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21/09/2023 | FRANCE | N°21LY03203

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 21 septembre 2023, 21LY03203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Mentor Graphics Development Crolles (MGDC) a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'ordonner le remboursement de soldes de créances de crédit d'impôt recherche de 253 011 euros au titre de l'année 2011 et de 146 996 euros au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1802686-1802771 du 2 août 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 octobre 2021 et 27 avril 2022, la soci

été Mentor Graphics France (MGF), venant aux droits de la SARL MGDC, représentée par Me Sibon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Mentor Graphics Development Crolles (MGDC) a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'ordonner le remboursement de soldes de créances de crédit d'impôt recherche de 253 011 euros au titre de l'année 2011 et de 146 996 euros au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1802686-1802771 du 2 août 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 octobre 2021 et 27 avril 2022, la société Mentor Graphics France (MGF), venant aux droits de la SARL MGDC, représentée par Me Siboni, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner le remboursement demandé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- seule la fraction de la subvention reçue au titre du programme Decade qui couvre des dépenses elles-mêmes éligibles au crédit d'impôt recherche doit être déduite de la base du crédit d'impôt recherche, à l'exclusion de celle qui sert à financer des opérations connexes, en application du III de l'article 244 quater B du code général des impôts ;

- elle est fondée à se prévaloir du paragraphe n° 33 de la documentation administrative référencée 4 A-10-08 du 26 décembre 2008, repris au paragraphe n° 10 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-30-20 du 4 janvier 2014, dont le contenu figure également dans le guide du crédit d'impôt recherche du ministère de la recherche ;

- le refus de remboursement est contraire à la décision de rescrit RES 2005/93 (FE) du 7 septembre 2005 ;

- les premiers juges n'ont pas motivé leur réponse au moyen tiré de l'erreur dans la date de déduction du crédit d'impôt retenue par l'administration ;

- en application du paragraphe n° 10 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-30-20 du 4 avril 2014, qui a modifié l'interprétation antérieure du III de l'article 244 quater B du code général des impôts, alors même que celui-ci n'a pas été modifié par le législateur, la subvention doit être déduite l'année au cours de laquelle les dépenses qu'elle couvre sont exposées et non l'année de son versement ; cette évolution démontre que l'interprétation administrative du texte de loi issue du paragraphe 33 de l'instruction référencée 4 A-10-08 du 26 décembre 2008 était erronée et qu'elle ne peut, dès lors, lui être opposée.

Par des mémoires, enregistrés les 24 janvier 2022 et 10 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être regardé comme concluant, dans le dernier état de ses écritures, au non-lieu à statuer partiel et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- par décision du 5 décembre 2022, un dégrèvement de 80 386 euros a été prononcé au titre du crédit d'impôt recherche de l'année 2011 et de 88 783 euros au titre du crédit d'impôt de recherche de l'année 2012 ;

- pour le surplus, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 janvier 2023, la clôture d'instruction, initialement fixée au 10 janvier 2023, a été reportée 1er février 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Siboni, représentant la société Mentor Graphics France ;

Une note en délibéré présentée par la société Mentor Graphics France a été enregistrée le 31 août 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Mentor Graphics Development Crolles (MGDC), qui appartenait au groupe Mentor, constitué autour de la société de droit américain Mentor Graphics Corporation intervenant sur le marché de l'automatisation de la conception électronique spécialisé dans les logiciels de conception de puces et de systèmes sur silicium, a été créée pour fournir à cette société des services de développement de logiciels dans le cadre du programme Nano 2012 visant à développer de nouvelles technologies de conception et production de prochaines générations de circuits intégrés et, plus spécifiquement, du sous-projet Decade, dans lequel le groupe Mentor était impliqué, pour fabriquer et mettre en œuvre des technologies dérivées et des systèmes sur puces. Le groupe Mentor a conclu, en décembre 2009, avec le Fonds de compétitivité des entreprises, une convention de soutien de l'Etat aux termes de laquelle le Fonds s'est engagé à financer 40 % du total des coûts supportés par la SARL MGDC dans le cadre du sous-projet Decade. La SARL MGDC a perçu, en exécution de cette convention, les sommes de 2 408 599 euros en 2011 et de 2 167 730 euros en 2012 et déclaré au titre du crédit d'impôt en faveur des dépenses de recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts des montants de 692 277 euros au titre de l'année 2011 et de 902 650 euros au titre de l'année 2012. A l'issue d'une vérification de comptabilité de cette société, l'administration a considéré qu'elle aurait dû déduire de la base de calcul du crédit d'impôt recherche de ces deux années la totalité de la subvention annuelle perçue et non, comme elle l'a fait, une quote-part correspondant aux seuls dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche et a ramené, en conséquence, les créances de crédit d'impôt recherche auxquelles elle pouvait prétendre à 439 266 euros en 2011, après imputation d'une somme de 80 386 euros sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2012, et à 666 871 euros en 2012, après imputation d'une somme de 88 783 euros sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2013. Les demandes de remboursement des créances de crédit d'impôt recherche que la SARL MGDC avait parallèlement présentées à hauteur de 693 377 euros pour 2011 et de 902 650 euros pour 2012 n'ont été admises qu'à hauteur de 439 266 euros pour 2011 et de 666 871 euros pour 2012. La société Mentor Graphics France (MGF), venant aux droits de la SARL MGDC, dissoute en 2020, relève appel du jugement du 2 août 2021, par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes de remboursement de, respectivement, 253 011 euros en 2011 et 146 996 euros en 2012.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 5 décembre 2022, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a fait droit à la demande de remboursement à hauteur de 80 836 euros au titre du crédit d'impôt recherche de l'année 2011 et de 88 783 euros au titre du crédit d'impôt recherche de l'année 2012. Eu égard aux montants dont la société requérante demande le remboursement, les conclusions de la requête sont, à hauteur de la somme de 80 836 euros au titre de l'année 2011, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Les premiers juges ont répondu, de manière suffisamment circonstanciée, au moyen tiré de ce que l'administration avait commis une erreur en imputant les subventions versées par le Fonds de compétitivité des entreprises sur le crédit d'impôt recherche afférent à l'année de leur versement, au point 10 de leur décision. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

En ce qui concerne le droit à remboursement :

4. Compte tenu des sommes dont le remboursement était initialement demandé et des montants effectivement remboursés par l'administration, tant avant la saisine du tribunal administratif qu'au cours de la présente instance, le litige est circonscrit, en appel, à des montants de 172 175 euros s'agissant du crédit d'impôt recherche de l'année 2011 et de 146 996 euros s'agissant du crédit d'impôt recherche de l'année 2012.

5. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. (...) / III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. (...) ".

6. La société MGF fait valoir que les subventions globales perçues du Fonds de compétitivité des entreprises en 2011 et 2012 ont servi à financer à la fois des dépenses elles-mêmes éligibles au crédit d'impôt recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts, mais également des dépenses connexes, notamment des frais de gestion, d'assistance non technique, de sous-traitance de fabrication de masques et de marketing, qui ne sont pas, eu égard à leur nature, éligibles au crédit d'impôt recherche. Elle soutient que seule la fraction de la subvention affectée à des dépenses elles-mêmes éligibles au crédit d'impôt recherche peut être déduite de la base de calcul de ce crédit d'impôt.

7. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des termes de la convention de soutien de l'Etat à des actions de recherche et d'innovation par voie de subvention conclue le 30 décembre 2009 que la subvention en litige a été versée dans le cadre du sous-projet Decade du programme Nano 2012, qui est " un programme de RetD collaboratif visant à développer de nouvelles technologies au meilleur niveau mondial pour la conception et la production des prochaines générations de circuits intégrés ", que la SARL MGDC a été constituée pour participer à ce programme et que sa seule activité au cours des années en litige a été de réaliser des services de recherche et développement dans le cadre de celui-ci. Cette subvention a ainsi été accordée à la SARL MGDC à raison d'une opération ouvrant droit au crédit d'impôt, au sens du III de l'article 244 quater B du code général des impôts. Il s'ensuit qu'elle doit, en application de ce texte, être entièrement déduite de la base de calcul du crédit d'impôt recherche dont la SARL MGDC a bénéficié au titre de cette même opération, même si toutes les dépenses exposées dans le cadre de cette opération ne sont pas elles-mêmes éligibles au crédit d'impôt recherche.

8. Il résulte du III de l'article 244 quater B du code général des impôts que les subventions perçues par une entreprise à raison d'une opération ouvrant droit au crédit d'impôt recherche doivent être déduites des bases de calcul de ce crédit d'impôt au titre de l'année au cours de laquelle les subventions ont été versées. Par suite, l'administration, en déduisant les subventions perçues par la SARL MGDC en 2011 et 2012 des bases de calcul des crédits d'impôts afférents, respectivement, aux années 2011 et 2012, a fait une exacte application de ces dispositions et ne lui a pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, opposé l'interprétation administrative résultant du paragraphe 33 de l'instruction référencée 4 A-10-08 du 26 décembre 2008, laquelle, au demeurant, ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale.

9. La demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche a le caractère d'une réclamation préalable au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. La décision refusant de rembourser un crédit d'impôt ne constitue, par suite, ni un rehaussement d'imposition ni un redressement. Il s'ensuit que la société MGF n'est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du même livre, ni du paragraphe 33 de l'instruction référencée 4A-10-08 du 26 décembre 2008, ni de la décision de rescrit RES 2005/93 du 7 septembre 2015, ni, et en tout état de cause, du paragraphe 10 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-30-20 du 4 avril 2014, postérieure aux années d'imposition en litige et du guide du crédit d'impôt recherche publié par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui ne constitue pas une interprétation formelle d'un texte fiscal.

10. Il résulte de ce qui précède, et sous réserve du remboursement accordé en cours d'instance, que la société MGF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de 80 836 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Mentor Graphics France.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Mentor Graphics France est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mentor Graphics France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03203
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Établissement de l'impôt. - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET DLSI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-21;21ly03203 ?
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