Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... B... et Mme C... A... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1901145 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 août 2021, et un mémoire, enregistré le 20 mars 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Lenuzza, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) d'ordonner la mainlevée de la caution bancaire à hauteur de la somme de 94 174 euros et le remboursement des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les travaux qu'ils ont entrepris n'ont pas consisté en des travaux de reconstruction ni en une rénovation complète du logement mais constituaient de simples travaux de rénovation et de mise aux normes ; il n'a pas davantage été créé de surface habitable supplémentaire ; les dépenses exposées pour ces travaux devaient être regardées comme des charges déductibles pour la détermination de leur revenu net foncier ;
- l'année 2013, qui était prescrite, ne pouvait faire l'objet du contrôle ni servir de base pour la réévaluation de leurs bénéfices agricoles ;
- le bénéfice agricole pour l'année 2013 est entaché d'une erreur qui ne leur est pas imputable ;
- les intérêts de retard qui ont été appliqués doivent être limités aux seules rectifications de l'impôt sur le revenu non liées aux dépenses de travaux déductibles ;
- l'application d'une majoration de 10 % du fait d'une déclaration erronée de leur comptable n'est pas justifiée ;
- les intérêts moratoires mis en recouvrement ne sont pas fondés ;
- il convient d'ordonner la mainlevée de la caution bancaire qu'ils ont fournie au soutien de leur demande de sursis de paiement.
Par un mémoire, enregistré le 21 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont irrecevables ;
- les requérants ne soulèvent aucun moyen relatif à la taxe foncière de sorte que la contestation de l'imposition supplémentaire correspondante est irrecevable en application du b de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales ;
- les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lenuzza, représentant M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont été assujettis à des compléments d'impôt sur le revenu au titre des années 2014, 2015 et 2016 et aux prélèvements sociaux au titre des mêmes années à la suite, d'une part, de la remise en cause de déficits fonciers imputés sur le revenu global et de rehaussements des revenus fonciers déclarés et, d'autre part, de rectifications des bénéfices agricoles déclarés opérés par l'administration dans le cadre d'un contrôle sur pièces. Par un jugement du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande de décharge de ces impositions et des intérêts de retard et majorations dont elles ont été assorties. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.
Sur les revenus fonciers :
2. En 2005, M. et Mme B... sont devenus propriétaires à Poliénas (Isère) d'un corps de ferme comprenant une ancienne grange dont ils ont fait leur maison d'habitation principale après l'avoir aménagée, une partie à usage d'habitation, qui était donnée en location depuis 1961, et des dépendances à usage agricole. Le locataire ayant quitté les lieux en mai 2014, M. et Mme B... ont entrepris des travaux sur la partie à usage d'habitation de la propriété avant de la mettre de nouveau en location à compter d'août 2015. Pour la détermination de leurs revenus fonciers imposables au titre des années 2014 et 2015, ils ont déduit les dépenses correspondantes, ce qui a entraîné la constatation de déficits fonciers imputés sur leur revenu global dans la limite de 10 700 euros dont le solde a été reporté sur les années suivantes. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause le caractère déductible des dépenses au motif que les travaux réalisés présentaient le caractère de travaux de construction, reconstruction et agrandissement non déductibles des revenus fonciers.
3. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, ce qui a eu pour effet de porter leurs revenus fonciers imposables des années 2014, 2015 et 2016, à respectivement 39 070 euros, 41 547 euros et 50 114 euros.
4. D'une part, il résulte de l'instruction qu'au cours des années 2014 et 2015, M. et Mme B... ont effectué des travaux dans la partie qu'ils donnent en location, lesquels ont comporté, outre l'installation de divers éléments de confort, notamment d'une modernisation des installations sanitaires, électriques et de chauffage ainsi que la pose de faux plafonds, qui constituent des travaux d'amélioration, la création d'une dalle en béton avant réfection complète des sols et des planchers, la restructuration interne de l'habitation par le remaniement de l'ensemble des cloisons intérieures qui a eu pour effet d'augmenter de six à neuf le nombre des pièces, la construction d'un nouvel escalier et la création d'ouvertures pour accéder à l'étage, le percement de deux nouvelles fenêtres ainsi que l'agrandissement et la modification d'autres ouvertures extérieures. D'autre part, il résulte d'une déclaration H1 déposée par les requérants le 1er août 2015 à l'issue des travaux que le local donné en location comportait une surface totale des pièces et annexes affectées à l'habitation de 105 m² alors que la déclaration souscrite par le précédent propriétaire en 1970 faisait état d'une surface de 58 m². M. et Mme B..., qui se bornent à faire état d'une erreur dans la déclaration en 1970, n'expliquent pas cette discordance par la production d'une attestation du fils des anciens occupants qui avaient loué ce bien entre 1961 et 2013 mentionnant qu'avant la réalisation des travaux en cause la surface des pièces affectées à l'habitation était d'au moins 110 m². Il suit de là que, par leur objet et leur importance, de tels travaux, qui affectent notablement le gros œuvre et qui, en outre, ont eu pour effet d'augmenter la surface habitable, équivalent à une reconstruction. Le ravalement de façade, les travaux d'assèchement des murs par l'injection de résine ainsi que l'aménagement de l'électricité comme celui des installations sanitaires et de chauffage ne sont pas dissociables, en l'espèce, des travaux de reconstruction. Leur coût ne saurait, dès lors, être admis en déduction du revenu foncier de M. et Mme B... en application de l'article 31 du code général des impôts. Il en résulte que c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a refusé d'admettre ces dépenses de travaux en charges déductibles des revenus fonciers.
Sur les bénéfices agricoles :
5. Aux termes du premier alinéa de l'article 75-0 B du code général des impôts : " Sur option des contribuables titulaires de bénéfices agricoles soumis à un régime réel d'imposition, le bénéfice agricole retenu pour l'assiette de l'impôt progressif est égal à la moyenne des bénéfices de l'année d'imposition et des deux années précédentes. Pour le calcul de cette moyenne, il n'est pas tenu compte des reports déficitaires ".
6. A compter de l'année 2011, M. B... a opté pour le dispositif de détermination de son bénéfice agricole par moyenne triennale prévu à l'article 75-0 B du code général des impôts. Il est constant que, dans ses déclarations de bénéfices agricoles des années 2014 et 2015, M. B... a commis une erreur en retenant, pour le calcul de la moyenne triennale, un bénéfice de 217 586 euros en 2013 alors qu'il s'élevait à 218 338 euros. L'administration a pu rectifier cette erreur en 2017 sans que le contribuable puisse invoquer l'expiration du délai de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dès lors que la rectification de la moyenne triennale a seulement conduit à établir des suppléments d'imposition au titre des années 2014 et 2015, non atteintes par la prescription. Est à cet égard sans incidence sur le bien-fondé des rehaussements la circonstance que cette erreur serait imputable à l'expert-comptable du contribuable.
Sur les intérêts de retard :
7. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard (...) ".
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander la décharge des intérêts de retard par voie de conséquence de la décharge des redressements, en droits, auxquels ils ont été assujettis.
Sur la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts :
9. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue (...) ".
10. M. et Mme B... reprennent en appel le moyen tiré de ce qu'ils ne peuvent se voir reprocher un retard ou une inexactitude qui leur serait imputable justifiant la majoration de 10 % dont les droits en litige ont été assortis prévue par les dispositions du I de l'article 1758 A du code général des impôts. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenu à bon droit par les premiers juges au point 10 du jugement attaqué.
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais de constitution de garantie et au paiement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 209 du livre des procédures fiscales :
11. D'une part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque les sommes consignées à titre de garanties en application des articles L. 277 et L. 279 doivent être restituées, en totalité ou en partie, la somme à rembourser est augmentée des intérêts prévus au premier alinéa. Si le contribuable a constitué des garanties autres qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret ". L'article R. 208-5 du même livre dispose que : " Les frais sont remboursés en totalité si le contribuable a obtenu la décharge totale des impositions contestées. En cas de décharge partielle, les frais proportionnels au montant des impôts garantis sont remboursés au prorata du dégrèvement ; les frais fixes demeurant à la charge du contribuable ".
12. D'autre part, aux termes de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le tribunal administratif rejette totalement ou partiellement la demande d'un contribuable tendant à obtenir l'annulation ou la réduction d'une imposition établie en matière d'impôts directs à la suite d'une rectification ou d'une taxation d'office, les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable et pour lesquelles celui-ci avait présenté une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Ces intérêts moratoires ne sont pas dus sur les cotisations ou fractions de cotisations d'impôts soumises à l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 du code général des impôts ".
13. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les conclusions de M. et Mme B... tendant à la restitution des frais de garantie qu'ils ont constitués et à ce que les intérêts moratoires prévus à l'article L. 209 du livre des procédures fiscales ne soient pas mis à leur charge par ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre.
14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY02886