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21/09/2023 | FRANCE | N°22LY03407

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 21 septembre 2023, 22LY03407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 juin 2022 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine en gendarmerie.

Par un jugement n° 2205470 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour


Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Albertin, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 juin 2022 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine en gendarmerie.

Par un jugement n° 2205470 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Albertin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision a été signée par une personne indéterminée et méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'elle pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été signée par une personne indéterminée et méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche qui n'a produit aucune observation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pruvost ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... épouse B..., ressortissante tunisienne née le 16 novembre 1984, est entrée en France le 16 janvier 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 8 juin 2021, M. B..., son époux, a demandé le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse. Sa demande a été rejeté le 10 novembre 2021. Le 10 mai 2022, Mme B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juin 2022, le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine en gendarmerie pour justifier de ses diligences à préparer son départ. Mme B... relève appel du jugement du 2 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. "

3. Si l'arrêté contesté ne comporte pas, en méconnaissance des dispositions précitées, l'indication du prénom et du nom de son signataire, il est revêtu d'une signature précédée de la mention " Le préfet de l'Ardèche " de sorte qu'il n'en résulte pour Mme B... aucune ambiguïté quant à l'identité du signataire de l'arrêté, qui est le préfet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

5. En application des stipulations de l'article 8 de la convention précitée, il appartient à l'autorité administrative qui refuse le séjour et envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

6. Mme B... fait valoir qu'elle s'est mariée en Tunisie, le 13 novembre 2017, avec un compatriote titulaire d'une carte de résident qu'elle a rejoint en France en janvier 2018 et que de leur union est née une enfant le 31 octobre 2018 scolarisée en classe de maternelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B... est arrivée en France sous couvert d'un visa touristique le 16 janvier 2018, quelques mois après son mariage, qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire à l'expiration de son visa de court séjour et n'a demandé à régulariser sa situation que le 10 mai 2022, soit plus de trois ans après son entrée sur le territoire national. Si le préfet a indiqué, pour justifier sa décision de refus, que l'intéressée pouvait bénéficier du regroupement familial en dépit d'un précédent refus du 10 novembre 2021 fondé sur le fait qu'elle n'était pas éligible au regroupement sur place, la décision de refus d'admission au séjour en litige n'est pas fondée sur la seule considération qu'elle entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial dès lors que le préfet a procédé à une appréciation de la situation familiale et personnelle de Mme B.... Si celle-ci relève que son époux est père d'un enfant de nationalité française issu d'une précédente union, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que celui-ci participerait à son entretien et à son éducation et maintiendrait des liens avec son fils. Par ailleurs, Mme B... n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, pays dans lequel résident sa mère et ses sœurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans. Enfin, ni le fait qu'elle bénéficie d'une promesse d'embauche, que son époux occupe un emploi stable en France ou que son père réside régulièrement en France n'est, en soi, de nature à lui ouvrir droit au séjour en France. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, en refusant de faire droit à la demande de titre de séjour de Mme B..., le préfet n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, elle n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.

7. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Le refus d'admission au séjour n'implique pas la séparation de la famille qui peut se reconstituer en Tunisie, pays dans lequel l'enfant du couple peut poursuivre sa scolarité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 précité de la convention internationale relative aux droits de l'enfant relative ne peut qu'être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels les dispositions précitées renvoient.

10. En l'espèce, ainsi qu'il a été exposé au point 6, Mme B... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'était donc pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

11. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme B... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité du refus de titres de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

12. Pour les motifs précédemment exposés aux points 6 et 8, la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français ne méconnait ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

D. Pruvost

L'assesseure la plus ancienne,

(dans l'ordre du tableau)

A. Courbon

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03407
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Dominique PRUVOST
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-21;22ly03407 ?
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