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15/06/2023 | FRANCE | N°22LY00631

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 juin 2023, 22LY00631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS OJP a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013 en sa qualité de société mère du groupe fiscalement intégré auquel appartient la SAS Bouteille Excelsior.

Par un jugement n° 2006290 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
>Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 février 2022 et le 17 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS OJP a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013 en sa qualité de société mère du groupe fiscalement intégré auquel appartient la SAS Bouteille Excelsior.

Par un jugement n° 2006290 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 février 2022 et le 17 mai 2023, la SAS OJP, représentée par le cabinet Fidal, agissant par Me Graillat et Me Thibault De Montigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 décembre 2021 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la participation de la SAS Bouteille Excelsior aux courses automobiles est en lien direct avec l'activité de distribution automobile du groupe A... et se trouve inscrite dans une démarche publicitaire ; elle vise à renforcer l'image du groupe auprès de ses clients et de ses fournisseurs ; par ailleurs, les dépenses concernées représentent une très faible part du chiffre d'affaires de la SAS Bouteille Excelsior ; dans ces conditions, ces dépenses sont entièrement déductibles ;

- elle justifie du caractère irrécouvrable des créances litigieuses à hauteur de 476 753 euros, soit 63,72 % du montant du rappel initial ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- les observations de Me de Montigny, représentant la SAS OJP ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Bouteille Excelsior, devenue la SAS Gva BymyCar Lyon exerce une activité de concession automobile dans cinq établissements situés dans le département du Rhône. Cette société qui a été fiscalement intégrée, jusqu'à l'exercice clos le 31 décembre 2013, au groupe dont la SAS OJP est la société mère, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 6 juillet 2016, lui ont été notifiées notamment, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013, de contribution sociale sur cet impôt, ainsi qu'à des majorations correspondantes. La SAS OJP relève appel du jugement du 28 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et pénalités.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

4. Il résulte de l'instruction que lors des opérations de contrôle, le vérificateur a constaté que la SAS Bouteille Excelsior avait comptabilisé en charges, la somme de 44 379 euros correspondant à 12 542,29 euros d'amortissement d'un véhicule de course de type " Mitjet 2L " acquis en 2013 et à 30 339,71 euros de frais d'entretien et d'inscription aux courses " Fun Cup " et " Mitjet 2L " de ce véhicule. Après mise en œuvre de son droit de communication auprès de la société organisatrice de ces évènements sportifs, l'administration a constaté que M. B... A... qui exerçait les fonctions de président directeur général de la SAS Bouteille Excelsior et de président de la SAS Garage Rocle et qui était également actionnaire majoritaire de ces deux sociétés au travers des sociétés holdings SAS OD Invest et SA OJP, avait participé à toutes les manifestations accompagné de son fils, chef des ventes dans la société Garage Rocle et de deux autres personnes, dont elle a constaté qu'elles n'avaient aucun lien avec la société. Ayant estimé que les dépenses litigieuses n'avaient pas été exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation, mais constituaient des avantages en nature accordés à son dirigeant et non comptabilisés explicitement, en tant que tels, le vérificateur les a réintégrés au résultat de la société.

5. La société requérante fait valoir que les dépenses litigieuses étaient de nature à permettre à la SAS Bouteille Excelsior d'effectuer des opérations de communication auprès de ses clients et partenaires commerciaux dès lors qu'elles concernaient directement son activité de distribution automobile portant notamment sur des véhicules de marque Volkswagen et Audi, à l'instar des deux véhicules utilisés pour les courses. Elle ajoute que ces opérations de communication ainsi que la promotion de l'image du groupe, reposaient sur l'investissement personnel depuis vingt-quatre ans, de son directeur, M. B... A..., qui a permis l'important développement du groupe éponyme. Elle produit des photographies montrant que le logo " A... " était apposé sur les véhicules automobiles, prouvant ainsi l'existence d'un intérêt commercial du groupe A... à prendre part à ces manifestations, alors que la circonstance que les véhicules litigieux étaient pilotés par le dirigeant du groupe ne peut, eu égard à ses capacités, révéler de la part de la société une volonté de lui octroyer des avantages en nature, ainsi que l'a estimé à tort l'administration. Toutefois, et alors que la requérante ne peut utilement se prévaloir de l'intérêt du groupe en lieu et place de son propre intérêt, même dans le régime de l'intégration fiscale, il est constant que la dénomination de la SAS Bouteille Excelsior n'y figure jamais, alors qu'aucun élément produit par la requérante ne permet d'établir que les concessions concernées auraient été exploitées sous l'enseigne du groupe " A... " au titre de l'exercice en litige. De même, les différents articles de presse produits citent le nom de M. A... sans jamais l'associer au nom de la société. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la SAS Bouteille Excelsior aurait mené une action publicitaire ou organisé des manifestations concernant sa participation à ces nombreuses courses automobiles, que ce soit auprès de ses clients ou de ses fournisseurs. Par ailleurs, si la requérante fait valoir en produisant des attestations émanant des personnes invitées à participer à ces courses, que certaines figurant parmi les fournisseurs ou partenaires commerciaux de la société ont pu témoigner de l'intérêt commercial de ces opérations en les sponsorisant et évoque plus particulièrement l'action de la société de marquage antivol " Eurodatacar ", les photographies des véhicules ayant concouru au titre des exercices litigieux, ne font apparaître aucun logo de cette société. De même, en se bornant à produire ces mêmes attestations rédigées par des professionnels invités par M. A... à participer à ces courses automobiles, la requérante n'établit pas que ces invitations auraient permis à la SAS Bouteille Excelsior de bénéficier de primes " bonus qualité " de la part de son fournisseur, la société Volkswagen France ou auraient permis d'améliorer son partenariat avec le groupe Norbert Dentressangle ou bien lui auraient permis de gagner des clients parmi les salariés de la " Société Générale Private Banking " ou de faciliter l'obtention d'un prêt bancaire de la part de cette dernière, pour une des sociétés du groupe A.... Enfin, le message électronique adressé à M. A... par l'organisateur de ces évènements sportifs évoquant en termes très généraux la présence de chefs d'entreprises ainsi que la possibilité de leur mise en relation ne suffit pas à établir la réalité des retombées commerciales des dépenses litigieuses pour la SAS Bouteille Excelsior.

6. Dans ces conditions, et alors même que les dépenses en litige ne sauraient constituer des avantages en nature accordés à M. A..., la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que les dépenses en litige ont été engagées dans l'intérêt direct de l'exploitation de la SAS Bouteille Excelsior et pouvaient, dès lors, être admises, en tant que charges, en déduction du résultat imposable de cette société.

7. En second lieu, il résulte des dispositions combinées du 2 de l'article 38 du code général impôts et du 1 de l'article 39 de ce code, applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges, comprenant notamment les pertes sur les créances devenues définitivement irrécouvrables à la clôture d'un exercice postérieur à celui de leur naissance. La déductibilité, au titre d'un exercice, d'une perte résultant d'une créance n'est possible que si celle-ci présente un caractère certain et définitif à la clôture de cet exercice. Le caractère irrécouvrable d'une créance est subordonné à la preuve, qu'il incombe au contribuable de rapporter, d'une part, de l'accomplissement de diligences et de démarches conduites en vue de leur recouvrement et demeurées infructueuses et, d'autre part, de l'insolvabilité des débiteurs.

8. Il résulte de l'instruction que l'administration a relevé que la SAS Bouteille Excelsior n'avait pu justifier des diligences accomplies pour recouvrer des créances qu'elle avait comptabilisées au titre de l'exercice clos en 2013 à hauteur de la somme de 774 924 euros. Pour justifier du caractère irrécouvrable des créances en cause, à hauteur de 63,72 % de leur montant global, la SAS Bouteille Excelsior fait valoir que certaines concernent des sociétés ou exploitants individuels ayant fait l'objet de procédures collectives, aboutissant à une clôture pour insuffisance d'actif et à une radiation pour certains. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment des fiches " Infogreffe " et de celles issues du site " société.com " produites par la requérante, que les débiteurs concernés par les créances en litige, soit se trouvaient, à la date de clôture de l'exercice 2013, en situation de liquidation judiciaire, soit faisaient l'objet d'un plan de cession ou d'un plan de sauvegarde. Cependant, ces seules informations ne sauraient par elles-mêmes démontrer que les créances concernées étaient devenues définitivement irrécouvrables au cours de l'exercice clos en 2013. La requérante fait également valoir que certaines de ces créances seraient prescrites, mais elle se borne à invoquer la prescription prévue par l'article L. 218-2 du code de la consommation, en ce qui concerne ses débiteurs particuliers et celle prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, en ce qui concerne ses débiteurs professionnels, sans établir qu'elle aurait accompli les diligences nécessaires en vue de leur recouvrement, à l'occasion desquelles notamment, le débiteur concerné aurait pu lui opposer le bénéfice de cette prescription. Enfin, la circonstance que certaines de ces créances soient d'un montant modique ne suffit pas à justifier, à elle seule, que ces créances puissent être considérées comme irrécouvrables. Dès lors, c'est donc à bon droit que l'administration fiscale qui n'était pas tenue de suivre l'avis de la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a refusé d'admettre ces charges et a réintégré les sommes correspondantes dans les bases de la SAS Bouteille Excelsior à l'impôt sur les sociétés.

Sur la majoration de 40 % pour manquement délibéré :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

10. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % de l'article 1729 du code général des impôts aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles la SAS Bouteille Excelsior a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013 à raison de la remise en cause de la déduction des frais de participation de cette société à des courses automobiles, l'administration s'est fondée sur la circonstance que la société ne pouvait ignorer que ces sommes présentaient en réalité le caractère de dépenses personnelles, au profit de son dirigeant.

11. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, d'une part, la circonstance que les véhicules litigieux étaient pilotés par le dirigeant du groupe ne peut, eu égard à ses capacités, révéler de la part de la société une volonté de lui octroyer des avantages en nature. D'autre part, ainsi qu'il a été dit précédemment, la déduction des frais litigieux a été motivée dans l'intérêt du groupe, résultant de l'application du régime de l'intégration fiscale. Ainsi, dès lors que l'administration n'apporte pas la preuve de l'intention de la requérante d'éluder l'impôt, celle-ci est fondée à obtenir la décharge des pénalités qu'elle conteste.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS OJP est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré appliquées aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la charge de l'Etat, le versement à société SAS OJP de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La SAS OJP est déchargée des pénalités pour manquement délibéré appliquées aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS OJP une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS OJP et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00631

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00631
Date de la décision : 15/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-15;22ly00631 ?
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