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10/07/2023 | FRANCE | N°22LY03420

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 juillet 2023, 22LY03420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202908 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par u

ne requête, enregistrée le 21 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Drahy, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202908 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Drahy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) avant dire droit, d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de produire son entier dossier administratif ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sans délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- le préfet de l'Ardèche était territorialement incompétent pour prendre l'arrêté litigieux ;

- l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

Sur la prolongation de l'interdiction de retour :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet ne pouvait pas prolonger l'interdiction de retour dès lors qu'il ignore l'existence d'une précédente interdiction de retour sur le territoire français ;

- la condition d'entrée sur le territoire français n'est pas au nombre des éléments susceptibles d'être pris en considération pour l'édiction d'une interdiction de retour.

La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Selon ses déclarations, M. A..., ressortissant guinéen né le 5 décembre 1999, est entré irrégulièrement en France en janvier 2017. Le préfet de l'Ardèche a pris, le 16 octobre 2018, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français et interdisant son retour pour une durée de deux ans, que l'intéressé n'a pas exécuté. Le 15 mars 2022, M. A... a sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 12 avril 2022, le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 19 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve de l'exception prévue à l'article R. 426-3, le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence et, à Paris, par le préfet de police. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du récépissé de demande de titre de séjour qui lui a été délivré le 15 février 2022, que M. A... a déclaré à l'administration, lors de sa demande de titre de séjour, qu'il résidait à Tournon-sur-Rhône, dans l'Ardèche. Si celui-ci soutient en appel qu'il résidait, à la date de l'arrêté litigieux, à Tain-l'Hermitage dans la Drôme, il ne peut se prévaloir de cette circonstance dès lors que l'adresse qu'il avait déclarée dans l'Ardèche était celle qui était connue de l'administration. En tout état cause, l'intéressé, qui a d'ailleurs retiré le 16 avril 2022 le pli contenant l'arrêté litigieux, qui lui avait été adressé à l'adresse qu'il avait déclarée lors de sa demande de titre de séjour, n'établit pas, par la seule production d'une attestation datée du 10 août 2022 indiquant qu'il était hébergé à cette date à Tain-l'Hermitage, ni par l'indication qu'il bénéficiait en 2020 d'une promesse d'embauche de la part d'une entreprise dont le siège était situé dans cette commune, qu'il était domicilié dans la Drôme à la date de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence territoriale du préfet de l'Ardèche pour statuer sur sa demande d'admission au séjour doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si M. A..., entré en France en janvier 2017 à l'âge de dix-sept ans, fait valoir qu'il vit depuis octobre 2020 en concubinage avec une ressortissante française, il ne démontre toutefois pas la réalité de cette relation par la seule production de deux attestations, peu circonstanciées et établies postérieurement à l'arrêté attaqué, de cette dernière et dans lesquelles elle se borne à faire état de l'existence d'un concubinage et de ce qu'elle héberge l'intéressé à son domicile. En outre, le requérant, en se bornant à mentionner que ses parents sont décédés et qu'il n'a pas de fratrie, n'établit pas être dépourvu de toute attache privée ou familiale dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans. Il ne justifie pas davantage d'une intégration sociale et professionnelle particulière dans la société française par la seule production d'une promesse d'embauche. Au demeurant, M. A... a été mis en examen en juillet 2018 sur le fondement des dispositions de l'article 80-1 du code de procédure pénale, au vu d'indices graves ou concordants, pour les chefs de viol, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire et a été placé en détention provisoire du 3 août 2018 au 2 août 2020. En outre, le préfet de l'Ardèche relève, sans que l'intéressé n'en conteste la matérialité, qu'il a été interpellé le 29 janvier 2022 pour des faits de violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la décision attaquée ne porte pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet n'a méconnu ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Ardèche a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

7. En second lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé et de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.

Sur la légalité de la prolongation de l'interdiction de retour pour une durée d'un an :

9. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle prolongeant d'un an son interdiction de retour sur le territoire français.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé ; (...) Compte tenu des prolongations éventuellement décidées, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sauf menace grave pour l'ordre public ".

11. Si M. A... soutient ignorer l'existence de la décision du préfet de l'Ardèche du 16 octobre 2018 interdisant son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que cette décision lui a été régulièrement notifiée le 19 octobre 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Ardèche ne pouvait pas, sur le fondement du 2° de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prolonger d'un an l'interdiction de retour sur le territoire français qui lui avait été faite le 16 octobre 2018, doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

13. Il ressort des termes de la décision attaquée que, pour prononcer la prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. A..., le préfet de l'Ardèche s'est fondé sur son entrée irrégulière sur le territoire français en janvier 2017, sur son absence d'attache forte en France, sur la circonstance qu'il a fait l'objet le 16 octobre 2018 d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée, sur le fait que sa présence en France représente une menace pour l'ordre public et sur le fait qu'il ne justifie pas de circonstances humanitaires particulières. Si M. A... fait valoir que l'irrégularité de l'entrée sur le territoire français n'est pas au nombre des critères énumérés par l'article L. 612-10 pour fonder une interdiction de retour sur le territoire français, il résulte de l'instruction que le préfet de l'Ardèche aurait, en tout état de cause, pris la même décision s'il n'avait pas retenu ce motif et s'il s'était fondé sur les seules circonstances tirées de l'entrée récente de l'intéressé sur le territoire français, de ce qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Par suite, c'est à bon droit que le préfet de l'Ardèche a pu prolonger d'un an la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre.

14. Il résulte tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de produire avant dire droit son dossier administratif, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

La présidente,

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03420
Date de la décision : 10/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : DRAHY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-10;22ly03420 ?
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