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25/05/2023 | FRANCE | N°22LY02893

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 25 mai 2023, 22LY02893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a astreint à résidence.

Par un jugement n° 2102795 du 13 décembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 sep

tembre 2022, M. B..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a astreint à résidence.

Par un jugement n° 2102795 du 13 décembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 8 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à l'effacement du signalement au fin de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le juge a méconnu son office en statuant à une date antérieure à celle de la décision contestée ;

- l'interdiction de retour méconnaît le paragraphe 2 de l'article 8 de la directive 2016/343 du Parlement européen et du Conseil et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a entaché la décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifiait d'une circonstance particulière pour ne pas avoir exécuté l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.

Par courrier du 17 mars 2023, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale tirée de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français du 8 décembre 2021 trouve son fondement légal, non dans l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans l'article L. 612-7 de ce même code.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Caraës, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant albanais né le 10 juillet 1984, est entré en France pour la première fois en mai 2017 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 6 septembre 2017 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 août 2021. Par un arrêté du 17 janvier 2019, le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français. Le 19 juillet 2019, il a été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt du Puy-en-Velay pour des faits de vol en réunion, vol aggravé par deux circonstances et de tentative de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, a été libéré le 12 mars 2020 et placé sous contrôle judiciaire par une ordonnance du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay du 11 mars 2020. Par un arrêté du 13 novembre 2021, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 7 décembre 2021, M. B... a été à nouveau interpellé à la suite d'un contrôle d'identité. Par un arrêté du 8 décembre 2021, le préfet du Puy-de-Dôme a, sur le fondement de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence jusqu'à l'expiration du délai de départ volontaire fixé par l'arrêté du préfet de police de Paris du 13 novembre 2021. M. B... relève appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 décembre 2021 en tant seulement qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français.

2. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

3. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "

4. Pour prononcer à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, la situation de M. B..., qui n'a pas respecté le délai de départ volontaire qui lui avait été octroyé pour déférer à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 17 janvier 2019 et s'est maintenu irrégulièrement en France au-delà du délai octroyé, ne relevait pas de ces dispositions qui visent le cas où l'autorité administrative peut décider d'assortir l'obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour.

5. Il ressort des pièces du dossier que les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorisaient le préfet du Puy-de-Dôme à prononcer à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français à la suite de la non-exécution de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire qui lui avait été octroyé par l'arrêté du 17 janvier 2019 portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu de procéder d'office à cette substitution de base légale laquelle n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie dès lors que le préfet du Puy-de-Dôme était tenu de prendre à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français en application des dispositions substituées.

6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme a relevé, dans l'arrêté contesté, que M. B... n'établissait pas avoir satisfait à son obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire qui lui était imparti, que son comportement représentait une menace pour l'ordre public compte tenu de ce qu'il était connu défavorablement des services de police pour des faits de conduite sans permis à trois reprises, de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance à deux reprises, de tentative de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lien d'entrepôt aggravée par une autre circonstance à cinq reprises, de vol aggravé par deux circonstances à cinq reprises, de vol en réunion, de détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs et d'usage de faux documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité ou auteur commis entre le 1er janvier 2018 et le 13 novembre 2021, qu'il avait été placé en détention provisoire le 19 juillet 2010 à la maison d'arrêt du Puy-en-Velay, avait été libéré le 12 mars 2020 et placé sous contrôle judiciaire par une ordonnance du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay du 11 mars 2020, qu'il ne pouvait se prévaloir de liens personnels et familiaux anciens, intenses et stables sur le territoire français, sa compagne de même nationalité se trouvant dans une situation administrative similaire à la sienne et qu'il n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales en Albanie où réside toute sa famille et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans.

7. M. B... soutient que le préfet a, à tort, estimé qu'il ne justifiait pas de circonstances exceptionnelles pour ne pas avoir exécuté l'obligation de quitter le territoire dans le délai de départ volontaire alors qu'il a été placé sous contrôle judiciaire le 11 mars 2020 sur le fondement de l'article 137 du code de procédure pénale. La circonstance que M. B... fasse l'objet, à la date de l'interdiction de retour sur le territoire français, dans le cadre de la procédure pénale en cours, d'une mesure de contrôle judiciaire est sans influence sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre dès lors que cette mesure ne prend effet qu'à compter de l'exécution de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Ainsi, la mesure de contrôle judiciaire fait seulement obligation à l'autorité préfectorale de s'abstenir de mettre à exécution la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé jusqu'à la levée de cette mesure de contrôle par l'autorité judiciaire. Par suite, l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ne méconnaît ni l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le paragraphe 2 de l'article 8 de la directive 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mm Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02893
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-25;22ly02893 ?
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