Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... G... B... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200672 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2022, M. B... F..., représenté par Me Hassid, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône :
- à titre principal, de lui renouveler son titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
- à titre subsidiaire, en cas d'annulation du refus de séjour pour illégalité interne, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
- en cas d'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français pour illégalité externe, de procéder au réexamen de son dossier dans le délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente, sous un mois, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
- à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination, de lui délivrer une assignation à résidence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la poursuite de ses études ;
- elle méconnaît la circulaire du 7 octobre 2008 ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La préfète du Rhône, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.
M. B... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,
- et les observations de Me Hassid, représentant M. B... F... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... F..., de nationalité gabonaise, est entré en France le 3 septembre 2016 sous couvert d'un visa long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant ", afin de poursuivre des études supérieures. Le 18 novembre 2020, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article 9 de convention franco-gabonaise. Par un arrêté du 18 novembre 2021, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. B... F... relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, énoncé dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écarté par adoptions des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges, au point 2 du jugement contesté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-gabonaise susvisée : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre État d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable. ". Il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'administration, saisie par un ressortissant gabonais d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, d'apprécier notamment, à partir de l'ensemble du dossier et sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... F... s'est inscrit, à son arrivée en France, en première année de Bachelor of business administration à l'école de commerce de Lyon et qu'il a validé ce diplôme, de niveau bac + 3, le 26 novembre 2019. A l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour, déposée en novembre 2020, il a produit une inscription en première année de mastère européen communication à l'ENACO, formation de niveau Bac + 5 dispensée en distanciel dans son intégralité, y compris pour les examens, qui se déroulent en ligne ou en visioconférence. Il a de nouveau produit, en août 2021 une inscription pour ce mastère, sans fournir aucun relevé de note pour l'année écoulée 2020/2021. En relevant que cette formation, qui se déroule à distance, ne nécessite pas la présence physique de M. B... F... en France, le préfet du Rhône a pu, sans méconnaître les stipulations précitées, et en dépit du contexte de pandémie de Covid-19, refuser de procéder au renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant.
5. En troisième lieu, M. B... F... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur 7 octobre 2008 relative à l'appréciation du caractère réel et sérieux des études des étudiants étrangers, qui est dépourvue de valeur réglementaire.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. B... F... se prévaut de sa durée de résidence en France, de la présence, sur le territoire national, de sa fille, née le 29 décembre 2019, qu'il a eue avec une compatriote, Mme C..., dont il s'est séparé par la suite et de sa relation avec sa nouvelle compagne de nationalité française. Toutefois, M. B... F... n'a été autorisé à séjourner en France que pour y poursuivre des études, autorisation qui ne lui donnait pas vocation à y demeurer durablement. Par ailleurs, la mère de sa fille, qui réside à Toulouse, sous couvert d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, selon les affirmations non contestées du préfet en première instance, n'a pas vocation à demeurer durablement en France. Alors qu'il n'est pas justifié que l'état de santé de cette enfant nécessite son maintien sur le territoire national, rien ne s'oppose à l'exercice par M. B... F... de ses droits parentaux au Gabon, pays dont les deux parents et l'enfant ont la nationalité. Par ailleurs, la relation qu'il allègue avec une ressortissante française n'est pas établie et si sa sœur réside en France, elle est étudiante et n'y dispose donc pas d'un droit au séjour pérenne. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, et alors même qu'il justifie d'un emploi à temps partiel depuis septembre 2018, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... F... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté. Pour les mêmes motifs, M. B... F... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus que la décision contestée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer la fille mineure de M. B... F... de l'un de ses parents et qu'il n'est pas établi que son état de santé nécessite son maintien en France. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, en tout état de cause, être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, M. E... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 et 9 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. B... F... doivent être écartés.
Sur la décision désignant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... F... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application, ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, M. E... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... B... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2023.
La rapporteure,
A. Courbon
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY03121