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08/06/2023 | FRANCE | N°23LY00299

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 08 juin 2023, 23LY00299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208044 du 17 janvier 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédures devant la cour

I - Par une requête enregistrée le 25 janvier 2023 sous le n° 23LY00299, M. B..., représenté par Me Zoccali, de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;

2°) d'enjoindre à la pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208044 du 17 janvier 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédures devant la cour

I - Par une requête enregistrée le 25 janvier 2023 sous le n° 23LY00299, M. B..., représenté par Me Zoccali, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " travailleur temporaire " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de cinq jours ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors que son contrat d'apprentissage a pris fin en raison de violences de la part de son maître d'apprentissage ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 15 février 2023, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2023.

II - Par une requête enregistrée le 25 janvier 2023 sous le n° 23LY00301, M. B..., représenté par Me Zoccali, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il est fondé à obtenir le sursis à exécution du jugement attaqué en application des dispositions des articles R. 811-17 et R. 811-17-1 du code de justice administrative ;

- l'exécution de ce jugement de rejet d'une demande d'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, qui met fin au caractère suspensif du recours et rend possible la mise en œuvre, y compris d'office, de la mesure d'éloignement, en application de l'article L. 722-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est susceptible d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables compte tenu des circonstances particulières dont il fait état ;

- les moyens énoncés dans sa requête d'appel dirigée contre le jugement attaqué paraissent sérieux en l'état de l'instruction.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2023.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les observations de Me Zoccali, pour M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 mai 2023, présentée pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen entré en France en 2021 selon ses déclarations, relève appel du jugement du tribunal a administratif de Lyon qui a été rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Ain du 13 octobre 2022 refusant de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi et en demande également le sursis à exécution.

Sur la légalité de l'arrêté du 13 octobre 2022 :

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. "

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge, saisi d'un moyen en ce sens de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste sur l'appréciation ainsi portée de la situation personnelle de l'intéressé.

4. Pour refuser à M. B..., qui avait commencé son apprentissage en novembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point 2, la préfète de l'Ain, qui fait état de l'avis favorable de la structure d'accueil, a relevé que l'intéressé avait été confié à l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans, et qu'il justifiait suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, mais a toutefois estimé que ces éléments étaient insuffisants au regard des liens qu'il avait conservés dans son pays d'origine, où résident ses parents, et que le suivi de sa formation ne présentait pas de caractère réel et sérieux. Si, sur ce dernier point, il a pu rencontrer des difficultés dans la maîtrise du français, il a désormais validé son DELF A 2, s'investissant avec sérieux dans le déroulement de sa formation, ainsi que cela ressort des évaluations de fin d'année scolaire et de l'attestation du proviseur. Il apparaît par ailleurs que l'interruption de son contrat d'apprentissage, à laquelle il s'est trouvé contraint, est liée à des problèmes avec son maître de stage survenus en août 2022, à l'origine pour lui d'une interruption temporaire de travail (ITT), qui l'a conduit à déposer plainte contre son employeur alors que, à la date de la décision en litige, il restait scolarisé au sein du lycée professionnel du bâtiment le Corbusier à Lons le Saunier. Dans ces circonstances particulières, et alors que rien ne permet de dire, au vu notamment du rapport de la structure d'accueil, qu'il aurait conservé des liens étroits avec sa famille dans son pays d'origine, M. B... est fondé à soutenir que la préfète de l'Ain a entaché son refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 12 octobre 2022 refusant de lui délivrer un titre de séjour et, par voie de conséquence, des décisions concomitantes l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur l'injonction :

6. Il y a seulement lieu, eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, à la nature du titre ici en cause et à l'âge du requérant, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de procéder au réexamen de la situation de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte. Dans cette attente, il y a également lieu, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'ordonner à l'administration de délivrer immédiatement à M. B... une autorisation provisoire de séjour, valable tant qu'une nouvelle décision n'aura pas été prise.

Sur les frais de l'instance :

7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Zoccali, conseil de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

8. Le présent arrêt statuant sur l'appel de M. B... dirigé contre le jugement n° 2208044 du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 23LY00299 tendant ce qu'il soit sursis à son exécution ont perdu leur objet et il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 janvier 2023 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 13 octobre 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Ain de réexaminer la situation de M. B... dans les conditions prévues ci-dessus.

Article 3 : L'État versera à Me Zoccali, avocate de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Zoccali renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23LY00299 est rejeté.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 janvier 2023.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°s 23LY00299, 23LY00301

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00299
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : ZOCCALI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-08;23ly00299 ?
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