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13/06/2023 | FRANCE | N°21LY02815

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 13 juin 2023, 21LY02815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par ordonnance n° 430232 du 6 avril 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Lyon la requête présentée par M. F... E..., Mme A... E... et M. D... B....

M. F... E..., Mme A... E... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Brison-Saint-Innocent a refusé de leur délivrer u

n permis de construire modificatif, ainsi que la décision rejetant leur recours...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par ordonnance n° 430232 du 6 avril 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Lyon la requête présentée par M. F... E..., Mme A... E... et M. D... B....

M. F... E..., Mme A... E... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Brison-Saint-Innocent a refusé de leur délivrer un permis de construire modificatif, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1722852 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du maire de Brison-Saint-Innocent du 7 décembre 2016 et a enjoint à ce dernier de réexaminer la demande de permis de construire présentée par les consorts E... et B....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 août 2021, M. E... et autres, représentés par Me Fiat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2021 en ce qu'il n'a pas fait droit à leurs conclusions aux fins d'injonction de délivrer le permis de construire modificatif sollicité ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune de Brison-Saint-Innocent de délivrer le permis de construire modificatif sollicité sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Brison-Saint-Innocent une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le terrain naturel qui doit être pris en compte pour l'appréciation du respect des règles de hauteur définies par le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Brison-Saint-Innocent, est celui qui existe dans son état antérieur aux travaux effectués en vue de la réalisation du projet, les modifications du niveau de ce sol naturel générées par des travaux étrangers au projet du pétitionnaire devant être prises en compte ;

- l'acrotère ne doit pas être prise en compte pour le calcul de la hauteur de la construction définie à l'article Ud 10 du règlement du PLU car il s'agit d'un ouvrage technique ;

- à tout le moins, le maire aurait dû lui appliquer la notion d'adaptation mineure prévue à l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 10 novembre 2021, la commune de Brison-Saint-Innocent, représentée par Me Drache, conclut à l'annulation du jugement du 15 juin 2021, subsidiairement, à sa confirmation en ce qu'il rejette le surplus des conclusions de la demande de première instance, au rejet de la requête d'appel de M. E... et autres et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de ces derniers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le permis de construire initial qui leur a été délivré le 9 mai 2016 et qui est devenu définitif précisait que, conformément à l'article UD 10 du règlement du PLU, la hauteur maximale de tout point de la construction sera de 6 mètres par rapport au terrain naturel de 276,12, conformément aux indications portées sur le plan de masse et sur plusieurs documents fournis postérieurement qui indiquent cette même cote du terrain naturel, alors même que les pétitionnaires étaient informés du rehaussement à venir du niveau du sol dès leur demande de permis de construire initial ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me Hourlier, représentant M. E... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Un tènement, propriété de M. C... et situé sur la commune de Brison-Saint-Innocent, a fait l'objet d'un plan de division et de bornage établi par un géomètre-expert en mai 2015, et a été divisé entre, d'une part, les parcelles cadastrées section ... acquises par la SNC des Savoie en vue de la réalisation d'un ensemble immobilier " Les Carrés du Lac " dont elle a entrepris la réalisation en mai 2015, et, d'autre part, les parcelles cadastrées section C n° 3076 et n° 3078 acquises par M. F... E..., Mme A... E... et M. D... B..., copropriétaires. Ces derniers ont déposé une demande de permis de construire le 13 janvier 2016, à laquelle il a été fait droit le 9 mai 2016, portant sur l'édification d'un bâtiment comportant deux logements. Le dossier de permis de construire comportait un plan de masse indiquant un niveau du sol naturel avant travaux basé sur un plan établi en mars 2012 par le cabinet Vincent-Devun, géomètre-expert, et dont il résultait notamment une cote du terrain naturel de 276,12 mètres, et cette cote, mentionnée sur ledit plan de masse, a été reprise dans les prescriptions du permis de construire délivré le 9 mai 2016. Après le début des travaux relatifs à ce permis de construire, et suite à des courriers des propriétaires des parcelles voisines adressés à la commune, l'adjoint au maire chargé de l'urbanisme a rencontré les pétitionnaires et leur architecte, en présence d'un géomètre-expert, afin d'évoquer le dépassement des règles de hauteur prévues à l'article Ud 10 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune et prescrites par le permis de construire. Par ailleurs, les propriétaires de parcelles voisines, bénéficiaires d'une servitude non altius tollendi, ont assigné M. E... et autres devant le tribunal de grande instance de Chambéry statuant en matière de référé aux fins de les enjoindre à démolir la partie de l'immeuble dépassant la hauteur de 6 mètres et ont sollicité, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert judiciaire. Dans ce contexte, le 5 octobre 2016, M. E... et autres ont déposé une demande de permis modificatif dont l'objet était la modification de leur projet afin de prendre en compte " les nouvelles valeurs " du terrain naturel constatées lors de la rencontre précitée et le relevé effectué à cette occasion par le géomètre mandaté par la mairie. Par un arrêté du 7 décembre 2016, le maire de Brison-Saint-Innocent a refusé de leur accorder un tel permis modificatif au motif que la règle de hauteur prévue par l'article Ud 10 du PLU était méconnue. M. E... et autres ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif a fait droit à cette demande mais a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Brison-Saint-Innocent de leur délivrer le permis de construire modificatif sollicité. M. E... et autres relèvent appel de ce jugement dans cette mesure. La commune en relève incidemment appel en tant que le tribunal administratif a partiellement fait droit aux conclusions des requérants.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 décembre 2016 :

2. Pour refuser de délivrer à M. E... et autres le permis de construire modificatif sollicité, le maire de Brison-Saint-Innocent a visé notamment le permis de construire initial et la prescription dont il était assorti, selon laquelle " la hauteur maximale de tout point de la construction sera de 6 mètres par rapport au terrain naturel de 276,12 " et l'absence de toute remarque des pétitionnaires relative à cette mention. Il a visé également la demande de pièces en date du 25 octobre 2016, avec l'indication d'enlever les remblais afin de respecter la hauteur maximale, conformément au permis de construire. Il a ensuite considéré que les travaux de construction étaient en cours, que le terrain remblayé, mentionné dans la demande de permis de construire modificatif comme " terrain naturel " ou " terrain naturel modifié ", ne constituait nullement un nouveau terrain naturel pouvant être pris en considération pour le calcul de la hauteur de la construction. Il a constaté que le projet, tel que présenté dans cette demande de permis de construire modificatif, faisait apparaître une hauteur maximum de la construction de 6,74 mètres, supérieure à la hauteur de 6 mètres prévue par l'article Ud 10 du règlement du PLU de la commune pour les constructions avec toitures-terrasses comme c'est le cas en l'espèce.

3. Aux termes de l'article Ud 10 du règlement du PLU : " La hauteur des constructions est mesurée à l'aplomb de tout point de la construction par rapport au terrain naturel. Ne sont pas comptés les ouvrages techniques, cheminées et autres superstructures de faible emprise. La hauteur des constructions est limitée à 9 mètres. La hauteur des constructions avec toiture terrasse est limitée à 6 ". Selon l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme : " Les règles et servitudes définies par un plan local d'urbanisme : 1° Peuvent faire l'objet d'adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ; (...) ".

4. En premier lieu, il est constant, et il résulte en outre du rapport rendu le 13 janvier 2021 par l'expert judiciaire mandaté par le tribunal de grande instance de Chambéry, que le terrain naturel, tel qu'il existait à la date du dépôt de la demande de permis de construire initial, et donc dans son état antérieur aux travaux entrepris pour la réalisation du projet de construction objet du permis, s'établissait aux cotes mentionnées dans le plan de masse joint à cette demande, et notamment la cote 276,12 prise comme référence pour calculer la hauteur maximale en tous points de la construction par rapport au terrain naturel. Si les requérants soutiennent que ce niveau du terrain naturel a été modifié par les travaux effectués par la SNC des Savoie sur le terrain voisin, du fait de déblais entreposés sur une partie de leur terrain et qui n'auraient pas été évacués mais étalés sur leur parcelle, dans des conditions qui n'ont d'ailleurs pu être éclaircies par l'expert judiciaire, une telle circonstance, eu égard notamment aux dates respectives de réalisation des travaux entrepris sur les parcelles voisines issues de la division en mai 2015 du tènement initial et du dépôt, en janvier 2016, du permis de construire initial obtenu le 9 mai 2016 par les requérants, ne peut être regardée comme étrangère aux travaux réalisés par les requérants pour la mise en œuvre de l'autorisation d'urbanisme qu'ils avaient obtenue, et doit donc nécessairement être regardée comme y participant. Cette circonstance ne saurait ainsi être regardée comme ayant modifié le niveau du terrain naturel à prendre en compte pour l'application des règles de hauteur définies à l'article Ud 10 du règlement du PLU, alors qu'il appartenait, le cas échéant, à M. E... et autres de demander la remise en état de leur terrain s'il s'avérait que cette modification du niveau de leur terrain était imputable à la SNC des Savoie. Ainsi, contrairement à ce que les requérants soutiennent, la commune était fondée à refuser de prendre acte de ce nouveau niveau du sol pour l'application de la règle de hauteur définie à l'article Ud 10 du règlement du PLU.

5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les acrotères de la construction en litige ne peuvent être regardées comme des ouvrages techniques au sens des dispositions de l'article Ud 10 précité du règlement du PLU, et doivent ainsi être prises en compte pour le calcul de la hauteur des constructions. L'arrêté en litige indique, et cela n'est pas contesté, que la construction litigieuse s'établit à la cote 286,86, soit une hauteur de 6,74 mètres, excédant ainsi la hauteur maximale de 6 mètres prévue par l'article Ud 10 précité.

6. En dernier lieu, si les requérants soutiennent que le maire aurait dû leur accorder le permis modificatif sollicité en faisant application de la notion d'adaptation mineure, sur le fondement de l'article L. 152-3 du code de l'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment eu égard à ce qui a été dit aux points 1 et 4 ci-dessus et aux termes du rapport d'expertise déjà mentionné, qui fait état d'une erreur d'implantation de la construction comme cause de dépassement de la hauteur autorisée, qu'une telle adaptation soit rendue nécessaire par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes. Il suit de là que le maire de Brison-Saint-Innocent pouvait légalement fonder son arrêté du 7 décembre 2016 sur les motifs rappelés au point 2 ci-dessus.

7. Il résulte de ce qui précède que M. E... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de leur demande. A l'inverse, la commune de Brison-Saint-Innocent est fondée à soutenir que, par le même jugement, qui doit, par suite être annulé dans cette mesure, le tribunal administratif a partiellement fait droit à leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions de M. E... et autres aux fins d'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2016 et d'injonction doivent être rejetées, en l'absence d'autre moyen à examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... et autres la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Brison-Saint-Innocent dans l'instance et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Brison-Saint-Innocent, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à M. E... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2021 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. E... et autres tant en première instance qu'en appel sont rejetées.

Article 3 : M. E... et autres verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Brison-Saint-Innocent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la commune de Brison-Saint-Innocent.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

M. G...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02815
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-13;21ly02815 ?
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