Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 août 2022 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2205511 du 30 septembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Djinderedjian, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 3 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à défaut de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et complet de sa situation et a commis une erreur de fait ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de l'atteinte à sa vie privée et familiale.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Caraës, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant albanais né le 3 avril 2000, est entré irrégulièrement en France le 24 octobre 2021. Le 24 novembre 2021, il a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande, traitée selon la procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 février 2022 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 juillet 2022. Par un arrêté du 3 août 2022, le préfet de la Haute-Savoie a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 30 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A... ne séjournait que depuis dix mois en France. Si M. A... fait valoir que ses deux frères vivent en France, l'intéressé, célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Si M. A... peut être regardé comme soutenant que le préfet de la Haute-Savoie a commis une erreur de fait en indiquant, à tort, qu'il ne justifiait pas d'attaches familiales proches et personnelles en France alors que ses deux frères vivent en France, il n'en résulte pas que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de sa situation alors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il avait uniquement retenu les motifs tirés de la durée de sa présence en France et de ce qu'il n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales en Albanie.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
5. Si M. A... fait valoir que son renvoi en Albanie l'exposerait à un risque de traitements inhumains et dégradants compte tenu des représailles qu'il risque de subir en raison de son engagement dans la lutte contre la corruption politique, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ces allégations alors qu'il est constant que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 14 février 2022 de l'Office français des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 juillet 2022. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
6. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. "
7. Pour prononcer l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Haute-Savoie a relevé que l'intéressé n'était présent sur le territoire français que depuis dix mois, qu'il ne justifiait pas d'attaches familiales proches et personnelles en France, n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, que sa présence ne représentait pas une menace à l'ordre public et qu'il n'avait pas fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement.
8. Si M. A... soutient que le préfet de la Haute-Savoie se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de sa situation compte tenu de ce qu'il a retenu à tort l'absence d'attaches familiales proches et personnelles en France alors que ses deux frères y résident, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision en ne retenant que les motifs tirés de la durée de sa présence en France et de ce qu'il n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie aurait commis une erreur dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.
La rapporteure,
R. Caraës
Le président,
D. PruvostLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03195