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31/05/2023 | FRANCE | N°21LY03587

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 31 mai 2023, 21LY03587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101562 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour
>Par une requête enregistrée le 9 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Buvat, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101562 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Buvat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la mesure d'éloignement est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, dès lors que le préfet n'a pas pris en considération sa situation très vulnérable ; elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le préfet n'a pas, préalablement à sa décision, saisi le service médical compétent pour rendre un avis sur les conséquences de son éloignement, compte tenu de l'évolution défavorable de son état de santé ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle souffre d'une grave pathologie et qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Maroc ;

- la décision fixant le Maroc comme pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'une instance est actuellement pendante devant la cour administrative d'appel de Lyon à propos de la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre ; le préfet n'a pas pris en compte les liens qu'elle a noués avec la France ; elle n'est pas retournée dans son pays d'origine en raison de l'absence de suivi nécessaire à sa pathologie ; le préfet n'a pas recherché si des circonstances humanitaires pouvaient justifier l'absence d'interdiction de retour sur le territoire français et elle ne représente pas une menace pour l'ordre public.

Le préfet de Saône-et-Loire, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 14 septembre 1980, est entrée régulièrement en France le 9 décembre 2017, munie d'un passeport marocain valable du 21 septembre 2017 au 21 septembre 2022 pourvu d'un visa de court séjour " Etats Schengen ", délivré par les autorités françaises et valable du 9 décembre 2017 au 8 janvier 2018. La demande d'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2019, par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le Maroc comme pays à destination duquel elle pouvait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai, a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Dijon, en date du 19 novembre 2020, confirmé par un arrêt n°20LY03755 du 15 juin 2022 de la cour de céans. Mme B... relève appel du jugement du même tribunal administratif du 19 octobre 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation du nouvel arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation quitter le territoire français sans délai, a fixé le Maroc comme pays de destination de son éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

2. Mme B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen tiré du défaut d'examen réel de sa situation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8. / En cas de rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ". Et l'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

4. Si Mme B... produit des documents médicaux attestant, d'une part, qu'elle souffre depuis plusieurs années d'un cholestéatome qui n'a pas été pris en charge au Maroc, d'autre part, qu'elle a subi une nouvelle intervention chirurgicale en 2020 en rapport avec la pathologie dont elle souffre, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelante ait porté à la connaissance de l'administration des éléments d'information médicale suffisamment précis permettant d'établir que son état de santé serait susceptible de nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En l'absence d'éléments circonstanciés d'ordre médical permettant d'établir que son état de santé aurait évolué défavorablement depuis l'avis médical rendu le 6 août 2019, préalablement à la décision de refus de titre de séjour du 13 décembre 2019, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet de Saône-et-Loire aurait entaché sa décision d'un vice de procédure en s'abstenant de recueillir, préalablement à la décision d'éloignement attaquée, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

5. De même la seule production, d'une part, d'un certificat médical du 26 octobre 2020 du docteur A...... et celle d'un médecin généraliste du 15 juillet 2020, d'autre part, d'un devis de frais médicaux établi par une clinique marocaine le 22 octobre 2021, postérieur à l'arrêté litigieux, ne sont pas suffisants pour démontrer que Mme B... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du Maroc. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le Maroc comme pays de destination :

6. Dès lorsqu'elle n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme B... n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le Maroc comme pays de destination. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

7. Mme B... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.

Le rapporteur,

Gilles Fédi

Le président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY03587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03587
Date de la décision : 31/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BUVAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-31;21ly03587 ?
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