Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
1°) Sous le n° 2106821, Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 août 2021 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à quatre-vingt-dix jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.
2°) Sous le n° 2106822 M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 août 2021 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à quatre-vingt-dix jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.
Par un jugement n° 2106821-2106822 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 juillet 2022, M. D... C... et Mme A... B... épouse C..., représentés par la SCP Robin-Vernet, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2106821-2106822 du 31 décembre 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 4 août 2021 par lesquelles le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à quatre-vingt-dix jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer à chacun un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme C... soutiennent que :
- les refus de séjour ne sont pas motivés ; ils n'ont pas été pris après examen de leur situation, dès lors que le préfet n'a pas évoqué les éléments produits par une de leurs filles, majeure, dans le cadre d'une demande de séjour qu'elle a elle-même formée ; ils méconnaissent le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ils méconnaissent le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ; ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation ;
- les obligations de quitter le territoire français sont illégales en conséquence de l'illégalité des refus de séjour ; elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire sont illégales en conséquence de l'illégalité des refus de séjour ; elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions fixant le pays de renvoi sont illégales en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du délai de départ volontaire ;
- les interdictions de retour sur le territoire français ne sont pas motivées ; elles n'ont pas été prises après examen de leur situation ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Le préfet du Rhône, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Par décision du 29 juin 2022, Mme B... épouse C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;
- et les observations de Me Vernet, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants algériens nés respectivement le 2 janvier 1977 et le 11 octobre 1979, ont, chacun en ce qui le concerne, demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 4 août 2021 par lesquelles le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à quatre-vingt-dix jours le délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par un jugement du 31 décembre 2021, le tribunal a rejeté leurs demandes.
Sur la légalité des refus de délivrance de titres de séjour :
2. En premier lieu, chacune des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour expose les motifs de droit et de fait sur lesquels elles se fondent. Elles sont, dès lors, régulièrement motivées.
3. En deuxième lieu, les requérants ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant leur vie privée et familiale. Ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Rhône aurait entaché ses décisions de défaut d'examen au seul motif qu'il n'a pas analysé dans ses décisions des éléments que les intéressés n'ont pas invoqués dans leurs demandes. La circonstance que ces éléments se trouveraient dans la demande distincte de séjour formée, par ailleurs, par leur fille aînée devenue majeure, au titre de la situation personnelle de celle-ci, ne faisait pas obligation au préfet de les mentionner pour répondre aux demandes formées par les requérants, le préfet étant au contraire normalement tenu de respecter la confidentialité des informations qui lui sont communiquées. Le préfet du Rhône, qui a précisé que la fille des requérants avait également fait l'objet d'un refus de titre de séjour et qui n'était pas tenu d'en reprendre les motifs détaillés, n'a ainsi pas commis d'erreur de droit. Le préfet, qui n'est pas tenu de commenter toutes les pièces qui lui sont produites, n'a pas davantage commis d'erreur de droit en ne visant pas deux promesses d'embauche datant de 2018 et qui sont dénuées d'actualité à la date de ses décisions.
4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont nés en Algérie respectivement le 2 janvier 1977 et le 11 octobre 1979 et qu'ils sont tous deux de nationalité algérienne. Ils se sont mariés en Algérie en février 2001. Leurs quatre premiers enfants y sont nés en juillet 2001, février 2004, janvier 2009 et février 2010. M. et Mme C... sont entrés en France en janvier 2013, aux âges respectifs de 36 et 33 ans, et s'y sont maintenus irrégulièrement. Leur cinquième enfant est né en France en décembre 2015. Par décisions du 12 août 2016, le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance de titres de séjour et a assorti ces refus de mesures d'éloignement, confirmées par jugements du tribunal du 2 février 2017 et par ordonnance du président de la cour du 22 mai 2017. M. et Mme C... ayant formé de nouvelles demandes de délivrance de titres de séjour en avril 2019, le préfet du Rhône leur a opposé des refus tacites. Si, par jugement du 25 juin 2020 le tribunal a annulé ces refus tacites, c'est uniquement en raison du vice de forme résultant de l'absence de communication des motifs. Les décisions en litige ont été prises en exécution de l'injonction de réexamen alors décidée par le tribunal. Si M. et Mme C... invoquent leur durée de présence sur le territoire français, ils ont toutefois passé l'essentiel de leur existence en Algérie, où ils ont nécessairement constitué des attaches privées et familiales ancrées dans la durée. Rien ne permet d'établir que les enfants mineurs du couple ne pourraient poursuivre le cas échéant leur scolarité en Algérie. Les requérants ne disposent pas de ressources et ils ne justifient pas d'éléments significatifs d'insertion sociale et professionnelle en France. S'il est vrai que M. C... a été recruté comme manutentionnaire en septembre 2019, le contrat a toutefois pris fin en juin 2021 et il n'a ainsi exercé cette activité, peu spécifique, que durant une période de moins de deux ans. Il ne justifie d'aucune activité à la date des décisions attaquées. Leurs quatre premiers enfants sont nés en Algérie et y ont débuté leur scolarité, et leur dernier enfant demeure très jeune et pourrait, avec l'ensemble de la cellule familiale, s'installer en Algérie dont ils ont tous la nationalité. Eu égard en l'espèce à la durée et aux conditions du séjour de M. et Mme C..., le préfet du Rhône n'a pas, en leur refusant le séjour, porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, au regard des buts que ces décisions poursuivaient. Les moyens tirés de la méconnaissance du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, en conséquence, être écartés. Pour les motifs tenant à la situation personnelle de la famille qui viennent d'être exposés, le préfet du Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des quatre enfants encore mineurs du couple, au sens de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant. Enfin, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
6. En second lieu, en l'absence d'argument particulier, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions sur la situation personnelle des requérants, doivent être écartés pour les motifs tenant à leur situation personnelle qui ont été exposés.
Sur la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
8. En second lieu, le préfet a en l'espèce, à titre exceptionnel, porté à quatre-vingt-dix jours le délai de départ volontaire laissé à M. et Mme C.... Les requérants se bornent à contester le principe du refus de séjour et de l'éloignement. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions sur la situation personnelle des requérants, doivent dès lors être écartés.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délivrance d'un titre de séjour. Ils ne peuvent par ailleurs utilement, et en tout état de cause, exciper de l'illégalité des décisions fixant le délai de départ volontaire, sur lesquelles la fixation du pays de renvoi ne se fonde pas et qu'elle ne vise pas à appliquer.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
11. En premier lieu, le préfet a exposé dans ses arrêtés les éléments d'information dont il disposait sur la durée de présence de M. et Mme C... sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de leurs liens avec la France et les mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet. En l'absence d'élément particulier, il a pu ne pas évoquer la question d'une menace pour l'ordre public, qui ne se posait pas en l'espèce. Il a par ailleurs, outre ces motifs de fait, indiqué la base légale de ses décisions. Le moyen tiré du défaut de motivation doit, ainsi, être écarté.
12. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes des arrêtés que les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français ont été prises après examen de la situation de M. et Mme C....
13. En troisième lieu, l'entrée en France de M. et Mme C... remonte à 2013. Ils ont toutefois, dès 2016, fait l'objet de mesures d'éloignement, confirmées après recours juridictionnels, sans s'y conformer. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'ils disposeraient en France d'attaches privées et familiales régulières et déterminantes. C'est ainsi en l'espèce sans erreur d'appréciation, que le préfet a décidé à leur encontre d'une interdiction de retour sur le territoire français, dont il a limité la durée à six mois.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et Mme A... B... épouse C..., ainsi qu'au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Bentéjac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 2202151