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01/06/2023 | FRANCE | N°22LY01589

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 01 juin 2023, 22LY01589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, sous astreinte, de lui délivrer sans délai un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il a également demandé l'annulation de l'arrêté du 15 février 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, sous astreinte, de lui délivrer sans délai un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il a également demandé l'annulation de l'arrêté du 15 février 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pendant une durée de deux ans et d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " salarié " sous peine d'une astreinte.

Par un premier jugement n° 2201016 du 21 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre l'assignation à résidence, l'obligation de quitter sans délai le territoire, la décision fixant le pays de destination et celle lui faisant interdiction de retour sur le territoire durant un délai de deux ans.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mai 2022, M. B..., représenté par Me Moundounga, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 avril 2022 et les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pour une durée de deux ans ;

2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un certificat de résidence algérien temporaire portant la mention " salarié " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et sa situation n'a pas l'objet d'un examen particulier ;

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ; celle-ci étant illégale dès lors qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 7 b) et 7 c) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 juin 2022 la demande de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle elles n'étaient ni présentes, ni représentées.

Le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 10 octobre 1971, est entré en France le 9 août 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il a sollicité, le 17 mai 2021, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié " sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par deux arrêtés du 24 novembre 2021, le préfet de Saône-et-Loire a, d'une part, rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter, sans délai, le territoire français, lui a fait interdiction de retour sur le territoire durant un délai de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, d'autre part, a assigné M. B... à résidence. Par un jugement du 21 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre l'assignation à résidence, l'obligation de quitter sans délai le territoire, la décision fixant le pays de destination et celle lui faisant interdiction de retour sur le territoire durant un délai de deux ans. M. B... conteste le jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et portant interdiction de retour et ne présente des moyens que contre la première de ces décisions.

2. En premier lieu, la décision attaquée indique les stipulations de l'accord franco-algérien dont il a été fait application, ainsi que les éléments de fait qui ont déterminé la décision du préfet de Saône-et-Loire. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée ou que le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes les professions et toutes les régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française. c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ". Aux termes de l'article 9 de ce même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettres c à d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ". Il résulte de ces stipulations qu'un certificat de résidence portant la mention " salarié " ne peut être délivré à un ressortissant algérien que s'il justifie présenter un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, désormais appelée direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), ou une autorisation de travail ainsi qu'un visa de long séjour.

4. M. B... fait valoir que le préfet ne pouvait, sans méconnaître les stipulations précitées, lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié " dès lors qu'il justifie de plusieurs fiches de paie et d'un contrat à durée indéterminée. Il doit ainsi être regardé comme excipant, à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet, de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour.

5. Toutefois, la décision indique que le préfet a refusé le certificat sollicité au motif que l'intéressé ne disposait pas d'un visa long séjour. Il ressort effectivement des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français le 9 août 2018 muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour et ne peut ainsi justifier du visa de long séjour exigé par les stipulations de l'article 9 du même accord. Si M. B... soutient qu'étant entré en France muni d'un visa de court séjour, il doit être considéré comme entré régulièrement malgré son maintien au-delà de la durée de validité de son visa, cette circonstance est néanmoins sans incidence sur la légalité de la décision dès lors qu'il ne justifie pas avoir disposé, lors de son entrée en France, d'un visa long séjour, formalité requise par les dispositions précitées.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de 1'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est né le 10 octobre 1971 et est de nationalité algérienne. Il est entré en France le 9 août 2018, soit à l'âge de 47 ans, muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour et s'y est maintenu irrégulièrement sans solliciter son admission au séjour avant le mois de mai 2021. Il fait valoir qu'il dispose d'attaches familiales en France à savoir, sa compagne, sa fille, en séjour régulier en France et son petit-fils dont il participe à l'éducation et qu'il a toujours travaillé depuis son arrivée en France. Toutefois, M. B... a fait l'objet, par arrêté du 2 mai 2019, d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et lui faisant interdiction de retour dans le délai d'une année dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Dijon. En outre, son arrivée en France est récente et il ne démontre pas être particulièrement intégré. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions du séjour du requérant, le préfet de Saône-et-Loire n'a pas, en prenant la décision contestée, porté une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que sa décision poursuivait. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. En outre, le préfet n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de son petit-fils, au sens du 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation au regard des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. B...

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023.

La rapporteure,

C. Bentéjac

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01589


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Caroline BENTEJAC
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : MOUNDOUNGA NTSIGOU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 01/06/2023
Date de l'import : 11/06/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 22LY01589
Numéro NOR : CETATEXT000047640639 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-01;22ly01589 ?
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