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05/10/2023 | FRANCE | N°23LY01129

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 05 octobre 2023, 23LY01129


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A..., épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208291 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête, enregistrée le 30 mars 2023, sous le n°

23LY01129, Mme A..., représentée par Me Zouine, demande à la cour :

1°) de solliciter, avant dire d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A..., épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208291 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête, enregistrée le 30 mars 2023, sous le n° 23LY01129, Mme A..., représentée par Me Zouine, demande à la cour :

1°) de solliciter, avant dire droit, la production, par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'entier dossier au vu duquel le collège de médecins a rendu son avis ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 13 octobre 2022 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Rhône :

- à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

- à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente, dans le délai de cinq jours, une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cour doit solliciter de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la production de l'entier dossier médical au vu duquel le collège de médecins a rendu son avis ;

- l'arrêté du 13 octobre 2022 est insuffisamment motivé en l'absence de mention de la présence en France de l'un de ses enfants et de référence à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

II. Par une requête, enregistrée le 30 mars 2023, sous le n° 23LY01131, Mme A..., représentée par Me Zouine, demande à la Cour :

1°) de solliciter, avant dire droit, la production, par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'entier dossier au vu duquel le collège de médecins a rendu son avis ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

3°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 24 janvier 2023 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens présentés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A... dans l'instance n° 23LY01129 a été rejetée par une décision du 10 mai 2023, confirmée par une ordonnance du président de la cour du 3 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Zouine, représentant Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., épouse C..., ressortissante algérienne née le 4 décembre 1966, est entrée régulièrement en France le 24 novembre 2021, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa valable du 26 octobre 2021 au 23 avril 2022. Le 13 juin 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 13 octobre 2022, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 24 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Les affaires enregistrées sous les n° 23LY01129 et 23LY01131 concernent une même ressortissante étrangère, sont dirigées contre le même jugement et les mêmes décisions, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 23LY01129 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...)Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". L'article R. 425-11 du même code dispose : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".

4. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

5. Pour refuser d'admettre Mme A... au séjour, le préfet du Rhône s'est appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 septembre 2022 indiquant que, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque. Mme A..., qui souffre d'une fibrose pulmonaire idiopathique, produit deux certificats médicaux établis en février 2022 et janvier 2023 par un praticien hospitalier des Hospices civils de Lyon, qui mentionnent sa pathologie, indiquent qu'elle doit bénéficier d'un traitement anti-fibrosant (pirfénidone) et précisent qu'aucun traitement de ce type n'est accessible en Algérie, ainsi qu'une ordonnance du 2 juin 2022 lui prescrivant le médicament Esbriet, dont le principe actif est le pirfénidone. Si le préfet du Rhône a fait valoir, en première instance, que sa pathologie pouvait également être traitée par la substance active nintedanib, contenue dans le médicament Ofev, Mme A... produit, en appel, une attestation, datée du 5 février 2023, établie par le chef de service des maladies respiratoires du centre hospitalier universitaire Mustapha d'Alger, selon laquelle les médicaments Ofev et Esbriet ne sont pas disponibles en Algérie. Elle produit également le résultat de recherches effectuées sur le site internet Phar'Net, qui reprend la nomenclature officielle des médicaments distribués en Algérie, qui fait apparaitre que ni les deux médicaments précités, ni leurs substances actives, le pirfénidone et le nintedanib, n'y sont commercialisés. Dans ces conditions, et alors que seules ces spécialités sont indiquées dans la prise en charge de la pathologie de Mme A..., ainsi que cela ressort de la brochure 2021 sur la fibrose pulmonaire idiopathique établie par le centre de référence des maladies pulmonaires rares, l'intéressée, par les éléments qu'elle produit, établit que contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Rhône a méconnu le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cette décision doit, dès lors, pour ce motif, être annulée.

6. L'annulation ci-dessus prononcée de la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de Mme A... implique, par voie de conséquence, l'annulation des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de destination.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'autorité préfectorales délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète du Rhône d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur la requête n° 23LY01131 :

9. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions, présentées par Mme A... dans cette instance, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 24 janvier 2023 sont devenues sans objet.

Sur les frais liés aux litiges :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 24 janvier 2023.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 2208291 du 24 janvier 2023 et l'arrêté du préfet du Rhône du 13 octobre 2022 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01129-23LY01131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01129
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-05;23ly01129 ?
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