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05/10/2023 | FRANCE | N°22LY03593

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 05 octobre 2023, 22LY03593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204436 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2022 et un mémoire complémentai

re enregistré le 5 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204436 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 5 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Savoie du 19 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité du refus d'admission au séjour :

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et a commis une erreur de fait ;

- elle méconnaît l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 7, paragraphe 2, de la convention relative aux droits des personnes handicapées ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'article 7, paragraphe 2, de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de renouvellement de son titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2023, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Un mémoire du préfet, enregistré le 12 septembre 2023, n'a pas été communiqué.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pruvost ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Selon ses déclarations, Mme A... B..., ressortissante angolaise née en 1959, est entrée irrégulièrement en France le 16 mars 2016 accompagnée de son petit-fils né le 25 mars 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 février 2017 confirmée, le 20 septembre 2017, par la Cour nationale du droit d'asile. Le 19 avril 2018, le préfet de la Savoie a délivré à Mme B..., sur sa demande, une autorisation provisoire de séjour temporaire qui a par la suite été renouvelée jusqu'au 15 janvier 2021. Le 12 janvier 2021, elle a demandé le renouvellement de cette autorisation de séjour sur le fondement de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à défaut, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 de même code. Par un arrêté du 30 avril 2021, le préfet de la Savoie a rejeté ses demandes et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté au motif que le préfet n'avait pas préalablement recueilli de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et a enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation de Mme B.... Après avoir renouvelé cette autorisation de séjour pour une durée de six mois par un arrêté du 6 janvier 2022 pris à la suite de l'injonction de réexamen, le préfet de la Savoie a, par un nouvel arrêté du 19 avril 2022, refusé le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel a été refusé le renouvellement de l'autorisation de séjour : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. " Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Enfin, aux termes de l'article 7, paragraphe 2, de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

3. Pour refuser de faire droit à la demande de Mme B..., le préfet de la Savoie s'est approprié les termes de l'avis du 28 mars 2022 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration estimant que, si l'état de santé de l'enfant nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester la décision de refus de l'autorité préfectorale, Mme B... soutient que l'état de santé de l'enfant, qui est atteint d'un syndrome autistique de sévérité de niveau 2, nécessite une prise en charge pluridisciplinaire dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, les éléments qu'elle produit, à savoir des certificats médicaux des 8 janvier et 7 juin 2021 et du 7 juillet 2022, la note du psychologue du service d'éducation spéciale et de soins à domicile d'Albertville et le rapport de situation d'une association indiquant qu'un défaut de prise en charge en France pourrait faire perdre à l'enfant l'évolution favorable de ses divers handicaps et qui ne font pas état de conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins. Si, dans un précédent avis du 7 juillet 2019, le collège de médecins avait estimé que le défaut de prise en charge entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette appréciation ne révèle pas, en soi, qu'en se fondant sur le dernier avis du 28 mars 2022, le préfet aurait commis une erreur d'appréciation sur les conséquences d'un défaut de prise en charge de l'enfant en France. La requérante ne peut utilement se prévaloir de l'indisponibilité des soins appropriés à l'état de santé de son petit-fils qui ne constitue pas le motif de la décision de refus en litige. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Savoie a méconnu l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'article 7, paragraphe 2, de la convention relative aux droits des personnes handicapées. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'enfant.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

5. Mme B... est entrée en France le 16 mars 2016, selon ses déclarations, soit six ans avant la décision en litige. La circonstance qu'elle a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour en raison de l'état de santé de son petit-fils ne lui donnait pas vocation à séjourner durablement en France alors qu'il a été dit précédemment que le défaut de prise en charge de l'enfant en France ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales en Angola où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-sept ans et où résident ses sept enfants dont les parents de son petit-fils. Dans ces conditions, malgré les efforts d'intégration de Mme B... qui a produit des contrats de travail, le préfet de la Savoie, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.

6. Mme B... reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de ce que la décision de refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Grenoble.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus d'autorisation de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

8. Les moyens, invoqués à l'encontre de la mesure d'éloignement, tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 7, paragraphe 2, de la convention relative aux droits des personnes handicapées doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 5.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

D. Pruvost

L'assesseure la plus ancienne,

(dans l'ordre du tableau)

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03593
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Dominique PRUVOST
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-05;22ly03593 ?
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