Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 janvier 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2104050 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 février 2022, Mme B..., représentée par Me Bernardi, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er octobre 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 25 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocate d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- cette décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît en outre l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet s'est, à tort, estimé tenu d'assortir le refus de titre de séjour litigieux d'une obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour :
- le préfet s'est, à tort, estimé tenu d'assortir le refus de titre de séjour litigieux d'une interdiction de retour sur le territoire français ;
- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 janvier 2022.
Par une ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 1er octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 25 janvier 2021 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, dispose par ailleurs, dans sa rédaction alors applicable, que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. Mme B..., ressortissante tunisienne née le 21 décembre 1973, a vécu en France auprès d'une de ses sœurs, de l'âge de onze à quinze ans, avant de retourner en Tunisie auprès de ses parents et de revenir, après le décès de ces derniers, sur le territoire français à compter de 2012. Si, à la date de la décision litigieuse, elle y résidait ainsi depuis neuf ans, elle avait toutefois vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans en Tunisie, dont plusieurs années après le décès de ses parents. Elle a alors vécu séparée de ses deux sœurs résidant en France, où, célibataire et dépourvue de charges de famille, elle ne se prévaut d'aucune autre attache privée ou familiale. Enfin, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français en dépit de deux précédentes mesures d'éloignement et ne peut, par les seules activités professionnelles et bénévoles succinctes dont elle justifie, s'y prévaloir d'aucune insertion particulière. Dans ces circonstances, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de leur vie privée et familiale et méconnu les stipulations et dispositions précitées.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
5. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 3 du présent arrêt, le préfet du Rhône n'a pas manifestement méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B....
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des termes même de la décision litigieuse que le préfet du Rhône s'est préalablement assuré que l'intéressée ne relevait pas d'une catégorie d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et a, pour édicter cette décision, tenu compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce. Par suite, il ne s'est pas estimé, à tort, tenu d'assortir le refus de titre de séjour opposé à Mme B... de la mesure d'éloignement litigieuse.
8. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés, Mme B..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :
9. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés précédemment, Mme B..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant un an :
10. En premier lieu, il ressort des termes même de la décision litigieuse, qui mentionne les circonstances de fait sur lesquelles elle se fonde, notamment le non-respect de précédentes mesures d'éloignement, que le préfet du Rhône a préalablement procédé à un examen de la situation particulière de Mme B..., sans s'estimer, à tort, tenu d'assortir la mesure d'éloignement prononcée d'une interdiction de retour sur le territoire français.
11. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
12. Comme indiqué au point 3 du présent arrêt, Mme B... demeurait, à la date de la décision litigieuse, depuis neuf ans sur le territoire français, après avoir vécu de l'âge de quinze ans jusqu'à celui de trente-huit ans en Tunisie. Elle a ainsi vécu de nombreuses années séparée de ses deux sœurs résidant en France. Par ailleurs, elle avait déjà fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement qu'elle n'a pas exécutées. Dans ces circonstances, et nonobstant l'absence de menace pour l'ordre public tenant à sa présence sur le territoire français, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée limitée à un an.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
14. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
M. Joël Arnould, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2023.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY00501