Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Team Car Repairs (TCR) a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des rappels de taxe sur les véhicules de sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2016, des pénalités correspondantes ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2008233 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er juillet 2022 et des mémoires enregistrés le 20 octobre 2022 et le 3 mai 2023, la société Team Car Repairs, représentée par Me Canis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 3 mai 2022 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et majorations contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'était pas imposable à l'impôt sur les sociétés en France au titre des exercices en litige sur le fondement des dispositions combinées du I de l'article 209 du code général des impôts et de l'article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, dès lors qu'elle ne dispose pas d'un établissement stable en France, M. B... ayant le seul pouvoir d'engager la société TCR dont il est le seul représentant légal, l'administration n'ayant jamais transmis de contrat signé par M. C... ou M. A..., ces derniers n'étant pas les mandataires du compte bancaire dont M. B... est le seul titulaire mais seulement porteurs de cartes bancaires et le tribunal n'ayant pas désigné l'adresse de cet établissement stable ;
- aucune vérification de comptabilité ne pouvait être engagée à son encontre, en sa qualité de société de droit luxembourgeois ne disposant pas d'un établissement stable en France ;
- une situation d'opposition à contrôle fiscal n'est pas caractérisée ;
- elle n'a pas bénéficié d'un dialogue oral et contradictoire avec le vérificateur, lequel avait déjà arrêté sa position avant même le début des opérations de contrôle, a fixé unilatéralement les dates d'entretien et a refusé que la vérification ait lieu au cabinet de son conseil ;
- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur son moyen tiré de ce que l'exercice d'une activité occulte n'est pas caractérisé, dès lors que ne disposant d'aucun établissement stable en France, elle n'était pas tenue de souscrire de déclaration en matière d'impôt sur les sociétés, qu'elle dispose d'un numéro SIREN et a déclaré son activité auprès de l'URSSAF et que; par suite, la procédure de taxation d'office ne pouvait être mise en œuvre ;
- c'est à tort que le tribunal administratif lui a refusé le bénéfice du taux réduit de 15 % alors que son capital été entièrement libéré et qu'elle remplit les conditions pour bénéficier du taux réduit prévu par le b du I de l'article 219 du code général des impôts ;
- le tribunal administratif a méconnu les règles de territorialité applicables à la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prestations de services depuis le 1er janvier 2010 en ne prenant pas en considération le critère du siège luxembourgeois de la société TCR ;
- elle n'est pas redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations de services imposables en France, dès lors qu'elle n'y dispose pas d'un établissement stable ;
- la tenir pour redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces prestations de service constitue une double imposition, dès lors que celle-ci a été auto-liquidée par le preneur ;
- l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts n'est pas justifiée, dès lors que ne disposant d'aucun établissement stable en France, elle n'était pas astreinte à la présentation d'une comptabilité dématérialisée.
- la majoration de 100% qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1732 du code général des impôts n'est pas justifiée, dès lors que le contrôle n'a pu avoir lieu, non en raison de son comportement, mais du fait du vérificateur, qui a adressé les actes de procédure au domicile de M. C..., a fixé unilatéralement les dates d'entretien, s'est opposé à l'organisation d'une rencontre au cabinet de son conseil, s'est obstiné à vouloir que l'intervention ait lieu au domicile de M. C... ou dans les locaux de l'administration fiscale et a exigé la présentation des pièces comptables au format dématérialisé alors que la loi luxembourgeoise ne lui impose pas de tenir sa comptabilité selon ces modalités.
Par des mémoires en défense enregistrés le 4 octobre 2022 et le 22 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 5 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur de 14 845 euros en droits et 699 euros en amendes au titre de l'année 2013 et à hauteur de 14 509 euros en droits et 699 euros en amendes au titre de l'année 2014 et au rejet du surplus des conclusions de requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention entre la France et le grand-duché du Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune du 1er avril 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bourrachot, président et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme de droit luxembourgeois Team Car Repairs, ayant pour activité l'entretien et la réparation de véhicules automobiles légers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, étendue au 31 décembre 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Après l'envoi de deux mises en garde les 31 mars et 21 avril 2016, un premier procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal a été dressé le 20 mai 2016, suivi d'un second le 23 décembre 2016. La société Team Car Repairs a alors été assujettie, selon les procédures de taxation d'office et d'évaluation d'office, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour les années 2013 et 2014 et à des rappels de taxe sur les véhicules de sociétés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2016, assortis d'intérêts de retard et d'une majoration de 100%. Elle s'est également vue infliger l'amende prévue par l'article 1729 D du code général des impôts s'agissant des années 2013 à 2015. La réclamation contentieuse qu'elle a présentée en dernier lieu le 22 juillet 2020 ayant été rejetée, elle a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des impositions, pénalités et amendes en cause. La société Team Car Repairs relève appel jugement du 3 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
2. Par décision du 5 juillet 2023 le directeur régional des finances publiques a dégrevé les impositions contestées à hauteur de 30 752 euros par application du taux réduit prévu par le b du I de l'article 219 du code général des impôts. Dès lors, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence de cette somme et d'examiner le moyen de la Société Team Cars Repairs tiré de ce que c'est à tort que le tribunal administratif lui a refusé le bénéfice du taux réduit de 15 % alors que son capital a été entièrement libéré et qu'elle remplit les conditions pour bénéficier de ce taux.
3. Il résulte des termes du jugement attaqué que l'administration et le tribunal administratif ont fondé la procédure de taxation d'office prévue, en cas d'opposition à contrôle fiscal, par les dispositions du 2° et 5° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales sans envoi préalable d'une mise en demeure, sur l'application des dispositions du 4° de l'article L. 68 de ce livre. Dès lors que l'exercice d'une activité occulte, retenue à titre subsidiaire par l'administration, ne fondait ni l'application d'une règle spéciale de prescription, ni l'application d'une pénalité, les premiers juges n'étaient pas tenus de se prononcer sur le moyen de la société Team Car Repair tiré de ce que l'exercice d'une activité occulte n'était pas caractérisé.
4. Il résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.
5. Si la société Team Car Repairs se plaint de ce que le contrat qui aurait été signé par M. C... ou M. A... et auquel fait référence l'administration fiscale dans sa proposition de rectification n'a jamais été produit, il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas allégué que la société en aurait demandé la communication avant la mise en recouvrement des impositions contestées. Au surplus, ce document est directement accessible à la société qui n'établit pas ne pouvoir effectivement y accéder.
6. Aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, sous réserve des cas visés aux articles 275 à 277 A où le versement de la taxe peut être suspendu. Toutefois, lorsqu'une livraison de biens ou une prestation de services mentionnée à l'article 259 A est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Le montant dû est identifié sur la déclaration mentionnée à l'article 287. ".
7. Il résulte de ces dispositions que l'administration fiscale ne peut considérer comme redevable de la taxe sur la valeur ajoutée les destinataires de la prestation de services fournie à partir de l'établissement stable de la société requérante, dès lors que ce dernier était établi en France et exerçait son activité auprès de clients français, et à supposer même que ces derniers aient directement acquitté cette taxe en se fondant sur la supposition erronée que le prestataire ne disposait pas d'établissement stable dans cet État. Dès lors, il appartenait à la société requérante d'acquitter elle-même la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services en cause. Par suite, le moyen invoqué par la société et tiré de ce que ses clients avaient déjà acquitté la taxe en application de l'article 283 du code général des impôts est inopérant.
8. Les autres moyens susvisés ont été écartés à bon droit par le jugement attaqué, dont il y a lieu d'adopter les motifs.
9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner la transmission du contrat visé dans la proposition de rectification, la société Team Car Repairs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande.
10. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais d'instance exposés par la société Team Cars Repairs et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de la somme de 30 752 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Team Car Repairs est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifiée à la société Team Car Repairs et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
F. Bourrachot
La présidente assesseure,
P. Dèche
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N°22LY02020 2
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