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10/07/2023 | FRANCE | N°22LY03258

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 juillet 2023, 22LY03258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 juin 2022 par lequel la préfète de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204571 du 15 septembre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Galichet, demande à

la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 2 juin 2022 par lequel la préfète de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204571 du 15 septembre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Galichet, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 juin 2022 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, à titre subsidiaire, la même somme à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à la préfète de la Loire, qui n'a pas produit d'observations.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée par une décision du 30 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Courbon, présidente ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de la république Démocratique du Congo, né le 13 mars 1995, est entré en France, selon ses déclarations, en septembre 2017, en provenance d'Italie. Sa demande d'asile a été rejetée comme irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 juin 2018, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 avril 2019. Par un arrêté du 2 juin 2022, la préfète de la Loire a prononcé à son encontre, sur le fondement du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 novembre 2022. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la préfète de la Loire a procédé à un examen complet de la situation de M. A..., notamment au regard des risques invoqués en cas de retour dans son pays d'origine, avant de décider de l'obliger à quitter le territoire français.

4. Si M. A... fait valoir qu'il a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en Italie et qu'il a rejoint la France en raison de la situation d'isolement et de dénuement dans laquelle il se trouvait dans ce pays, ces circonstances, alors qu'il ne justifie, sur le territoire national, d'aucune attache personnelle ou familiale, ni d'aucun moyen de subsistance, ne suffisent pas à faire regarder la décision contestée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

5. Le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision désignant le pays de renvoi :

6. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. M. A... fait valoir qu'il a été chassé du domicile familial en 2011, alors qu'il était âgé de seize ans, qu'il est devenu un " enfant des rues " et qu'il a été arrêté par la police congolaise, en vue de son enrôlement dans l'armée ou le placement dans un camp de travail forcé, avant de parvenir à s'enfuir. Il ajoute qu'il a, à raison de ces faits, été admis au bénéfice de la protection subsidiaire en Italie, pays qu'il a rejoint en 2016, et qu'il a obtenu un permis de séjour à compter du 11 janvier 2017, expiré depuis le 13 décembre 2021. Du fait de l'existence de cette protection accordée par l'Italie, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté la demande d'asile qu'il a présentée à son arrivée en France comme irrecevable.

8. Il résulte de l'article 2 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale que le statut conféré par la protection subsidiaire se définit comme " la reconnaissance, par un Etat membre, d'un ressortissant d'un pays tiers ou d'un apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ". Selon les paragraphes 1 à 4 de l'article 45 de cette directive, la décision par laquelle l'autorité compétente d'un Etat membre de l'Union européenne retire la protection internationale qu'elle avait accordée à un ressortissant d'un pays tiers doit être notifiée par écrit au bénéficiaire, après que ce dernier a bénéficié des garanties énumérées au paragraphe 1, l'intéressé bénéficiant, une fois la décision prise, des garanties prévues au paragraphe 4. Le paragraphe 5 du même article prévoit que, par dérogation aux paragraphes précédents, " les Etats membres peuvent décider que la protection internationale devient juridiquement caduque si le bénéficiaire d'une protection internationale a renoncé de manière non équivoque à sa reconnaissance en tant que tel. (...) ".

9. Il ressort de ces dispositions que la décision par laquelle une autorité d'un Etat membre de l'Union européenne reconnaît un ressortissant d'un pays tiers en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire est un acte déclaratif qui produit ses effets tant qu'il n'est pas établi que le bénéficiaire n'en remplit pas ou a cessé d'en remplir les conditions dans les cas prévus par l'article 45 de la directive. A cet égard, la circonstance que la personne bénéficiant d'une protection internationale accordée par un autre Etat membre n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour auprès des autorités compétentes est, par elle-même, sans incidence sur son droit à bénéficier des effets liés à la protection qui lui a été accordée.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui bénéficie d'une protection accordée par l'Italie, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été remise en cause par les autorités de ce pays, ne peut être éloigné à destination de la République Démocratique du Congo. Il s'ensuit qu'en désignant ce pays comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. A..., la préfète de la Loire a méconnu les stipulations et dispositions énoncées au point 5.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 2022, en tant qu'elle désigne la République Démocratique du Congo comme pays de destination de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des frais liés au litige exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

13. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance, les conclusions présentées à ce titre par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La décision de la préfète de la Loire du 2 juin 2022 fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. A... est annulée en tant qu'elle désigne la République Démocratique du Congo.

Article 3 : Le jugement n° 2204571 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Loire et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne, en application en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2023.

La présidente-rapporteure,

A. Courbon

L'assesseure la plus ancienne,

R. Caraës

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03258
Date de la décision : 10/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : GALICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-10;22ly03258 ?
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