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13/09/2023 | FRANCE | N°22LY00115

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 septembre 2023, 22LY00115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, et d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2105448 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenob

le a annulé l'arrêté du 9 juillet 2021 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2021 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, et d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2105448 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 9 juillet 2021 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ".

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble.

Il soutient que :

- son arrêté était légal à la date du 9 juillet 2021, dès lors que rien n'indique que Mme B... avait transmis l'information selon laquelle son père n'était plus demandeur d'emploi et que la fiche de paie, qui couvre la période du 1er au 31 juillet 2021, était inexistante à la date de l'arrêté ;

- le père de Mme B... dispose d'un salaire insuffisant pour subvenir aux besoins d'une famille de cinq personnes et pour ne pas être à la charge du système français d'assistance sociale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Dieye, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... fait valoir que les moyens présentés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née le 26 mars 1990, est entrée sur le territoire français, selon ses déclarations, le 10 octobre 2019, sous couvert d'un titre de séjour longue durée UE délivré par les autorités espagnoles et valable jusqu'au 12 mars 2024. Elle a sollicité le 15 juillet 2020 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " membre de la famille d'un citoyen de l'UE/EEE/Suisse ". Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 17 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 9 juillet 2021 refusant d'accorder à Mme B... le titre de séjour sollicité et lui faisant obligation de quitter le territoire français, et lui a enjoint de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 3 du traité sur l'Union européenne : " (...) / 2. L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes (...). ". Aux termes de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. (...) / 3. Elle comporte le droit (...) / c) de séjourner dans un des Etats membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux ". Le 1 de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l'Union européenne dispose que : " Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une durée de plus de trois mois : / a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'Etat membre d'accueil (...) ". Ces dispositions sont transposées en droit français par l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui précise que : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° et 2° ; (...). ". Aux termes de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (... )".

3. Il résulte de ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger ressortissant d'un Etat tiers, descendant d'un ressortissant de l'Union européenne résidant en France, peut bénéficier d'une carte de séjour en qualité de membre de sa famille, à condition que le ressortissant de l'Union européenne exerce une activité professionnelle, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires, ou dispose, pour lui et les membres de sa famille, de ressources suffisantes pour ne pas être à la charge du système d'assistance sociale de l'État, ces deux conditions relatives à l'activité professionnelle et aux ressources étant alternatives et non cumulatives.

4. Pour refuser de délivrer à Mme B... un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 233-2 et du 1° et 2° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère a relevé, d'une part, que si l'intéressée est descendante directe à charge de son père citoyen de l'Union européenne, ce dernier ne satisfaisait pas aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, eu égard à la circonstance qu'" il n'exerce plus d'activité professionnelle en France comme en témoignent les allocations Pôle Emploi perçues ", qu'il ne justifiait pas avoir des ressources suffisantes pour sa famille et lui afin de ne pas être une charge pour le système d'assurance sociale français, d'autre part, que la requérante n'apportait pas la preuve qu'elle était à la charge de ses frères ou sœurs majeurs. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des bulletins de paie des mois de juin et juillet 2021, qu'à la date de la décision en litige, le père de l'intéressée, ressortissant espagnol, travaillait en qualité d'agent de service depuis le 14 juin 2021 au sein de la société Seni située à Villeurbanne, pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures et une rémunération nette mensuelle de 1 340,50 euros. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont pu estimer, qu'à la date de la décision attaquée, le père de Mme B... exerçait une activité professionnelle qui n'était ni marginale, ni accessoire et qu'en refusant de délivrer à l'intéressée le titre de séjour qu'elle avait sollicité, le préfet de l'Isère avait méconnu les dispositions précitées des articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que ce dernier ne puisse utilement soutenir que M. B... ne justifiait pas de ressources suffisantes sa famille et lui-même pour éviter de constituer une charge pour le système d'assurance sociale français.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 9 juillet 2021 et lui a enjoint de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ".

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Mme B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... B..., au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2023.

La rapporteure,

Emilie Felmy

Le président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°22LY00115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00115
Date de la décision : 13/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DIEYE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-09-13;22ly00115 ?
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