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10/07/2023 | FRANCE | N°22LY03347

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 juillet 2023, 22LY03347


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203035 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2022, M. C...,

représenté par Me Borges De Deus Correia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203035 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2022, M. C..., représenté par Me Borges De Deus Correia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier en ce qu'il n'est pas démontré que les médecins qui ont délibéré auraient été régulièrement désignés, ni que ce délibéré aurait eu un caractère collégial, ni que le médecin qui a établi le rapport médical n'aurait pas participé à ce délibéré ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- il ne peut pas bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 6 août 1972, déclare être entré en France le 30 octobre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé, dont il a sollicité le renouvellement le 4 novembre 2021. Par un arrêté du 12 avril 2022, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 30 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui institue des dispositions de procédure relatives à la délivrance de titres de séjour aux étrangers malades applicables aux ressortissants algériens : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ".

3. D'une part, il ressort de l'avis du 24 janvier 2022 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ainsi que du bordereau de transmission établi par le directeur général de l'OFII que le collège de médecins s'est prononcé sur la demande de M. C... en se fondant sur un rapport médical établi par le docteur A..., transmis le 13 décembre 2021, et que ce collège était composé des docteurs Fresneau, Ortega et Venderhenst, médecins compétemment désignés par une décision du directeur général de l'OFII du 1er octobre 2021, publiée sur le site internet de l'office. D'autre part, les médecins signataires de l'avis n'étant pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative, la circonstance, à la supposer même établie, que ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis le 24 janvier 2022 par le collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère, qui pouvait légalement s'en approprier les motifs et le sens, se serait cru lié par l'avis émis le 24 janvier 2022 par le collège de médecins de l'OFII.

5. En troisième lieu, le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans son avis du 24 janvier 2022, que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Si M. C... fait valoir qu'à la suite d'une greffe hépatique dont il a bénéficié en France en 2017, son état de santé requiert un suivi médical régulier et la prise d'un immunosuppresseur destiné à prévenir les risques de rejet du greffon, commercialisé en France sous la dénomination " Envarsus ", qui n'est pas disponible en Algérie, les pièces qu'il produit, émanant d'un pharmacien algérien de Constantine et indiquant que le médicament ainsi dénommé n'est pas commercialisé en Algérie, ne sont pas de nature à établir que la substance active contenue dans ce médicament ne serait pas disponible sous d'autres appellations dans ce pays. Les certificats médicaux produits par le requérant, dont l'un d'eux reconnaît au demeurant une densification, au cours des dernières années, du " plateau technique et de la pharmacopée en Algérie ", ne sont pas davantage de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII. Enfin, si M. C... fait valoir qu'il ne serait pas affilié à la sécurité sociale algérienne, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait obtenir son affiliation ni bénéficier, le cas échéant, de mesures d'aide sociale pour l'accès aux soins. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Si M. C... fait valoir qu'il vit depuis 2015 en France auprès de ses parents, il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment son épouse et ses quatre enfants, dont trois sont mineurs. La circonstance que le requérant a été admis au séjour en raison de son état de santé ne lui donnait pas vocation à se maintenir sur le territoire national au-delà de la durée des soins nécessités par son état. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de M. C..., le refus de séjour contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, alors en vigueur : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. "

9. M. C... n'établit pas, ni même n'allègue, avoir sollicité du préfet de l'Isère l'octroi d'un délai supérieur à trente jours en cas d'obligation de quitter le territoire français. En tout état de cause, en se bornant à faire état de ce qu'il ne dispose pas du temps nécessaire pour se rendre à des rendez-vous médicaux, il ne justifie pas de circonstances particulières nécessitant l'octroi d'un délai supérieur à trente jours. Par suite, le préfet de l'Isère, en fixant à trente jours, après un examen particulier de la situation de l'intéressé, le délai de départ imparti à M. C... pour quitter volontairement le territoire français, n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

La présidente,

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03347


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03347
Date de la décision : 10/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-10;22ly03347 ?
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