Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel le maire de la commune de La-Roche-de-Glun a accordé un permis de construire à la SCI MB pour la construction d'un bâtiment artisanal.
Par une ordonnance n° 2108808 du 29 mars 2022, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur requête.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 avril et 10 juin 2022 et 30 janvier 2023, M. et Mme A..., représentés par la Selarl Cabinet Champauzac, demandent à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler l'ordonnance n° 2108808 du 29 mars 2022 et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel le maire de la commune de La-Roche-de-Glun a accordé un permis de construire à la SCI MB ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de La-Roche-de-Glun la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande de première instance était recevable dès lors qu'ils ont justifié du respect des formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans le délai imparti de quinze jours, en produisant les certificats de dépôt aux services postaux, qui suffisent en l'absence de contestation du contenu de la notification ; ils ont procédé à la notification requise par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; au demeurant, le tribunal a transmis le mémoire en défense et son ordonnance le même jour, par une mise à disposition simultanée sur l'application Télérecours, ce qui a fait obstacle à ce qu'ils puissent y répondre ; ils ont procédé à la notification requise par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- ils ont intérêt à agir en leur qualité de voisin immédiat et, en outre, ils auront une vue directe sur le projet et ce dernier aura au surplus des incidences sur la qualité des vignes et du raisin et limitera la capacité de traitement des vignes par des produits phytosanitaires ;
- le permis de construire du 16 novembre 2021 est entaché d'incompétence ;
- les dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme sont méconnues, le dossier de permis de construire ne comportant pas suffisamment d'informations sur l'insertion environnementale du projet, sur la situation et le traitement des limites du terrain, sur le traitement des espaces libres et sur l'organisation et l'aménagement de l'accès au terrain et la sécurité de cet accès ;
- par voie d'exception, le classement du terrain d'assiette du projet en zone Uia par le plan local d'urbanisme (PLU) approuvé, au lieu de son maintien en zone agricole, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'à cet égard, ce zonage, qui ne concerne que peu de parcelles, est incohérent au regard de leur environnement agricole et de leur potentiel agricole et alors que le PADD, qui ne les inclut d'ailleurs pas dans un secteur d'implantation économique future, entend protéger l'activité agricole ;
- le permis de construire méconnaît l'article Ui 3 du règlement du PLU et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, en l'absence de justification de l'existence d'un droit de passage sur la parcelle cadastrée section ZV n° 370 permettant d'accéder à la voie ; qu'au surplus, un accès par cette dernière parcelle serait dangereux, la visibilité actuelle sur la route nationale (RN 1615) étant faible et ne pouvant être améliorée en l'état des constructions et ouvrages existants et de droit de passage et de l'impossibilité de diminuer la sécurité de l'accès au garage voisin existant ; que la voirie prévue n'est pas réalisable dans la configuration actuelle des lieux et la voie existante présente des caractéristiques insuffisantes ;
- les dispositions de l'article Ui 11 du règlement du PLU sont méconnues, en ce que l'aspect de la construction, fait de bardage noir, ne lui permet pas de s'insérer dans l'environnement naturel et bâti ;
- les dispositions de l'article 4.2 du titre VI du règlement du PLU sont méconnues, en ce que les pentes de toiture sont inférieures à 20 % ;
- les dispositions de l'article Ui 13 du PLU sont méconnues, en l'absence de bande plantée entre les aires de stationnement et la clôture nord, et ce point n'est pas régularisable sans bouleversement de l'économie générale du projet.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 mai 2022, la commune de La-Roche-de-Glun et la SCI MB, représentées par la Selarl Retex Avocats, concluent, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour autorise la régularisation du permis de construire en faisant usage des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et elles demandent qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable à défaut d'établir avoir procédé aux formalités de notification de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, étant relevé que la preuve des accusés de réception des envois qui auraient été effectués et de ce qu'ils auraient été accompagnés de pièces n'est pas apportée ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. et Mme A... dans la requête d'appel ne sont pas fondés ;
- à titre infiniment subsidiaire, la demande de première instance n'est pas recevable à défaut d'établir avoir procédé aux formalités de notification de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, d'avoir produit les titres exigés à l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme et d'avoir un intérêt à agir ; les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 27 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Lavisse, substituant Me Champauzac, pour M. et Mme A... et D..., pour la commune de La-Roche-de-Glun et la SCI MB.
Considérant ce qui suit :
1. Un permis de construire a été délivré à la SCI MB le 16 novembre 2021 par le maire de la commune de La-Roche-de-Glun pour la construction d'un bâtiment artisanal sur la parcelle cadastrée section ... située route du Dauphiné. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ce permis de construire. Par une ordonnance du 29 mars 2022 dont ils relèvent appel, le président de la 5ème chambre de ce tribunal a rejeté leur demande comme étant irrecevable, au motif qu'ils n'avaient pas satisfait aux formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. M. et Mme A... ont justifié de la notification des requêtes d'appel à la commune de La-Roche-de-Glun et à la SCI MB par des courriers déposés aux services postaux dans le délai de quinze jours prescrit par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Cette fin de non-recevoir opposée en défense ne peut, dès lors, qu'être écartée.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ".
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant (...) une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code (...). / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (...) du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'auteur d'un recours contentieux contre un permis de construire est tenu, à peine d'irrecevabilité de ce dernier, de notifier une copie du recours contentieux et, le cas échéant, du recours gracieux qui l'a précédé, ou un courrier reprenant intégralement l'exposé des faits et moyens ainsi que les conclusions de la demande, tant à l'auteur de l'acte ou de la décision qu'il attaque qu'à son bénéficiaire. Il appartient au juge, au besoin d'office, de rejeter le recours comme irrecevable lorsque son auteur, après y avoir été invité par lui ou en réponse à une fin de non-recevoir soulevée en défense, n'a pas justifié de l'accomplissement des formalités requises par les dispositions précitées. La production du certificat de dépôt de la lettre recommandée suffit à justifier de l'accomplissement de la formalité de notification lorsqu'il n'est pas soutenu devant le juge qu'elle aurait eu un contenu insuffisant au regard de l'obligation d'information qui pèse sur l'auteur du recours. Lorsque l'auteur d'un recours entrant dans le champ d'application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et n'a pas justifié en première instance de l'accomplissement des formalités de notification requises alors qu'il a été mis à même de le faire, soit par une fin de non-recevoir opposée par le défendeur, soit par une invitation à régulariser adressée par le tribunal administratif, il n'est pas recevable à produire ces justifications pour la première fois en appel.
6. Il ressort de l'inventaire automatique de l'application Télérecours portant accusé de réception d'un enregistrement de document le 11 janvier 2022, que les requérants ont produit au tribunal les certificats de dépôt le 29 décembre 2021 aux services postaux des courriers de notification du recours qu'ils ont introduit. Si la commune et le bénéficiaire du permis en litige avaient produit un mémoire dans lequel ils invoquaient une fin de non-recevoir tirée de l'absence de notification du recours contentieux, ils ne peuvent être regardés comme ayant entendu contester le contenu des envois dont la réalité est suffisamment établie par ces certificats de dépôt aux services postaux, et ils n'ont accompli aucune diligence pour obtenir, le cas échéant, la communication du document manquant auprès des expéditeurs. Ainsi qu'il a été dit au point 5, la production de ces certificats de dépôt des lettres recommandées suffisait à justifier de l'accomplissement des formalités de notification, dès lors que, comme en l'espèce, il n'était pas soutenu devant le juge que le contenu aurait été insuffisant au regard de l'obligation d'information qui pèse sur l'auteur du recours. Dans ces conditions, et alors même que le tribunal les avaient invités, par courrier du 13 janvier 2021, à justifier, à peine d'irrecevabilité, de l'accomplissement de la formalité prescrite par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a jugé leur requête comme étant irrecevable à défaut d'en avoir communiqué une copie à l'auteur et au bénéficiaire du permis en litige.
7. Par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée. Il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il y soit à nouveau statué.
8. Dès lors que le présent arrêt renvoie l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par la commune de la- Roche- de-Glun et la SCI MB au titre des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La-Roche-de-Glun la somme demandée par M. et Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
10. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de La-Roche-de-Glun et la SCI MB, qui sont les parties perdantes.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2108808 du 29 mars 2022 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Grenoble est annulée.
Article 2 : M. et Mme A... sont renvoyés devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il y soit de nouveau statué sur leurs demandes.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la commune de La-Roche-de-Glun et de la SCI MB présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A..., à la SCI MB et à la commune de La-Roche-de-Glun.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 août 2023.
La présidente- rapporteure,
M. Mehl-SchouderLa présidente-assesseur,
C. Vinet
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY01100 2