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15/06/2023 | FRANCE | N°22LY01650

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 15 juin 2023, 22LY01650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 9 décembre 2019 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2000958 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2022, M. B... C..., représenté par Me Bera, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugeme

nt n° 2000958 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 9 décembre 2019 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2000958 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2022, M. B... C..., représenté par Me Bera, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000958 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 décembre 2019 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer immédiatement un titre de séjour l'autorisant à travailler sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou subsidiairement de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- son statut de réfugié lui donne droit à la délivrance d'un titre de séjour ;

- le refus méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un courrier du 8 mars 2023, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de la compétence liée du préfet pour refuser de délivrer une carte de séjour en qualité de résident à un étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion en vigueur.

Le préfet de l'Isère a produit un mémoire, enregistré le 23 mai 2023 après la clôture de l'instruction et qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- la convention relative au statut des réfugiés, faite à Genève le 28 juillet 1951 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique ;

- et les observations de M. A... représentant le préfet de l'Isère.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né en 1974, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de la décision du 9 décembre 2019 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement du 31 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, disposition de protection applicable aux ressortissants algériens : " L'étranger qui a obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire en application du présent livre se voit délivrer un titre de séjour dans les conditions et selon les modalités prévues au chapitre IV du titre II du livre IV ". Aux termes de l'article L. 424-1 du même code : " L'étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application du livre V se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes : / (...) / 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers figurant sur la liste, fixée par décret en Conseil d'Etat, des Etats dont la France reconnaît les législations et juridictions pénales au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d'un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ". Aux termes de l'article L. 424-6 du même code : " Lorsqu'il est mis fin au statut de réfugié par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l'étranger renonce à ce statut, la carte de résident prévue aux articles L. 424-1 et L. 424-3 est retirée. / L'autorité administrative statue sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. / La carte de résident ne peut être retirée en application du premier alinéa quand l'étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". Aux termes de l'article 32 de la convention de Genève : " 1. Les Etats contractants n'expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public. / 2. L'expulsion de ce réfugié n'aura lieu qu'en exécution d'une décision rendue conformément à la procédure prévue par la loi. (...) ". Aux termes de l'article 33 de la même convention : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, si la reconnaissance ou le rétablissement de la qualité de réfugié donne normalement vocation à l'intéressé à bénéficier de la carte de résident de dix ans prévue par l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet est en revanche tenu d'en refuser la délivrance si l'intéressé se trouve sous le coup d'une mesure d'expulsion.

6. Il est constant que M. C... a obtenu le bénéfice de l'asile par une décision de la Commission de recours des réfugiés du 23 mars 2005. Par un arrêt du 18 septembre 2012 devenu définitif, la cour d'assises de l'Isère l'a condamné à une peine de huit ans d'emprisonnement et à deux ans de suivi socio-judiciaire, en raison de faits de pénétration sexuelle commis par violence, contrainte, menace ou surprise, avec usage et sous la menace d'une arme. Le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin au statut de réfugié de M. C... par décision du 18 octobre 2018, sur le fondement de l'article L. 711-6, 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 511-7, 2°. Par arrêt n° 18057340 du 10 avril 2019, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette dernière décision et maintenu M. C... dans la qualité de réfugié. Cependant, par décision du 21 décembre 2018, le préfet de l'Isère avait prononcé l'expulsion de M. C... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision d'expulsion a été confirmée par jugement n° 1900984-1900147 du tribunal administratif de Grenoble du 17 octobre 2019, puis par arrêt n° 19LY04342 du 11 juin 2020 de la Cour. La Cour a uniquement annulé la décision du préfet de l'Isère du 21 décembre 2018 fixant le pays de destination, en tant qu'elle désigne comme pays de renvoi le pays dont M. C... a la nationalité.

7. Dès lors que M. C... est sous le coup d'une mesure d'expulsion qui n'a été ni annulée, ni rapportée ni abrogée, le préfet de l'Isère était en conséquence tenu de lui refuser la délivrance d'une carte de résident. Tous les moyens invoqués, qui ne portent pas sur la situation de compétence liée en elle-même, sont dès lors inopérants.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 2201650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01650
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-05


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BERA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-15;22ly01650 ?
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