août 2000 ne renvoie pas, en dehors de l'obligation de remettre en état le site au fur et à mesure de l'avancée de l'extraction, aux indications figurant dans l'étude d'impact du dossier de la demande. Dans ces conditions, et si, selon l'étude d'impact, la remise en état du site a pour objet de " faire disparaître toutes les caractéristiques paysagères qui évoquent une carrière (front de taille rocheux, carreau uniforme, " trou " béant) en proposant des modes de végétalisation adaptés ", les circonstances relevées par les premiers juges que selon les constats d'huissier produits par les demandeurs, dans les six mois suivant la fin de l'exploitation, le site présente toujours les caractéristiques paysagères évoquant une carrière et que les travaux de remise en état du site ne permettaient pas, à la date de l'arrêté attaqué, de réhabiliter la zone exploitée dans son environnement d'origine, ce que n'exige nullement l'arrêté d'autorisation comme le soutient la ministre, ne permettent pas de retenir l'inobservation des conditions légalement imposées à la société Mathias et fils.
7. Dès lors que les travaux de remise en état du site précisés au point 5 satisfont aux conditions de re-végétalisation du front (banquettes) et du carreau final imposées dans l'arrêté d'autorisation d'exploiter du 18 août 2000, le préfet du Puy-de-Dôme a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, après avis favorable à l'unanimité de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du 4 avril 2017, lever l'obligation faite à cette société de disposer de garanties financières afin d'assurer la remise en état du site.
8. Si les intimés se prévalent du non-respect des préconisations du schéma départemental des carrières du Puy-De-Dôme, l'incompatibilité alléguée, laquelle doit s'apprécier, dans le cadre d'une analyse globale, au regard de l'ensemble des orientations et objectifs fixés par le schéma départemental des carrières, n'est pas démontrée.
9. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 2 mai 2017 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a levé l'obligation de constituer des garanties financières pour la carrière exploitée par la société Mathias et fils au lieu-dit " Brousse " sur le territoire de la commune de Job.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les intimés demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 mars 2021est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à M. A... B... et Mme D... C... épouse B....
Copie en sera adressée au préfet du Puy-De-Dôme.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01608