Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SA SICAL a demandé au tribunal administratif de Lyon de réduire respectivement de 57 936 euros et 58 275 euros les cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 en fixant la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière pour son immeuble situé 24 rue Albert Poylo à Saint-Etienne à des montants respectifs de 119 283 euros et 121 038 euros.
Par un jugement n° 1706006 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18LY03634 du 15 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la SA Sical contre ce jugement.
Par une décision n° 447895 du 22 décembre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la SA Sical, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 15 octobre 2020 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat
Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2023, la SA Sical, représentée par Me Fauvergue, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de réduire respectivement, à titre principal, de 53 251 euros et 53 530 euros, ou, à titre subsidiaire, de 57 936 euros et 58 275 euros, les cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 en fixant la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière pour son immeuble situé 24 rue Albert Poylo à Saint-Etienne à des montants respectifs, à titre principal, de 133 476 euros et 135 375 euros ou, à titre subsidiaire, de 119 283 euros et 121 038 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le local-type n° 4 du procès-verbal des locaux industriels de la commune de Vaulx-en-Velin ayant changé de consistance, il ne pouvait être retenu comme terme de comparaison ;
- le local-type n° 45 du procès-verbal de la commune de Saint-Etienne constitue une référence d'évaluation pertinente ;
- ses locaux étant placés dans une situation moins favorable que ceux du local-type n° 45 du procès-verbal de la commune de Saint-Etienne utilisé à titre de comparaison, ils doivent faire l'objet d'un abattement de 25 % sur le tarif de ce local-type ;
- à titre subsidiaire, à défaut d'autres locaux de référence similaires, la méthode par appréciation directe prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts sera retenue, en tenant compte du prix de 1 219 592 euros auquel les locaux ont été cédés le 21 février 1989.
Par un courrier du 17 février 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 13 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 22 mars 2023, postérieurement à la clôture d'instruction et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention de crédit-bail conclue le 7 octobre 1991 avec la commune de Saint-Etienne, la SA Valscius qui exerçait une activité industrielle de fabrication de carton ondulé s'est portée crédit-preneur d'un ensemble immobilier situé 24 rue Albert Poylo à Saint-Etienne (Loire). Le 30 juin 2008, la société Valscius a levé l'option d'achat de cet immeuble pour un euro. La SA Sical a absorbé la société Valscius le 17 décembre 2009 et a poursuivi la même activité. En cours de crédit-bail, la valeur locative des locaux avait été déterminée selon la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts, dès lors que la commune de Saint-Etienne ne remplissait pas les conditions de l'article 1500 de ce code pour l'application de l'article 1499 du même code. A compter de la levée d'option, l'administration, faisant application des dispositions des articles 1499 et 1499-0 A du code général des impôts, a fixé la valeur locative des immobilisations industrielles acquises par la société Valscius auprès de la commune de Saint-Etienne à la valeur minimale correspondant à celle qui avait été retenue au titre de l'année d'acquisition. Par une décision du 22 décembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 15 octobre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon avait rejeté l'appel formé par la SA Sical contre le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 juillet 2018 rejetant sa demande tendant à réduire de, respectivement, 57 936 euros et 58 275 euros les cotisations de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, et a renvoyé l'affaire à la cour.
2. D'une part, aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide de coefficients qui avait été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1499-0 A de ce code, issu du I de l'article 100 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 et applicable, en vertu du III de ce même article 100, à compter de l'année d'imposition 2009 et pour les seules acquisitions postérieures au 31 décembre 2006 : " Lorsque les biens immobiliers mentionnés à l'article 1499 pris en crédit-bail sont acquis par le crédit-preneur, la valeur locative de ces biens ne peut, pour les impositions établies au titre des années suivantes, être inférieure à celle retenue au titre de l'année d'acquisition ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1500 du code : " Par dérogation à l'article 1499, les bâtiments et terrains industriels qui ne figurent pas à l'actif d'une entreprise industrielle ou commerciale astreinte aux obligations de l'article 53 A, sont évalués dans les conditions prévues à l'article 1498 " et aux termes de l'article 1498 du même code : " (...) 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales. / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ". Aux termes de l'article 324 Z de l'annexe III au même code : " I. L'évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d'autres biens de même nature pris comme types ". Aux termes de l'article 324 AA de cette même annexe, alors en vigueur : " La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance - telles que superficie réelle, nombre d'éléments - les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante. Cette valeur est ensuite ajustée pour tenir compte des différences qui peuvent exister entre le type considéré et l'immeuble à évaluer, notamment du point de vue de la situation, de la nature de la construction, de son état d'entretien, de son aménagement, ainsi que de l'importance plus ou moins grande de ses dépendances bâties et non bâties si ces éléments n'ont pas été pris en considération lors de l'appréciation de la consistance ".
4. Il résulte des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts que, dans l'hypothèse où la valeur locative d'un local est déterminée par comparaison, les termes de comparaison retenus doivent être constitués par des immeubles précisément identifiés, situés par priorité sur le territoire de la commune, et dont la valeur locative a été déterminée au moyen de l'une des deux méthodes prévues au b du 2° de l'article 1498. Lorsqu'il n'existe pas de terme de comparaison dans la commune, l'immeuble peut être évalué par comparaison avec des immeubles similaires situés dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause.
5. Pour le calcul des impositions en litige, l'administration a déterminé la valeur locative au titre des années 2015 et 2016 du local situé 24 rue Poylo à Saint-Etienne en recourant à la méthode comparative prévue au 2° de l'article 1498 du code général des impôts. A ce titre, si le service avait initialement retenu comme terme de comparaison le local-type n° 49 du procès-verbal de la commune de Saint-Etienne, il a abandonné cette référence au stade de la réclamation contentieuse de la société et a proposé comme nouveau terme de comparaison, pour justifier l'évaluation retenue, le local-type n° 4 du procès-verbal des locaux industriels de la commune de Vaulx-en-Velin (Rhône) abritant une activité de plasturgie et présentant une surface réelle de 13 782 m², pondérée à 2 658 m², avec application d'un coefficient d'abattement de 20 % sur le tarif pour tenir compte des différences pouvant exister entre les locaux.
6. Toutefois, un local-type qui, depuis son inscription régulière au procès-verbal des opérations de révision foncière d'une commune, a été entièrement restructuré ou a été détruit ne peut plus servir de terme de comparaison, pour évaluer directement ou indirectement la valeur locative d'un bien soumis à la taxe foncière au 1er janvier d'une année postérieure à sa restructuration ou à sa disparition.
7. La SA Sical a versé à l'instance une déclaration C-ME-Us, établie pour une mise à jour au titre de 1980, mentionnant une surface pondérée totale du local-type n° 4 du procès-verbal de la commune de Vaulx-en-Velin de 4 065 m², un avenant au bail commercial daté du 5 avril 2002 faisant état d'un corps de bâtiments d'une superficie totale de 5 239 m² ainsi que diverses photographies aériennes qui corroborent l'adjonction importante de constructions dès l'année 1979. Dans ces conditions, la SA Sical est fondée à soutenir que l'augmentation substantielle de la superficie de ce bâtiment a révélé une restructuration de ce local-type, lequel ne pouvait pas être utilisé comme terme de comparaison pertinent pour l'immeuble en litige dès lors qu'il ne présentait plus les mêmes caractéristiques que lors de son inscription au procès-verbal.
8. La SA Sical soutient que la valeur locative peut être déterminée par comparaison avec les locaux-types de la commune de Saint-Etienne sans qu'il soit nécessaire de recourir aux locaux-types du procès-verbal de la commune de Vaulx-en-Velin.
9. Si la SA Sical demande que soit retenu, à titre principal, le local-type n° 47 du procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Saint-Etienne, à usage d'atelier-dépôt, d'une surface réelle de 1 900 m² et d'une surface pondérée de 1 712 m², l'administration fait toutefois valoir que ce local a changé d'affectation, passant d'une activité d'entrepôt et atelier alors qu'il était occupé par un négociant en machines-outils, à une simple activité de dépôt et qu'il, de ce fait, été évalué, à compter du 1er janvier 1991, par comparaison avec un terme issu du procès-verbal des locaux commerciaux et biens divers. Cette modification de la destination de ce local-type a eu pour effet de lui faire perdre sa qualité de local industriel. La circonstance alléguée par la requérante, que ce local-type était alors occupé par une entreprise ayant une activité de papeterie n'est pas de nature à établir qu'il n'était pas utilisé pour une activité de local commercial. Dès lors, ce local-type ne peut être retenu comme terme de comparaison.
10. La SA Sical fait valoir, à titre subsidiaire, qu'il convient de retenir, comme terme de comparaison, le local-type n° 45 du procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Saint-Etienne, correspondant à un entrepôt d'une surface pondérée de 914 m², au tarif de 2,44 euros par m², et occupé par la société Les bons vins Guillot dont l'activité est le négoce de vin et l'embouteillage. L'appelante relève, sans être contredite, que cette activité d'embouteillage, dont il n'est pas contesté en défense qu'elle est réalisée dans ce local-type, nécessite un outillage particulièrement important. Revêtent un caractère industriel, au sens de l'article 1499 du code général des impôts, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant. A cet égard, il résulte de l'instruction que les installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre pour les besoins de l'activité de conditionnement et d'embouteillage de la société Les bons vins Guillot, dont la valeur comptable s'élevait à 367 317 euros au 1er janvier 2016, doivent être regardés comme importants et représentent 71 % des immobilisations totales au cours de l'exercice clos en 2016. Dans ces conditions, ces immobilisations revêtent un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts. Ainsi, la SA Sical doit être regardée comme ayant fourni à l'appui de ses indications selon lesquelles le local-type n° 45 du procès-verbal de la commune de Saint-Etienne occupé par la société Les bons vins Guillot accueille une activité industrielle comparable à la sienne, des éléments non contredits par l'administration qui corroborent ces indications.
11. Pour l'application de la méthode d'évaluation prévue au 2° de l'article 1498 du code général des impôts, la différence, même significative, de superficie entre le local-type et l'immeuble à évaluer ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que ce local-type soit valablement retenu comme terme de comparaison. Dans ce cas, la valeur locative doit toutefois être ajustée afin de tenir compte de cette différence, par application du coefficient prévu à l'article 324 AA de l'annexe III à ce code. En l'espèce, l'administration ne conteste pas que la différence de surface entre celle du local-type proposé par la SA Sical, qui est de 1 214 m², pondérée à 914 m², et la superficie de l'établissement en litige, qui est de 17 038 m², pondérée à 15 452 m², n'est pas de nature à faire par elle-même obstacle à ce que ce local-type soit retenu comme terme de comparaison. En revanche, il résulte de l'instruction que la localisation géographique du local à évaluer, sa consistance ainsi que son état de vétusté, le placent dans une situation moins favorable que le local-type pris comme terme de comparaison, justifiant ainsi l'application d'un abattement sur la valeur locative unitaire retenue, dont l'administration ne conteste pas qu'il doit être fixé à 25 %.
12. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu du tarif et de la surface pondérée retenus, d'une part, et de l'application d'un abattement de 25 %, d'autre part, la valeur locative totale des bâtiments de la SA Sical doit être fixée, pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises afférente aux années 2015 et 2016, à 28 277 euros au 1er janvier 1970. Par suite, la SA Sical est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a refusé de faire droit à sa demande en décharge dans la mesure de la réduction de la valeur locative ainsi définie. Il y a lieu de réformer le jugement dans cette mesure.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SA Sical au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La valeur locative de l'immeuble situé 24 rue Albert Poylo à Saint-Etienne (Loire) servant de base au calcul de la cotisation foncière des entreprises à la charge de la SA Sical au titre des années 2015 et 2016 est fixée à 28 277 euros au 1er janvier 1970.
Article 2 : La SA Sical est déchargée de la différence entre le montant des impositions contestées et celui qui résulte des bases d'imposition fixées à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du 31 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 4 : L'Etat versera à la SA Sical une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Sical est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Sical et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.
Le rapporteur,
F.-X. Pin
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY03804