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25/05/2023 | FRANCE | N°22LY03117

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 25 mai 2023, 22LY03117


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E..., épouse B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 14 octobre 2021 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur renouveler leur titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2110257-2110259 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure deva

nt la cour

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, M. et Mme B..., représentés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E..., épouse B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 14 octobre 2021 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur renouveler leur titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2110257-2110259 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Pochard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 14 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône :

- à titre principal, de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

- à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur situation dans le même délai et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à leur conseil, une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour prise à l'encontre de Mme B... méconnait l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions de refus de séjour méconnaissent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour qui les fondent ;

- la décision prise à l'encontre de Mme B... méconnait le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.

Le préfet du Rhône, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2022.

Par ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Pochard, représentant M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants kosovars nés respectivement les 5 février 1965 et 23 août 1963, sont entrés en France en décembre 2012 et octobre 2013. Leurs demandes d'asile ont été rejetées, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 28 avril 2014. Ils ont fait l'objet, le 29 octobre 2015, de décisions de refus de séjour assorties d'obligations de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 16 mai 2017. Mme B... a ensuite obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 15 février 2019 au 14 février 2020, son époux s'étant vu délivrer un titre de séjour de même durée, en qualité d'accompagnant. Le 6 février 2020, ils ont sollicité le renouvellement de ces titres de séjour. Par des arrêtés du 14 octobre 2021, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à leurs demandes, a assorti ces refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les décisions de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

4. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme B..., le préfet du Rhône s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 16 juin 2020 indiquant que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque. Le certificat médical produit par Mme B..., établi le 8 novembre 2021 par un praticien hospitalier, qui fait état de ses pathologies, à savoir une hépatopathie de type Nash au stade pré-cirrhotique nécessitant une surveillance semestrielle et un diabète insulinodépendant d'équilibrage difficile, n'indique pas que le traitement nécessité par son état de santé n'est pas disponible au Kosovo. Par ailleurs, la circonstance qu'elle a obtenu, entre 2019 et 2020, un titre de séjour en qualité d'étranger malade ne permet pas de considérer qu'à la date de la décision contestée, elle ne pourrait être soignée dans son pays d'origine, ses pathologies comme les conditions d'accès aux soins au Kosovo ayant pu, depuis, évoluer. Si elle produit une ordonnance détaillant les médicaments qui lui sont prescrits et des courriels de laboratoires médicaux indiquant que quatre d'entre eux ne sont pas commercialisés au Kosovo, ces documents ne suffisent pas à démontrer que des médicaments contenant les mêmes substances actives et/ou des substances actives substituables n'y seraient pas disponibles, pas plus que les extraits d'un rapport de 2017 de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés. Enfin, Mme B..., qui se borne à faire état de son âge et de sa qualité de travailleuse handicapée, n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle ne pourrait, faute de ressources, accéder aux soins nécessités par son état dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de lui renouveler son titre de séjour, le préfet du Rhône n'a pas méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L 423-15, L 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. et Mme B... font état de l'ancienneté de leur séjour, de la présence, en France, de leurs trois enfants et de leur insertion professionnelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les deux fils des intéressés, nés en 1992 et 1997, font l'objet de décisions de refus de séjour assorties de mesures d'éloignement. Ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, l'état de santé de Mme B... ne justifie pas son maintien sur le territoire national et la cellule familiale qu'elle forme avec son mari peut se reconstituer au Kosovo, pays dans lequel le couple a vécu pour l'essentiel et où leurs fils ont également vocation à résider. Si M. et Mme B... justifient avoir travaillé lorsqu'ils disposaient d'un droit au séjour en France, ni cette circonstance, ni la situation régulière de leur fille majeure, qui est en contrat d'apprentissage et peut vivre indépendamment de ses parents, ne suffisent à leur ouvrir un droit à se maintenir sur le territoire national. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de leur séjour en France, les décisions contestées n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. et Mme B... au respect de leur vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les obligations de quitter le territoire français prises à leur encontre.

8. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme B... méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme B... doivent être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E..., épouse B... et M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03117
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-25;22ly03117 ?
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