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16/05/2023 | FRANCE | N°22LY01444

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 16 mai 2023, 22LY01444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I - M. et Mme B... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire délivré le 21 décembre 2020 par le maire de la commune de Chenex à la SCCV Les Clos de Crully, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, ainsi que les permis de construire modificatifs délivrés les 8 juin 2021 et 28 octobre 2021 à cette société.

II - M. et Mme B... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis construire modifi

catif délivré le 28 octobre 2021 par le maire de la commune de Chenex à la SCCV ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I - M. et Mme B... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire délivré le 21 décembre 2020 par le maire de la commune de Chenex à la SCCV Les Clos de Crully, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, ainsi que les permis de construire modificatifs délivrés les 8 juin 2021 et 28 octobre 2021 à cette société.

II - M. et Mme B... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis construire modificatif délivré le 28 octobre 2021 par le maire de la commune de Chenex à la SCCV Les Clos de Crully.

Par un jugement n°s 2102499-2108669 du 14 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, et un mémoire enregistré le 22 mars 2023 et non communiqué, M. et Mme B... et M. C..., représentés par Me Philippe, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2022 ;

2°) d'annuler le permis de construire du 21 décembre 2020, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, ainsi que les permis de construire modificatifs délivrés les 8 juin 2021 et 28 octobre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chenex une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le dossier de permis de construire est entaché d'incomplétude compte tenu de l'insuffisance du document graphique et l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme est méconnu ;

- un permis de démolir portant sur l'ensemble de la construction existante était nécessaire et le tribunal administratif a insuffisamment répondu à ce moyen ;

- le projet porte atteinte à la sécurité publique compte tenu de ses conditions de desserte, en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ; le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen soulevé sur ce dernier fondement ;

- les articles UA 4 et UC 4 du règlement du PLU sont méconnus dès lors que le permis modificatif du 28 octobre 2021 a supprimé l'espace initialement dédié au stockage des déchets en le déplaçant vers l'intérieur du bâtiment principal sans autres précisions ;

- l'article UC 6 du règlement du PLU est méconnu en ce que la partie de la construction projetée sur la parcelle AA n° 70 ne respecte pas le recul minimum de 3 mètres à partir du chemin rural et le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement sur ce point ;

- l'article UC 9 du règlement du PLU est méconnu en ce que la surface du terrain et du bâti pris en compte pour le calcul du coefficient d'emprise au sol dans le dossier de permis de construire est erronée, le bâti se trouvant sur la parcelle n° 59 n'ayant pas été pris en compte, et le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement sur ce point ;

- l'article UA 11 du règlement du PLU et l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme sont méconnus compte tenu de l'atteinte que le projet porte à l'intérêt des lieux avoisinants et au bâtiment destiné à être entièrement modifié, pourtant identifié par le PLU au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme ;

- les articles UA 13 et UC 13 du règlement du PLU, relatifs aux espaces verts, sont méconnus et ce moyen était recevable en première instance, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, dès lors qu'il était dirigé contre le permis modificatif du 28 octobre 2021 et non contre le permis initial.

Par un mémoire enregistré le 18 août 2022, la commune de Chenex, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme B... et de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à ce que ces derniers soient condamnés aux dépens.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2023

Par un courrier du 29 mars 2023, les parties ont été invitées à présenter des observations sur la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme au cas où la cour retiendrait le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 UC du règlement du PLU en l'absence de respect par la construction (garages) d'un recul minimum de 3 mètres par rapport à la voie desservant les propriétés situées derrière le projet.

Les observations de la commune en réponse à ce courrier ont été communiquées le 11 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me Philippe, représentant M. et Mme B... et M. C..., et de Me Chardonnet, représentant la commune de Chenex.

Considérant ce qui suit :

1. La SCCV Les Clos de Crully a sollicité du maire de la commune de Chenex un permis de construire pour la rénovation et la réhabilitation d'un ancien corps de ferme et la création de cinq logements pour un total de six logements sur les parcelles cadastrées section ... à Chenex (74). Par arrêté en date du 21 décembre 2020, le permis de construire sollicité a été accordé. Les époux B... et M. C..., voisins du projet, ont, chacun, formé un recours gracieux à l'encontre de ce permis de construire, et deux décisions implicites de rejet sont nées respectivement les 9 et 18 avril 2021. Par un arrêté du 8 juin 2021, le maire de la commune de Chenex a accordé au pétitionnaire un permis de construire modificatif portant sur la modification de l'épaisseur d'un mur et de la profondeur du garage à vélo. Enfin, le 28 octobre 2021, le maire de la commune de Chenex a délivré à la SCCV Les Clos de Crully un nouvel arrêté de permis de construire modificatif portant sur l'ajout d'une servitude de passage, la modification de l'abri voiture et de l'abri poubelle et la suppression d'une place de parking. M. et Mme B... et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ces arrêtés et le rejet de leur recours gracieux. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté leurs demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. En première instance, les requérants soutenaient que le projet méconnaissait tant l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme que l'article 3 UA du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Chenex, ainsi que les articles 6 UA, 6 UC et UA7 de ce même règlement. En se bornant à relever que ces moyens devaient être écartés " dès lors que les vices touchant à l'implantation du bâtiment existant pour la façade et des places de stationnement ont été régularisés par les permis modificatifs et que, pour les mêmes motifs, aucune règle tenant à l'emprise au sol n'a été méconnue ", sans expliquer en quoi ces permis modificatifs permettaient de constater le respect, par le projet, de chacun des articles en cause du règlement du PLU, et en omettant en outre d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 UA du règlement du PLU, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement et l'a entaché d'une omission à examiner ces moyens. Celui-ci doit, par suite, être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de l'irrégularité de ce jugement.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme B... et M. C... devant le tribunal administratif.

5. Les demandes n°s 2102499 et 2108669 présentent à juger la légalité de permis de construire portant sur une même opération de construction. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la légalité du permis de construire du 21 décembre 2020 tel que modifié par les permis de construire modificatifs des 8 juin et 28 octobre 2021 :

En ce qui concerne la compétence de la signataire de l'acte :

6. Par un arrêté du 10 juin 2020, régulièrement affiché le 11 juin 2020, le maire de la commune de Chenex a donné à Mme D... E..., 2ème adjointe, délégation pour intervenir et signer tous actes dans le domaine de l'urbanisme. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la complétude des dossiers de permis de construire :

7. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme : " Lorsque le terrain d'assiette comporte des constructions, la demande précise leur destination, par référence aux différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28, leur surface de plancher et indique si ces constructions sont destinées à être maintenues et si leur destination ou sous-destination est modifiée par le projet. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet pour lequel une demande de permis de construire a été déposée portait sur la rénovation et la réhabilitation d'un bâtiment précédemment à usage d'habitation, en vue de créer des logements supplémentaires et des garages. Si le pétitionnaire a indiqué, dans le formulaire Cerfa de sa demande, que la surface " créée par changement de destination " était de 140,40 m², il ressort du dossier de permis de construire qu'il s'agit en réalité d'aménager des surfaces devant toutes être regardées comme ayant déjà été affectées à l'habitation. Dans ces conditions, le permis sollicité n'entraîne aucun changement de destination. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme doit, dès lors, être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a produit à l'appui de ses demandes de permis de construire et de permis de construire modificatifs, des documents graphiques intégrant la notice architecturale et qui comprennent notamment, outre des plans de toiture, des plans de façades, un plan de masse, un plan de coupe et un plan du parking, des photographies portant sur l'insertion du projet dans le site et des encadrés détaillant les caractéristiques du terrain et de son environnement, une description du projet, les aménagements énergétiques et extérieurs envisagés, l'absence d'effet néfaste du projet sur la végétation existante ou encore son intégration dans le relief, le bâti existant ou la végétation existante. La servitude de passage desservant les parcelles cadastrées section ..., qui ne constitue pas une voie d'accès au terrain, figure en tout état de cause également sur le plan de masse " accepté et projeté avec servitude de passage " produit avec le dossier de permis modificatif n° 2 délivré le 28 octobre 2021. Par suite, l'ensemble des documents produits a permis au service instructeur d'apprécier l'insertion paysagère du projet dans son environnement.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. (...) ".

13. Le projet litigieux est desservi par le chemin de Crully, et, ainsi qu'il a été dit au point 11 ci-dessus et en tout état de cause, le plan de masse déjà mentionné produit dans le cadre du dossier de permis modificatif n° 2 mentionne également la servitude de passage desservant les parcelles n° 71 et n° 72. La végétation y est également représentée, la notice architecturale produite précisant en outre à cet égard qu'aucun arbre ne sera planté et que le projet sera sans effet néfaste sur la végétation existante. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la superficie du terrain d'assiette classé respectivement en zone UA et en zone UC est mentionnée dans les pièces des dossiers de demande de permis de construire, en particulier sur les plans généraux.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse (...) ".

15. Il ressort des pièces composant le dossier de demande de permis de construire, en particulier de l'insertion paysagère, de la notice explicative, du plan de masse, des plans de façade et des prises de vue, qu'elles ont permis au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement et notamment le caractère mitoyen du projet. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit au point 11 ci-dessus, que l'accès au terrain d'assiette ne se fait pas par la servitude de passage desservant les parcelles voisines du projet et qu'il n'y avait ainsi pas lieu de représenter le traitement de cette servitude. La circonstance qu'aucun angle de prises de vue des photographies produites n'est reporté sur les plans joints au dossier de demande de permis de construire est également sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, les pièces du dossier de permis de construire permettant aux services instructeurs d'apprécier le lieu de ces prises de vue et l'insertion du projet dans son environnement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance des documents photographiques du projet doit être écarté.

En ce qui concerne la nécessité de disposer d'un permis de démolir :

16. D'une part, aux termes de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme : " Doivent en outre être précédés d'un permis de démolir les travaux ayant pour objet de démolir ou de rendre inutilisable tout ou partie d'une construction : (...) e) Identifiée comme devant être protégée en étant située à l'intérieur d'un périmètre délimité par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu en application de l'article L. 151-19 ou de l'article L. 151-23, ou, lorsqu'elle est située sur un territoire non couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, identifiée comme présentant un intérêt patrimonial, paysager ou écologique, en application de l'article L. 111-22, par une délibération du conseil municipal prise après l'accomplissement de l'enquête publique prévue à ce même article. ". D'autre part, aux termes de l'article UA 11 du PLU de la commune de Chenex : " (...) Le permis de démolir est instauré sur l'ensemble de la zone afin de préserver le patrimoine bâti au titre de l'article L.151-19. (...) ". Doivent être précédés d'un permis de démolir, lorsque la localisation de la construction l'exige en vertu des articles R. 421-7 et R. 421-8 du code de l'urbanisme, des travaux impliquant la démolition totale d'un bâtiment ou la démolition d'une partie substantielle de celui-ci et le rendant inutilisable.

17. Aux termes de l'article R. 431-21 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : a) Soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; b) Soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement ". Et aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. ".

18. Il ressort des pièces du dossier que le projet en cause porte notamment sur la rénovation et la réhabilitation d'un bâtiment identifié au PLU au titre de l'article L.151-19 du code de l'urbanisme. La pétitionnaire a fait une demande de permis de démolir le 19 mars 2021, en même temps que sa demande de permis de construire modificatif n°1, dans laquelle elle indiquait une démolition partielle portant sur 25 cm du mur nord du bâtiment existant, " passant d'une épaisseur de 45 cm à 20 cm, impliquant un recul de la façade de 25 cm vis-à-vis de la limite de propriété ". En application des dispositions précitées de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, un accord tacite de permis de démolir est intervenu dans le silence de l'administration. Si les requérants soutiennent que le permis de démolir aurait dû porter sur l'ensemble de la construction, ils n'assortissent cette affirmation d'aucune précision autre que l'apparence esthétique du bâtiment après travaux, sans contester que seront notamment conservés le gros-œuvre, la volumétrie et la charpente du bâtiment, la toiture étant seulement légèrement modifiée, et alors qu'ils ne soutiennent pas que le dossier de permis de démolir serait incomplet ou entaché de fraude. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres travaux auraient nécessité un permis de démolir.

En ce qui concerne la desserte et les accès :

19. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Et aux termes de l'article 3 UA du règlement du PLU : " Accès / Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée en bon état de viabilité. / Les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux exigences de la sécurité notamment des piétons, de la protection civile, de la lutte contre l'incendie et répondre à l'importance et à la destination des constructions. / Cette sécurité sera appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / Lorsque le terrain est riverain de deux ou plusieurs voies publiques, l'accès sur celles des voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. Voirie / Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées, dans des conditions répondant aux exigences de sécurité et à l'importance et à la destination des constructions et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation des piétons en toute sécurité, la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie, du service d'enlèvement des ordures ménagères et des autres services techniques. ". Enfin, le PLU définit, en son article 2, l'accès comme " la limite ou l'espace (servitude de passage, portail, porche, partie de terrain) qui permet aux véhicules de pénétrer sur le terrain d'assiette de l'opération et qui le relie avec la voie de desserte ouverte à la circulation, que celle-ci soit publique ou privée ".

20. En l'espèce, le terrain d'assiette du projet est desservi par le chemin de Crully, qui présente des caractéristiques, et notamment une largeur, suffisantes pour supporter la circulation actuelle et les cinq logements supplémentaires autorisés par le projet litigieux. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les accès pour les véhicules et les piétons et celui prévu pour deux places de stationnement réservées aux personnes à mobilité réduite auraient une visibilité insuffisante ou encore des configurations ne permettant pas de satisfaire aux exigences de sécurité pour les piétons ou les véhicules. Ainsi, les moyens tirés de ce que le maire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article 3 UA du règlement du PLU ou d'une méconnaissance de ces dernières dispositions doivent être écartés.

En ce qui concerne le stockage des déchets et ordures ménagères :

21. Aux termes de l'article 4 UA et de l'article 4 UC du règlement du PLU : " (...) Collecte des déchets et des ordures ménagères pour les nouvelles constructions / Un ou plusieurs emplacements doivent être prévus pour assurer le stockage des déchets. La surface et la localisation de ces emplacements doivent être adaptés à la nature et à l'importance du projet ".

22. Il ressort des pièces du dossier que le projet initial, qui prévoyait un abri couvert pour les poubelles, à côté des places de parking, a été modifié une seconde fois pour prendre en compte l'existence d'une servitude de passage sur le terrain d'assiette du projet. Il ressort des pièces produites à l'appui de cette demande de permis de construire, notamment celle produite par la commune en pièce n° 10 de son mémoire en défense en appel, que l'abri destiné aux poubelles est supprimé pour prendre en compte la servitude de passage en cause et que le stockage des déchets est déplacé vers l'intérieur du bâtiment principal. Par suite, dès lors qu'il n'est pas soutenu que le dossier de ce second permis modificatif serait incomplet ou entaché de fraude, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne l'implantation des constructions :

23. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de la construction est constitué de deux parcelles, dont l'une est située en zone UA2, à savoir la parcelle cadastrée ..., sur laquelle le bâtiment à rénover est implanté, et l'autre en zone UC, à savoir la parcelle cadastrée ..., destinée à accueillir les garages semi-enterrés, lesquels se trouvent toutefois également pour partie en zone UA2.

24. Tant l'article UA 6 que l'article 6 UC du règlement du PLU, tous deux intitulés " Implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques " disposent : " Définition du recul et mode de calcul / (...) Les règles de cet article s'appliquent aux voies publiques, privées et chemin ruraux ouverts à la circulation publique ".

25. Les requérants font valoir que la servitude déjà mentionnée, qui relie les deux constructions situées derrière le bâtiment objet du projet au Chemin de Crully, constitue un chemin rural, ou à tout le moins une voie privée ouverte à la circulation du public, de sorte que les règles de recul par rapport aux voies et emprises publiques définies par ces articles s'appliquent. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier du répertoire des chemins ruraux produit par la commune et du plan IGN extrait du site Géoportail, qui ne sont pas sérieusement contestés par la mention " CR dit de Crully " sur le site internet " GoogleMaps ", que cette voie n'est ni un chemin rural, ni une voie publique ou privée ouverte à la circulation du public, et qu'elle constitue seulement une servitude de passage au profit des fonds voisins du terrain d'assiette du projet. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette servitude a pour unique objet de desservir ces fonds voisins et n'emporte pas ouverture à la circulation publique consentie par la pétitionnaire, propriétaire des parcelles A 59 et 70 qui supportent cette servitude. Dans ces conditions, cette voie ne peut être regardée comme une voie publique ou privée ou un chemin rural ouverts à la circulation publique au sens des dispositions précitées, et les requérants ne peuvent utilement soutenir que les articles 6 UA et 6 UC sont méconnus au regard de l'implantation des garages semi-enterrés.

26. En second lieu, aux termes de l'article 7 UA du règlement du PLU : " Les constructions seront implantées : - soit sur la limite séparative ; - soit en respectant un recul minimum de 2 mètres ". Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif n° 1 délivré le 8 juin 2021 a pour objet de prévoir une diminution de l'épaisseur de la façade nord du bâtiment, afin qu'elle respecte la distance de 2 mètres de recul prévue par les dispositions précitées et que le permis de construire modificatif n° 2 délivré le 28 octobre 2021 n'a pas modifié ce point, quand bien même le plan de masse produit comporte, à la suite d'une erreur matérielle, les mesures figurant sur le permis de construire initial. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

En ce qui concerne l'emprise de la construction :

27. Il résulte du règlement du PLU que l'emprise au sol n'est pas réglementée en zone UA (article 9 UA) et qu'elle est de 40 % maximum en zone UC (article 9 UC). En l'espèce, l'essentiel de l'emprise du projet se trouve en zone UA, tandis que seule la parcelle cadastrée ... est située en zone UC. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le plan de masse fait apparaître la superficie de chaque parcelle et il en résulte que celle de la parcelle cadastrée section ..., située en zone UC, est de 148 m². La commune soutient sans être contredite que l'abri voiture, seule construction implantée sur cette parcelle, représente 59 m², soit moins de 40 % de la superficie de cette parcelle. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des règles du PLU relatives à l'emprise au sol maximale des constructions doit être écarté.

En ce qui concerne l'insertion du projet dans son environnement :

28. D'une part, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". D'autre part, aux termes de l'article 11 UA du règlement du PLU : " Constructions / L'autorisation de construire peut être refusée ou n'être accordée que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. (...) Le permis de démolir est instauré sur l'ensemble de la zone afin de préserver le patrimoine bâti au titre de l'article L. 151-19. (...) ".

29. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité du permis de construire délivré, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés par les dispositions mentionnées ci-dessus. Il n'en va pas différemment lorsqu'il a été fait usage de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme permettant que la demande de permis de construire porte à la fois sur la construction et sur la démolition d'une construction existante, lorsque cette démolition est nécessaire à cette opération. Dans un tel cas, il appartient à l'administration d'apprécier l'impact, sur le site, non de la seule démolition de la construction existante mais de son remplacement par la construction autorisée.

30. En l'espèce, en se bornant à faire valoir que la construction d'origine est identifiée par le plan local d'urbanisme au titre l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme et se trouve fortement modifiée d'un point de vue esthétique par le projet de rénovation, alors d'ailleurs que celui-ci ne consiste pas en la démolition d'une construction existante par une nouvelle construction, les requérants, qui ne caractérisent ni ne décrivent les lieux avoisinants, n'établissent pas que les modifications apportées porteraient atteinte à leur caractère ou à leur intérêt, atteinte qui ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier en l'état, malgré le changement significatif d'apparence du bâtiment à l'issue du projet de rénovation autorisé.

En ce qui concerne les espaces libres et les plantations :

31. D'une part, aux termes de l'article 13 UA du règlement du PLU : " Les espaces libres de toute construction devront être aménagés et entretenus. Une liste indicative des végétaux préconisés est jointe en annexe au règlement. / 50 % des espaces libres seront aménagés en espaces perméables aux eaux pluviales. (...) ". Il ressort de la notice du permis modificatif n° 2 que la servitude de passage, contrairement à ce que soutiennent les requérants, n'est pas goudronnée et est réalisée en matériaux perméables à l'eau pluviale. Dans ces conditions, l'addition des superficies des différents espaces perméables se trouvant sur la parcelle cadastrée section ... permet de vérifier que plus de 50 % des espaces libres sont perméables aux eaux pluviales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 UA du règlement du PLU doit être écarté.

32. D'autre part, aux termes de l'article 13 UC du même règlement : " Les espaces libres de toute construction devront être aménagés et entretenus. Une liste indicative des végétaux préconisés est jointe en annexe au règlement. / 60 % des espaces libres seront aménagés en espaces perméables aux eaux pluviales. (...) ". S'agissant de la parcelle cadastrée section ..., ainsi qu'il a été dit au point 27 ci-dessus, les espaces libres représentent plus de 60 % de cette parcelle. Ainsi qu'il vient d'être dit au point 31, la servitude de passage est réalisée en matériaux perméables à l'eau pluviale, et l'intégralité des autres espaces libres présente cette caractéristique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 UC du règlement du PLU doit être écarté.

33. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... et M. C... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés de permis de construire et de permis de construire modificatifs des 21 décembre 2020, 8 juin 2021 et 28 octobre 2021.

Sur les frais liés à l'instance :

34. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B... et M. C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Chenex dans l'instance et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En l'absence de dépens exposés au titre de la présente instance, les conclusions de la commune de Chenex tendant à la condamnation des intimés à lui verser une somme au titre des dépens doivent être rejetées.

35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Chenex, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à M. et Mme B... et à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2022 est annulé.

Article 2 : L'ensemble des conclusions présentées par M. et Mme B... et M. C... en première instance comme en appel est rejeté.

Article 3 : M. et Mme B... et M. C... verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Chenex au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Chenex est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B..., en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Chenex et à la SCCV les Clos de Crully.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

M. F...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01444
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL PUBLICIMES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-16;22ly01444 ?
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