La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2020 | FRANCE | N°19LY04342

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 11 juin 2020, 19LY04342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 1900984, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a prononcé son expulsion.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 1900147, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence pour une durée de six mois renouvelable à compter du 7 janvier 2019.



Par un jugement n° 1900984-1900147 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Greno...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 1900984, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a prononcé son expulsion.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 1900147, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère l'a assigné à résidence pour une durée de six mois renouvelable à compter du 7 janvier 2019.

Par un jugement n° 1900984-1900147 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté d'expulsion du 21 décembre 2018 et l'arrêté d'assignation à résidence du 31 décembre 2018 du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de résident à raison de son statut de réfugié ;

4°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la légalité de l'arrêté d'expulsion :

- la décision méconnaît l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public ; à ce titre, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a estimé que sa présence sur le territoire français ne constituait pas une menace grave pour la société ; la notion de " menace à l'ordre public " est plus spécifique que celle " de menace à la société française " ; dans le cadre de l'exécution de sa peine, il a fait preuve d'un comportement exemplaire et a entrepris des démarches de soins et a bénéficié de nombreuses reprises de peine ; il a ensuite bénéficié du régime du placement extérieur individualisé à compter du 4 août 2014 ; il a été reconnu comme adulte handicapé ; les infractions pénales ne sauraient à elles seules justifier légalement une mesure d'expulsion ;

- la décision méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; par un arrêt du 10 avril 2019, la CNDA a censuré l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui avait mis fin à la protection de réfugié dont il bénéficiait ; les risques de persécutions en Algérie sont reconnus par la CNDA ;

- il est gravement malade et bénéfice d'un traitement lourd en France ; le préfet n'a pas pris en compte son état de santé et l'impact d'une expulsion sur son état de santé ; la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :

- cette décision sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'expulsion ;

- la mesure ne présente pas un caractère nécessaire, le préfet ne justifiant pas de perspective raisonnable d'éloignement ; la mesure est disproportionnée dès lors qu'il dispose d'attaches familiales en France et a la qualité de réfugié ; il est dans l'impossibilité de se déplacer trois fois par semaine pour se présenter aux services de police.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 16 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant algérien né le 31 août 1974, est entré en France le 25 février 2002. Par décision du 23 mars 2005, la Commission des recours des réfugiés a annulé la décision du 23 décembre 2003 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avait rejeté sa demande d'asile et lui a accordé le statut de réfugié. Un titre de séjour en qualité de réfugié valable du 23 mars 2005 au 23 mars 2015 lui a été remis. Il a été condamné, une première fois, le 19 août 2002 par le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance de Grenoble à 8 mois d'emprisonnement dont 5 mois avec sursis pour des faits de vol et tentative de vol avec destruction commis le 24 avril, le 10 juillet et le 18 août 2002 ; une deuxième fois, le 26 novembre 2002 par le même tribunal correctionnel, à une peine de 10 mois d'emprisonnement pour des faits d'extorsion par violence, menace, ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien (récidive) commis le 24 novembre 2002 ; une troisième fois, le 29 janvier 2004, par le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance de Lyon, à une peine de 6 mois d'emprisonnement pour des faits de rébellion en réunion, d'outrage à dépositaire de l'autorité publique, d'entrée en séjour irrégulier commis le 7 janvier 2004 ; une quatrième fois, le 19 décembre 2007, par le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance de Grenoble, à une peine de 4 mois d'emprisonnement, pour des faits de recel de bien provenant d'un vol. Le 18 septembre 2012, la Cour d'assises de l'Isère l'a condamné à huit ans d'emprisonnement avec un suivi socio-judiciaire de deux ans pour des faits de viol commis le 8 mai 2009 sous la menace d'une arme et pour des faits de diffusion à un tiers de reproduction de pièce ou acte de procédure d'instruction par une partie commis courant août 2009. Le 21 juin 2013, il a été condamné à deux mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance de Grenoble pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique. Par un avis du 27 mars 2018, la commission d'expulsion du département de l'Isère a émis un avis favorable à la mesure d'expulsion. Par un arrêté du 21 décembre 2018, le préfet de l'Isère a prononcé son expulsion à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible. Par un arrêté du 31 décembre 2018, il l'a assigné à résidence. Par une décision du 10 avril 2019, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a annulé la décision du 18 octobre 2018 par laquelle le directeur de l'OFPRA a cessé de reconnaître à M. C... la qualité de réfugié et l'a maintenu dans sa qualité de réfugié. M. C... relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté d'expulsion du 21 décembre 2018 et de l'arrêté d'assignation à résidence du 31 décembre 2018.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une ordonnance du 16 mars 2020, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a annulé la décision du 11 décembre 2019 par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle a refusé d'accorder l'aide juridictionnelle à M. C... et a accordé le bénéfice l'aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions de M. C... tendant à ce qu'il soit admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la légalité de l'arrêté d'expulsion :

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. " et aux termes de l'article L. 711-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable, " Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque : 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ; 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société ".

4. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

5. M. C... fait valoir qu'il ne constitue plus une menace à l'ordre public dès lors qu'il a fait preuve d'un comportement exemplaire lors de son incarcération et a entrepris des démarches de soins et a bénéficié de nombreuses reprises de peine, qu'il a ensuite bénéficié du régime du placement extérieur individualisé à compter du 4 août 2014 et qu'il a été reconnu comme adulte handicapé.

6. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1, M. C... a été condamné pour des faits de vol et tentative de vol avec destruction, pour des faits d'extorsion par violence, menace, ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien (récidive), pour des faits de rébellion en réunion, d'outrage à dépositaire de l'autorité publique, d'entrée en séjour irrégulier, pour des faits de recel de bien provenant d'un vol. Le 18 septembre 2012, la Cour d'assises de l'Isère l'a condamné à huit ans d'emprisonnement avec un suivi socio-judiciaire de deux ans pour des faits de viol commis le 8 mai 2009 sous la menace d'une arme et pour des faits de diffusion à un tiers de reproduction de pièce ou acte de procédure d'instruction par une partie commis courant août 2009. Il a encore été condamné, le 21 juin 2013, pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique commis le 4 décembre 2012. Pendant son incarcération, s'il a bénéficié de plusieurs crédits de réduction de peine et d'une mesure de placement extérieur à domicile, il a également fait l'objet, le 13 octobre 2008, le 29 septembre et le 17 novembre 2014, de retraits de crédit de réduction de peine. La commission d'expulsion du département de l'Isère a estimé, dans son avis du 27 mars 2018, que " l'absence d'insertion professionnelle et de liens familiaux stables avec un état psychiatrique dégradé conduisent la commission à estimer qu'il présente un risque réel et actuel de réitération d'actes délictueux voire criminels et constitue une menace pour l'ordre public ". Le certificat médical du professeur Bougerol du pôle de psychiatrie du centre hospitalier universitaire de Grenoble du 9 octobre 2018 fait état d'un patient en grande difficulté qui justifie un suivi psychiatrique. Ainsi, eu égard aux faits reprochés et à l'ensemble des informations dont il pouvait disposer sur le comportement de l'intéressé pendant son incarcération et après celle-ci, le préfet a pu estimer à bon droit que la présence de M. C... sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public. La circonstance que la CNDA a annulé, le 10 avril 2019, la décision du 18 octobre 2018 par laquelle le directeur de l'OFPRA a cessé de reconnaître à M. C... la qualité de réfugié et l'a maintenu dans cette qualité en estimant que l'intéressé ne présentait plus une menace grave pour la société au sens des dispositions du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est sans incidence sur la légalité de l'arrêté d'expulsion qui est appréciée au regard de l'existence actuelle d'une menace grave à l'ordre public constituée par la présence de l'intéressé sur le territoire français au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. M. C... fait valoir que le préfet de l'Isère ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle en ne prenant pas en compte son état de santé et la circonstance qu'il bénéficie d'un traitement lourd. Il ressort des pièces du dossier que M. C... présente des troubles psychiatriques importants qui avaient conduit l'équipe du SMPR, lors de son incarcération à Varces, à mettre en oeuvre un traitement relativement lourd, selon les termes du professeur Bougerol du pôle psychiatrie du centre hospitalier universitaire de Grenoble. L'arrêté d'expulsion du 21 décembre 2018 précise que l'intéressé n'a effectué aucune diligence à la suite de la transmission, le 28 septembre 2016, de la fiche-médecin destinée à renseigner l'administration sur son état de santé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il n'est pas contesté que M. C... est entré en France le 25 février 2002 à l'âge de 28 ans. Si deux de ses soeurs résident en France, M. C... est célibataire et sans charge de famille et n'établit, par aucune pièce versée au dossier, une volonté particulière de réinsertion professionnelle et sociale. Eu égard à la gravité des faits reprochés à l'intéressé et en dépit de l'ancienneté de son séjour, le préfet de l'Isère, en décidant son expulsion, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 21 décembre 2018 :

10. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article R. 523-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Le pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion est déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 513-2 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. M. C... soutient que le préfet de l'Isère ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, envisager une expulsion à destination de son pays d'origine.

12. Il ressort des mentions contenues dans l'arrêté du 21 décembre 2018 que le préfet de l'Isère a expulsé M. C... à destination du pays dont il a la nationalité, en précisant que " l'intéressé ne justifie d'aucun élément suffisamment probant tendant à démontrer qu'il serait soumis à des risques personnels et réels de tortures ou de traitements inhumains en cas de retour dans son pays d'origine, qu'il ne justifie pas de l'actualité des craintes en cas de retour en Algérie et qu'un recours en révision a été déposé devant l'OFPRA afin de lui retirer son statut de réfugié ", ou à destination de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible. Postérieurement à l'arrêté d'expulsion du 21 décembre 2018, la CNDA a annulé la décision du 18 octobre 2018 par laquelle le directeur de l'OFPRA a cessé de reconnaître à M. C... la qualité de réfugié et l'a maintenu dans cette qualité eu égard au risque de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine en raison de ses opinions politiques. Par suite, le préfet de l'Isère ne pouvait décider d'expulser M. C... à destination du pays dont il a la nationalité. Le préfet de l'Isère n'en pouvait pas moins fixer comme pays de destination tout pays, autre que l'Algérie, vers lequel M. C... serait légalement admissible. En conséquence, M. C... est seulement fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'il a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de destination.

Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :

13. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de l'annulation de l'arrêté procédant à son expulsion du territoire français.

14. Aux termes de l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays peut faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence dans les conditions prévues à l'article L. 561-1. Les dispositions de l'article L. 624-4 sont applicables. ". Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 2° Fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ".

15. En se bornant à soutenir que le préfet de l'Isère ne justifie pas de perspective raisonnable d'éloignement compte tenu de sa qualité de réfugié, M. C..., dont la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à une mesure d'expulsion à destination d'un pays autre que celui dont il a la nationalité, n'établit pas que son éloignement ne pourrait pas être mis en oeuvre dans un délai raisonnable. La circonstance qu'il dispose d'attaches familiales en France est sans incidence sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence qui n'a pas pour effet de limiter ses relations familiales.

16. Il ressort des pièces du dossier que M. C... doit se présenter trois fois par semaine à 11h00, les lundi, mercredi et vendredi, à l'hôtel de police de Grenoble afin de faire constater qu'il respecte la mesure d'assignation à résidence dont il fait l'objet. Si M. C... fait valoir qu'il est dans l'impossibilité de se déplacer trois fois par semaine pour se présenter au service de police compte tenu de son état de santé, il ne l'établit pas en se bornant à produire un certificat médical du 9 janvier 2019 indiquant qu'il a de grandes difficultés à dormir et qu'il ne parvient pas à se réveiller pour 11 heures du matin et ce alors que l'heure de présentation fixée ne paraît pas inconciliable avec le traitement médical administré. Par suite, la décision critiquée n'a pas méconnu l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2018 fixant le pays de destination en tant que le préfet de l'Isère a fixé comme pays de destination celui dont il a la nationalité.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. L'Etat n'étant pas dans la présente instance la partie principalement perdante, les conclusions présentées par M. C... au profit de son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. C....

Article 2 : La décision du préfet de l'Isère du 21 décembre 2018 fixant le pays de destination est annulée en tant qu'elle désigne comme pays de renvoi le pays dont M. C... a la nationalité.

Article 3 : Le jugement du 17 octobre 2019 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 juin 2020.

3

N° 19LY04342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04342
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-11;19ly04342 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award