Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 mars 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2202454 du 24 juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Rodrigues, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 16 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, sous huit jours, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que l'examen de la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour relevait de la compétence d'une formation collégiale du tribunal administratif ;
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Caraës, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 2 octobre 1998, est entré en France le 26 février 2017 selon ses déclarations. Le 22 mars 2017, il a sollicité le bénéfice de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par une décision du 8 août 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 mai 2019. Le 6 juillet 2021, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en invoquant son état de santé. Par un arrêté du 16 mars 2022, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours sur le fondement du 3° et du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 24 juin 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. "
3. Pour refuser d'admettre M. A... au séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Rhône s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 29 octobre 2021, indiquant que si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contester cette analyse, M. A... fait valoir qu'il souffre d'un syndrome dépressif unipolaire, marqué par un état de stress post-traumatique, qui nécessite un traitement médicamenteux et un suivi psychiatrique dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il produit, au soutien de ses écritures, plusieurs certificats médicaux du psychiatre qui le suit, selon lesquels le traitement médicamenteux est " absolument indispensable sous peine de comportement auto-agressifs, voire hétéro-agressifs " et " l'interruption d'un tel traitement entraînerait un risque fort de suicide ". Compte tenu de la teneur de ces certificats, M. A... établit que c'est à tort que le préfet a estimé que le défaut de prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il suit de là qu'en se fondant sur cet unique motif pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A..., le préfet du Rhône a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. L'annulation du refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, l'annulation des décisions prises sur son fondement. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours, prise sur le fondement du 3° et du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être annulée. Il en va de même de la décision fixant le pays de renvoi.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 16 mars 2022 et à en demander l'annulation.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
6. Le présent arrêt implique seulement que l'autorité administrative se prononce à nouveau sur la demande présentée par M. A.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la préfète du Rhône de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Rodrigues, avocate de M. A..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Rodrigues renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 24 juin 2022 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du préfet du Rhône du 16 mars 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de réexaminer, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, la demande de titre de séjour présentée par M. A... et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à Me Rodrigues une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Rodrigues renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Il en sera adressé copie au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R.751.11 du code de justice administrative ainsi qu'à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2023.
La rapporteure,
R. Caraës
La présidente,
A. CourbonLa greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY03101