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10/07/2023 | FRANCE | N°21LY03147

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 juillet 2023, 21LY03147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1807295 du 2 août 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2021, M. E..., représenté par Me Puy-

Pomagalski, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1807295 du 2 août 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2021, M. E..., représenté par Me Puy-Pomagalski, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de prononcer la restitution des sommes versées assorties des intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'était pas le gérant de fait ni l'associé de la SASU Aeron et il ne peut être regardé comme ayant été seul maître de l'affaire, de sorte que l'administration ne pouvait se fonder sur son rôle présumé de maître de l'affaire pour l'imposer personnellement sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

- l'application d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2023, par ordonnance du 3 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SASU Aeron, qui a eu pour activité l'exécution de travaux relevant de la maçonnerie générale et du gros-œuvre en bâtiment jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire le 5 juillet 2017, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, étendue au 31 octobre 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que M. E... était le maître de l'affaire et a imposé entre ses mains, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts les revenus distribués mis en évidence par ce contrôle. En conséquence de la réintégration de ces distributions dans ses revenus imposables, M. E... s'est vu assigner, selon la procédure contradictoire, des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 et 2015 qui, ainsi que les prélèvements sociaux corrélativement mis à sa charge, ont été assortis de la majoration au taux de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. E... relève appel du jugement du 2 août 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1°) tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ".

3. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable, qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

4. Pour retenir que M. E... devait être regardé comme le seul maître de l'affaire et avait, à ce titre, appréhendé les distributions effectuées par la SASU Aeron, l'administration fiscale s'est fondée sur les circonstances qu'au cours des années en litige, celui-ci était l'associé unique de cette société dont il assumait les fonctions de président, qu'il s'est présenté en tant que tel lors du contrôle de la SASU Aeron, qu'il exerçait ainsi la responsabilité exclusive et effective de la gestion de la société et qu'il pouvait disposer sans contrôle des fonds sociaux.

5. Il résulte des statuts de la SASU Aeron, dans leur version mise à jour le 25 mai 2014 par M. E... et signée par lui seul, que celui-ci est, aux termes de l'article 15 des statuts modifiés, l'associé unique de cette société dont il est nommé président et, qu'à ce titre, il dirige et administre la société. Il résulte de la confrontation des versions successives des statuts de la SASU Aeron ainsi que du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 5 janvier 2017, corroborés par des extraits des sites " societe.com " et " infolegale.fr ", que cette société a été créée le 6 novembre 2013 par M. G..., que M. E... en est devenu le gérant et associé unique à la suite de la modification qu'il a apportée le 25 mai 2014 aux statuts de cette société et que, le 5 janvier 2017, M. E... a cédé à M. B... l'intégralité des actions de la société, lequel en est alors devenu le gérant. Le requérant a d'ailleurs confirmé à l'administration fiscale, par deux courriers des 22 mai 2017 et 29 août 2017, qu'il était l'associé unique et le président de la SASU Areron jusqu'au 5 janvier 2017. Compte tenu de ces indications dépourvues de toute ambiguïté, M. E... ne peut se prévaloir de la mention erronée figurant à l'article 6 des statuts de la SASU Areron modifiés le 25 mai 2014 indiquant qu'à cette date M. G... en était l'associé unique. Ni les attestations établies postérieurement à la proposition de rectification par M. G..., par lesquelles ce dernier accepte de prendre à sa charge les impositions supplémentaires mises à la charge de M. E..., ni celle établie le 12 janvier 2019 par M. B..., indiquant qu'il a acquis les actions de la SASU Aeron le 5 janvier 2017 auprès de M. G... et non de M. E..., ne sont davantage de nature à remettre en cause le fait que le requérant était, entre le 25 mai 2014 et le 5 janvier 2017, le président et associé unique de la SASU Aeron. Il résulte, en outre, des éléments obtenus par l'administration à la suite de l'exercice de son droit de communication que M. E... avait ouvert un compte au nom de la SASU Aeron le 6 novembre 2014 dont il était détenteur de la signature bancaire. Si le requérant produit une attestation du 7 juillet 2020 établie par une personne se présentant comme le " comptable de la société New style construction lors de la période Aeron ", sans au demeurant mentionner le lien qui existerait entre ces deux sociétés, et indiquant que " M. D... " disposait également d'un accès au compte bancaire de la SASU Aeron et était susceptible d'effectuer des virements sans en informer M. E..., une telle attestation, à supposer même qu'elle fasse référence à M. G..., ne permet pas de considérer, eu égard à son caractère imprécis, que ce dernier aurait pu disposer sans contrôle des fonds sociaux. Enfin, si le requérant fait valoir que des situations de travaux présentées en 2016 par la SASU Aeron font référence à " M. C... ", à supposer qu'il s'agisse de M. F... G..., et qu'un client de la SASU Aeron a indiqué que ce dernier était son seul interlocuteur pour les questions d'ordre technique ou administratif, ces circonstances ne permettent pas de tenir pour établi que M. G... aurait exercé, sur les années en litige, un quelconque contrôle sur la marche de l'affaire. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que M. E... était le seul maître de l'affaire. Celui-ci, qui est présumé avoir appréhendé les revenus distribués correspondant aux rehaussements apportés au bénéfice imposable de SASU, ne fait état d'aucun élément de nature à établir l'indisponibilité des sommes en cause. Par suite, c'est à bon droit que les sommes en litige ont été imposées entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. Le moyen tiré de ce qu'il n'a pas appréhendé les bénéfices réputés distribués par la SASU Aeron ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des majorations :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

7. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux compléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée auxquels M. E... a été assujetti au titre des années en litige, l'administration s'est fondée sur les graves irrégularités affectant la comptabilité de la SASU Aeron, qui n'a fourni aucun document comptable sur la période vérifiée, sur la circonstance qu'en sa qualité de gérant et d'associé unique, le requérant ne pouvait ignorer ces manquements et sur le fait que les revenus en cause représentaient une part importante de l'ensemble des ressources du contribuable. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. E... d'éluder une partie des impositions dont il était redevable, justifiant l'application des majorations en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, en tout état de cause, celles tendant à la restitution des sommes versées doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

La présidente,

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03147
Date de la décision : 10/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SELARL FISCALP

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-10;21ly03147 ?
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