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30/05/2023 | FRANCE | N°22LY03096

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 30 mai 2023, 22LY03096


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200077 du 19 avril 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 octobre 2022, M. A... D... B..

., représenté par Me Pochard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2022 ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200077 du 19 avril 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 octobre 2022, M. A... D... B..., représenté par Me Pochard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail d'une durée de six mois sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 11 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, celles des articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par courrier enregistré le 7 mars 2023, M. B... a indiqué accepter la levée du secret médical s'agissant de la situation de son fils mineur.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des pièces qui ont été enregistrées le 24 mars 2023 et communiquées.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- et les observations de Me Pochard, représentant M. B....

Une note en délibéré a été enregistrée le 9 mai 2023 pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 11 décembre 1972 à Ziguinchor (Sénégal), de nationalité sénégalaise, est entré en France en septembre 2018 avec son fils mineur, muni d'un visa de court séjour de quatre-vingt-dix jours dans l'espace Schengen. L'intéressé a sollicité, le 17 décembre 2018, une autorisation provisoire de séjour à titre humanitaire en raison de l'état de santé de son fils et a bénéficié de la prolongation de son visa de court séjour par la délivrance à titre exceptionnel d'une autorisation provisoire de séjour valable du 17 décembre 2018 au 16 mars 2019, prolongée jusqu'au 11 avril 2019, renouvelée jusqu'au 10 septembre 2020. Par un arrêté en date du 8 décembre 2021, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de séjour :

2. En premier lieu, les moyens tirés de ce que le refus de séjour est insuffisamment motivé et méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, (...), se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable./ Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle./ Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites./Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le fils de M. B..., Daniel, né le 12 mai 2007, a présenté en avril 2018 une pathologie au membre inférieur gauche diagnostiquée comme étant un ostéosarcome à un stade assez avancé nécessitant un traitement chirurgical et médicamenteux par chimiothérapie, qui a été réalisé en France. Ce traitement a notamment consisté en une résection de l'extrémité proximale du tibia gauche et une reconstruction par une prothèse à charnière (prothèse du genou), et en une chimiothérapie. M. B... a obtenu à ce titre plusieurs autorisations provisoires de séjour, sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Suite à une nouvelle demande de titre de séjour, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a toutefois estimé, dans un avis du 7 septembre 2021, que si l'état de santé de cet enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. Le fils de M. B... a subi une nouvelle intervention en février 2020 pour une arthrolyse prothétique du genou gauche et une plastie d'allongement sur le tendon quadricipital et son état de santé nécessitait un suivi orthopédique pour six mois, un suivi oncologique tous les trois mois et un suivi de la douleur mensuel accompagné, s'agissant de ce dernier, d'un traitement médicamenteux. Il n'est toutefois pas démontré que le suivi orthopédique et kinésithérapique ne pourrait être fait au Sénégal ni qu'il n'aurait pas un accès effectif aux dispositifs permettant le traitement de la douleur. S'il produit des attestations de médecins relevant que le maintien du suivi en France serait primordial, il ne ressort pas plus des pièces du dossier qu'il ne pourrait bénéficier d'un suivi oncologique dans son pays d'origine, étant relevé qu'il ressort du rapport médical produit par l'OFII, suite à l'acceptation de la levée du secret médical par l'intéressé, que l'enfant est en rémission complète depuis mai 2019 de sa pathologie oncologique. Par ailleurs, si cet enfant serait susceptible de bénéficier en 2023 d'une nouvelle intervention pour la gestion de la douleur et une facilitation et fluidification du schéma de marche, il n'est pas établi que cette intervention et les soins de kinésithérapie consécutifs ne seraient pas disponibles dans le pays d'origine de l'intéressé. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. B... n'est entré que récemment en France, le 17 septembre 2018, et n'a bénéficié de plusieurs autorisations provisoires de séjour qu'en raison de l'état de santé de son fils. Si l'intéressé démontre une certaine intégration sociale et professionnelle, il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-six ans et où résident sa femme et son autre enfant mineur. Il suit de là, alors même que son fils est scolarisé, que le refus de séjour en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. B... au sens des stipulations précitées. En l'absence d'autres éléments, il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, pour les motifs précités, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixant le pays de destination doit être écarté.

9. En second lieu, et pour les motifs cités aux points 2 et 7, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et celles des articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux, qui reprennent ces dernières stipulations, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent également et par voie de conséquence être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY03096 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03096
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-30;22ly03096 ?
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