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17/05/2023 | FRANCE | N°21LY03970

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 17 mai 2023, 21LY03970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 19 mars 2020 du maire de Savigny-en-Terre-Plaine en tant qu'il lui impose de positionner les châssis projetés dans sa déclaration de travaux " dans le tiers inférieur du rampant ".

Par un jugement n° 2001251 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande en annulant l'article second de l'arrêté du 19 mars 2020 du maire de Savigny-en-Terre-Plaine en tant qu'il impose de positionner les c

hâssis projetés " dans le tiers inférieur du rampant ".

Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 19 mars 2020 du maire de Savigny-en-Terre-Plaine en tant qu'il lui impose de positionner les châssis projetés dans sa déclaration de travaux " dans le tiers inférieur du rampant ".

Par un jugement n° 2001251 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande en annulant l'article second de l'arrêté du 19 mars 2020 du maire de Savigny-en-Terre-Plaine en tant qu'il impose de positionner les châssis projetés " dans le tiers inférieur du rampant ".

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2021, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour d'annuler ce jugement du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Dijon et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Dijon.

Il soutient que :

- le tribunal a insuffisamment motivé sa décision ;

- la covisibilité entre le haut de la toiture devant accueillir les travaux projetés et l'église étant démontrée, et alors que les travaux litigieux doivent avoir lieu à proximité de l'église à protéger et que l'avis de l'architecte des bâtiments de France visent à insérer harmonieusement les travaux concernés dans le bâti existant, les prescriptions du maire ne sont entachées d'aucune erreur d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2022, M. B... A..., représentée par Me Gourinat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'Etat devra justifier lui avoir notifié son recours, ainsi qu'au maire de la commune ;

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- un agent du service des bâtiments de France lui avait donné un avis inverse ;

- nombre de constructions de la commune ont des fenêtres de toit parfaitement covisibles avec l'Eglise du village et elles-mêmes implantées dans la moitié inférieure du toit ;

- il n'est pas établi qu'à l'œil nu sa construction et l'édifice protégé seraient covisibles depuis la route départementale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a déposé le 10 février 2020 une déclaration préalable de travaux en vue de la pose de deux châssis vitrés sur le toit de sa maison située à Savigny-en-Terre-Plaine. Par arrêté du 19 mars 2020, le maire de cette commune, agissant au nom de l'Etat, a décidé dans un article premier de ne pas faire opposition à cette déclaration préalable " sous réserve des prescriptions mentionnées à l'article second ". Le second article de cet arrêté qui vise les prescriptions de l'architecte des bâtiments de France énoncées dans un avis du 25 février 2020, impose notamment à l'intéressé de positionner les deux fenêtres dont la pose est envisagée, " dans le tiers inférieur du rampant ". Par un jugement du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande de M. A... en annulant l'article second de l'arrêté du 19 mars 2020 du maire de Savigny-en-Terre-Plaine en tant qu'il impose de positionner les châssis projetés " dans le tiers inférieur du rampant ". Le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Contrairement à ce que soutient le ministre, au point 3 de leur décision, les premiers juges ont précisé qu'il n'apparaissait pas que " les travaux projetés soient susceptibles d'être visibles en même temps que le monument historique depuis la voie publique " et ne se sont pas bornés à mentionner la condition de visibilité depuis le monument classé. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé sur ce point doit être écarté.

Sur le fond :

4. Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / (...) II. - (...) En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 ". Aux termes de l'article L. 632-2 du même code : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. À ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. (...) / Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager, l'absence d'opposition à déclaration préalable, l'autorisation environnementale prévue à l'article L. 181-1 du code de l'environnement ou l'autorisation prévue au titre des sites classés en application de l'article L. 341-10 du même code tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I (...) ". Aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées, ou son avis pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine (...) "

5. Il résulte de ces dispositions que ne peuvent être délivrées qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France les décisions de non-opposition à déclaration préalable portant sur des immeubles situés, en l'absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s'ils sont visibles à l'œil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l'édifice en cause.

6. Il ressort des pièces du dossier que la maison de M. A... se situe dans le périmètre de l'église Sainte Bénigne, édifice classé au titre des monuments historiques. Le ministre produit en appel, une photographie prise au niveau de la route départementale n° 954 au sud de cette commune, plusieurs mètres avant le panneau signalétique " Savigny-en-Terre-Plaine " dont il ressort l'existence d'une covisibilité entre le haut de la toiture devant accueillir les travaux projetés et l'église. M. A... fait valoir en défense que cette photographie n'est pas probante car elle a été prise d'une hauteur supérieure à l'œil nu. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit devant les premières juges une photographie prise du même endroit, de manière plus rapprochée qui démontre que l'église et le haut de la toiture de sa maison sont en même temps visibles à l'œil nu depuis un lieu normalement accessible au public. Par conséquent la déclaration de travaux présentée par M. A... devait faire l'objet d'un avis conforme de l'architecte des bâtiments de France que le maire de la commune était tenu de suivre. Toutefois, il était loisible à M. A..., ainsi qu'il l'a fait, de se prévaloir devant le tribunal de l'illégalité de l'avis rendu par l'architecte des bâtiments de France.

7. Eu égard à la nature et à l'importance réduite des travaux en cause qui concernent la pose de fenêtres de faibles dimensions, au caractère très limité de la covisibilité avec le monument protégé et, ainsi qu'il résulte des photographies versées au dossier, de l'existence d'autres maisons situées dans le même champ de visibilité de l'église et comportant des fenêtres implantées dans la moitié inférieure du toit, en imposant à M. A... de positionner les châssis projetés " dans le tiers inférieur du rampant ", l'architecte des bâtiments de France a entaché son avis d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 621-32 du code du patrimoine. Dès lors, en se fondant sur cet avis contraignant le maire de Savigny-en-Terre-Plaine a entaché son arrêté d'illégalité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'article second de l'arrêté du 19 mars 2020 du maire de Savigny-en-Terre-Plaine en tant qu'il impose de positionner les châssis projetés " dans le tiers inférieur du rampant ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à M. B... A....

Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de l'Yonne et à la commune de Savigny-en-Terre-Plaine.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente-assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot,

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY03970

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03970
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SCP CLEMANG

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-17;21ly03970 ?
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