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21/09/2023 | FRANCE | N°22LY00924

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 21 septembre 2023, 22LY00924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1905255 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 avril 2023, M. B.

.., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de pronon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1905255 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 avril 2023, M. B..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des cotisations de contributions sociales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont procédé d'office à une substitution de base légale non sollicitée par l'administration ;

- la procédure d'évaluation d'office suivie pour établir le bénéfice non commercial est irrégulière en l'absence de la mise en demeure préalable de déposer une déclaration exigée par l'article L. 68 du livre des procédures fiscales alors que la rémunération ayant été déclarée dans la catégorie des traitements et salaires, l'activité ne peut être regardée comme occulte ;

- la procédure d'évaluation d'office a méconnu la documentation administrative BOI-CF-IOR-50-20 du 22 janvier 2020 selon laquelle les contribuables qui n'ont pas souscrit de déclaration ne peuvent pas faire l'objet d'une imposition d'office en l'absence de manquement délibéré et prévoyant, dans ce cas, l'application de la procédure contradictoire ;

- il a été privé des garanties de la procédure contradictoire du fait de l'indication, dans les propositions de rectification, du recours à une procédure d'office, ce qui l'a empêché de bénéficier du délai de trente jours pour présenter des observations sur la proposition de rectification et de saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- il n'était astreint à aucune obligation déclarative au titre des bénéfices non commerciaux ;

- l'absence de souscription d'une déclaration de résultats résulte d'une erreur ;

- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable méconnaissent l'exigence de motivation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne justifie pas l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux de la rémunération qui a été régulièrement déclarée dans la catégorie des traitements et salaires conformément à l'article 79 du code général des impôts en se bornant à invoquer l'article 80 du code qui ne confère pas automatiquement à la rémunération le caractère de revenu non commercial alors qu'il est titulaire d'un contrat de travail ;

- les remboursements de frais et les dépenses personnelles prises en charge par l'association sont imposables non pas dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers mais dans celle des bénéfices non commerciaux en vertu de la documentation administrative BOI-BNC-BASE-20-20 n° 30.

Par un mémoire, enregistré le 26 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, si la procédure contradictoire était jugée applicable, le contribuable n'a été privé d'aucune garantie dès lors qu'il a été mis en mesure de répondre aux propositions de rectification et que les réponses aux observations du contribuable l'ont informé de la possibilité de saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pruvost,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Interages, association placée sous le régime de la loi de 1901 ayant son siège à Meylan (Isère), qui avait pour objet la fourniture de services et l'assistance aux personnes âgées de la région grenobloise et dont M. A... B... était le président, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration, estimant qu'elle n'avait pas une gestion désintéressée, l'a assujettie aux impôts commerciaux au titre des années 2014, 2015 et 2016. A la suite de cette vérification de comptabilité et d'un contrôle sur pièces, l'administration a adressé à M. B... une proposition de rectification du 12 décembre 2017 pour, d'une part, imposer dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement du a. de l'article L. 73-2° bis du livre des procédures fiscales, les sommes d'un montant total de 31 497 euros versées par l'association en 2014 sous déduction du montant déclaré par l'intéressé dans la catégorie des traitements et salaires et, d'autre part, soumettre à l'impôt sur le revenu, suivant la procédure contradictoire, des dépenses personnelles de l'intéressé prises en charges par l'association, d'un montant de 1 235 euros, sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts. Par une seconde proposition de rectification du 12 mars 2018, l'administration a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et sous déduction des montants déclarés en 2015 et 2016 dans la catégorie des traitements et salaires, les sommes d'un montant de 35 575 euros versées par l'association en 2015 sur le fondement de l'article L. 73-2° du livre des procédures fiscales et les sommes versées en 2016 d'un montant de 22 982 euros sur le fondement du a. de l'article L. 73-2° bis. Par cette seconde proposition de rectification, l'administration a également soumis à l'impôt sur le revenu, suivant la procédure contradictoire, les dépenses personnelles de l'intéressé prises en charges par l'association, d'un montant de 188 euros et de 1 661 euros, sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts. En conséquence de ces rectifications, M. B... a été assujetti à des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2014, 2015 et 2016 ainsi qu'aux contributions sociales au titre des années 2014 et 2016. M. B... relève appel du jugement du 31 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... soutient que les premiers juges ont procédé à une substitution de base légale sans y avoir été invités par l'administration. Il ressort toutefois du dossier de première instance que, dans ses écritures en défense, l'administration a fait valoir, pour réfuter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'évaluation d'office en l'absence de mise en demeure préalable, que la procédure contradictoire était applicable et avait été effectivement suivie. Dans ces conditions, en écartant ce moyen comme inopérant au motif que l'intéressé avait effectivement bénéficié des garanties de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le tribunal n'a pas d'office procédé à une substitution de base légale, ce qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt de faire en l'absence de demande de l'administration. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :

3. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. ". Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". L'article 80 du code dispose, dans son troisième alinéa, que " (...) Sont également imposées comme des traitements et salaires les rémunérations perçues par les dirigeants d'organismes mentionnés au troisième alinéa du d du 1° du 7 de l'article 261 lorsque le versement de ces rémunérations s'effectue dans le respect des conditions prévues par les troisième à dixième alinéas du d du 1° du 7 de l'article 261 (...) ". L'article 80 terdecies de ce code dispose que " Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux personnes mentionnées au troisième alinéa de l'article 80 sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu ". Enfin, selon le d du 1° du 7 de l'article 261 du code fixant les conditions du caractère désintéressé de la gestion d'une association : " L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. " Les troisième à dixième alinéa précisent toutefois que : " lorsqu'une association (...) décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, l'élection régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés (...) ".

4. Il n'est pas contesté que l'association Interages, dont M. B... était le président, ne remplissait pas les critères d'une gestion désintéressée. Ainsi, les articles 80 et 80 terdecies du code général des impôts prévoyant l'imposition dans la catégorie des traitements et salaires des rémunérations perçues par les dirigeants d'organismes d'utilité générale dont la gestion présente un caractère désintéressé au sens du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts et des indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versées à ces dirigeants ne lui étaient pas applicables. Si M. B... invoque l'existence d'un contrat de travail avec l'association, il ne le produit pas et ne donne aucune indication sur le contenu de ses prétendues fonctions salariées de sorte que les sommes qu'il a perçues doivent être regardées comme rémunérant ses fonctions de dirigeant de l'association. Il en résulte que c'est à bon droit que l'administration a estimé que les rémunérations versées à M. B... présentaient le caractère de revenus provenant de l'exercice d'une occupation lucrative ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus au sens du 1 de l'article 92 précité du code général des impôts, imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

En ce qui concerne les revenus distribués :

5. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".

6. Lorsqu'une association soumise à l'impôt sur les sociétés a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comporte pas de contrepartie pour l'association, et, d'autre part, qu'il existe une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité. M. B..., qui ne conteste ni que les sommes réintégrées dans son revenu imposable sur le fondement de l'article 111 c précité du code correspondent à des dépenses personnelles prises en charges par l'association en 2014 et 2016, ni que c'est intentionnellement qu'elles ont été prises en charge n'est pas fondé à se prévaloir, pour faire échec à l'imposition de ces sommes dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, du paragraphe 30 de la documentation administrative BOI-BNC-BASE-20-20 relative à la base d'imposition des bénéfices non commerciaux selon lequel " les recettes comprennent également les intérêts de placements perçus dans le cadre de l'exercice de la profession et les sommes reçues à titre de remboursement de frais (indemnités kilométriques des médecins, par exemple) (CE, arrêt du 24 novembre 1976, n° 94105 ; 7e et 8e sous-sections), que ces sommes soient fixées forfaitairement ou qu'elles soient égales aux frais réels ", qui ne donne pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :

7. M. B... soutient que l'administration ne pouvait pas mettre en œuvre la procédure d'évaluation d'office de son bénéfice non commercial prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales sans l'avoir préalablement mis en demeure de régulariser sa situation conformément aux dispositions de l'article L. 68 du même livre.

8. Aux termes, d'une part, de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / 2° bis Les résultats imposables selon le régime d'imposition défini à l'article 102 ter du code général des impôts dès lors : a. qu'un des éléments déclaratifs visés au 2 de l'article précité n'a pas été indiqué (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre dans sa rédaction applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 ; (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 169 de ce livre, dans sa rédaction applicable : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".

9. Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

10. Aux termes, d'autre part, de l'article 96 du code général des impôts : " I. Les contribuables qui réalisent ou perçoivent des bénéfices ou revenus visés à l'article 92 sont obligatoirement soumis au régime de la déclaration contrôlée lorsqu'ils ne peuvent pas bénéficier du régime défini à l'article 102 ter. ". Aux termes de l'article 97 du code : " Les contribuables soumis obligatoirement ou sur option au régime de la déclaration contrôlée sont tenus de souscrire chaque année, dans des conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration dont le contenu est fixé par décret ". Selon l'article 102 ter du code applicable à l'année 2014 : " 1. Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux d'un montant annuel, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'activité au cours de l'année civile, n'excédant pas 32 900 euros hors taxes est égal au montant brut des recettes annuelles diminué d'une réfaction forfaitaire de 34 % avec un minimum de 305 euros.(...) / 2. Les contribuables visés au 1 portent directement sur la déclaration prévue à l'article 170 le montant des recettes annuelles et des plus ou moins-values réalisées ou subies au cours de cette même année. / . ". Aux termes de l'article 102 ter du code dans sa rédaction applicable aux périodes d'imposition arrêtées à compter du 31 décembre 2015 : " 1. Sont soumis au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices les contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux dont le montant hors taxes, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'activité au cours de l'année de référence, respecte les limites mentionnées au 2° du I de l'article 293 B. Le bénéfice imposable est égal au montant brut des recettes annuelles, diminué d'une réfaction forfaitaire de 34 % avec un minimum de 305 euros. (...) / 2. Les contribuables visés au 1 portent directement sur la déclaration prévue à l'article 170 le montant des recettes annuelles et des plus ou moins-values réalisées ou subies au cours de cette même année. (...) ". Aux termes de l'article 293 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I. - Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé : 1° Un chiffre d'affaires supérieur à : a) 82 200 euros l'année civile précédente ; (....) 2° Et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, supérieur à : a) 32 900 euros l'année civile précédente ; b) Ou 34 900 euros l'année civile précédente, lorsque la pénultième année il n'a pas excédé le montant mentionné au a. ".

11. Ainsi qu'il a été dit, les bénéfices non commerciaux des années 2014 et 2016 de M. B... ont été évalués d'office sur le fondement du a de l'article L. 73-2° bis du livre des procédures fiscales applicable aux contribuables soumis de plein droit au régime déclaratif spécial de l'article 102 ter du même code. Il en résulte que l'administration a pu mettre en œuvre la procédure d'évaluation d'office des bénéfices sans procéder préalablement à l'envoi d'une mise en demeure en application de ces dispositions combinées à celles de l'article L. 68. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie pour établir les impositions correspondantes doit être écarté.

12. En revanche, le bénéfice non commercial de l'année 2015 ayant été notifié sur le fondement du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales applicable aux contribuables relevant du régime de la déclaration contrôlée, l'article L. 68 prescrivant l'envoi d'une mise en demeure, dont la méconnaissance est invoquée, est applicable. M. B..., qui a déclaré des rémunérations imposables dans la catégorie des traitements et salaires au titre de cette année et ne peut, pour cette raison, être regardé comme ayant exercé une activité occulte, établit avoir commis une erreur justifiant qu'il ne se soit pas acquitté de son obligation de souscrire une déclaration de résultats au titre de cette année. Par suite, l'administration était tenue, avant d'évaluer d'office le bénéfice non commercial de cette année, de lui adresser une mise en demeure. En l'absence de l'envoi de ce document, l'intéressé ne pouvait faire l'objet d'une procédure d'évaluation d'office.

13. Le ministre fait toutefois valoir en appel que l'administration a suivi la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales et demande la substitution de la procédure contradictoire à la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition du 2° de l'article L. 73 sur le fondement duquel l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux a été établie.

14. Si l'administration peut, à tout moment de la procédure contentieuse, invoquer un nouveau fondement juridique pour justifier l'imposition, une telle substitution de base légale est subordonnée à la condition que le contribuable ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel l'imposition aurait dû être établie.

15. Il résulte de l'instruction que, nonobstant l'indication que le bénéfice a été évalué d'office, l'administration a suivi la procédure contradictoire pour établir l'imposition du bénéfice non commercial de l'année 2015. La seconde proposition de rectification adressée à M. B..., qui expose le motif et le montant du rehaussement envisagé, son fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle il est opéré ainsi que l'année d'imposition concernée, répond aux exigences de motivation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales applicable en cas de mise en œuvre de la procédure contradictoire. La proposition de rectification indique que l'intéressé dispose d'un délai de trente jours à compter de sa réception pour faire connaître son acceptation ou ses observations, conformément à l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales, et mentionne que le contribuable a la faculté de se faire assister du conseil de son choix, conformément à l'article L. 54 B du même livre. Si le requérant fait valoir qu'il a été privé de la possibilité de soumettre le litige l'opposant à l'administration à l'examen de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la réponse aux observations du contribuable qui lui a été adressée, et qui est, elle aussi, suffisamment motivée, comporte la mention que cette commission peut être saisie en cas de désaccord. Il résulte de ce qui précède, que M. B..., qui a été mis à même de saisir la commission en temps utile et ne peut être regardé comme ayant été induit en erreur sur la portée de ces informations du seul fait que la proposition de rectification mentionne pas le recours à une procédure d'office, n'a été privé d'aucune des garanties s'attachant à la procédure contradictoire, qui a, de fait, été suivie. La demande de substitution de base légale du ministre doit, dès lors, être accueillie pour l'année 2015.

16. M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative BOI-CF-IOR-50-20, laquelle est relative à la procédure d'imposition et ne saurait, dès lors, comporter une interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration.

En ce qui concerne les revenus distribués :

17. M. B... reprend en appel le moyen, invoqué en première instance, tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 12 mars 2018 en ce qui concerne les revenus distribués imposés selon la procédure contradictoire. Il y a lieu d'écarter de moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Grenoble.

18. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

D. Pruvost

L'assesseure la plus ancienne,

(dans l'ordre du tableau)

A. Courbon

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00924


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