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11/05/2023 | FRANCE | N°22LY01135

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 11 mai 2023, 22LY01135


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2201991 du 5 avril 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2201991 du 5 avril 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2022, M. C..., représenté par Me Paquet, demande à la cour :

1°) de l'admette au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 30 mars 2022 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie :

- à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans le délai de quinze jours, un récépissé l'autorisant à travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois, et de lui délivrer, dans l'attente, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- de lui restituer sa carte nationale d'identité dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

- de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, en ce qu'il est entaché d'une dénaturation des pièces du dossier dans l'examen du moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en ce qu'il n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que la décision refusant un délai de départ volontaire méconnait l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence d'examen, par le préfet, de l'existence de circonstances particulières, ni sur le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour méconnaît l'article L. 612-6 du même code, en l'absence d'examen par le préfet de l'existence de circonstances humanitaires ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur d'appréciation des faits, révélée par les mentions erronées qu'elle contient ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de risque de soustraction avéré et dans la mesure où le préfet n'a pas examiné s'il justifiait de circonstance particulières justifiant qu'un délai de départ lui soit accordé ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'ayant pas examiné s'il présentait des circonstances humanitaires ;

- elle méconnait l'article L. 612-10 du même code ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- cette mesure n'est pas nécessaire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- les obligations de pointage et l'interdiction de sortie du département résultent d'un défaut d'examen de sa situation, présentent un caractère disproportionné au regard de sa scolarisation et sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

Le préfet de la Haute-Savoie, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant kosovar né le 12 septembre 2001, déclare être entré en France, avec ses parents, son frère et sa sœur, en octobre 2015. Il a fait l'objet, le 3 février 2020, d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 21 septembre 2021. Par un arrêté du 30 mars 2022, le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par une décision du même jour, le préfet de la Haute-Savoie l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 1er juin 2022. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur la régularité du jugement :

3. Si M. C... soutient que le tribunal a dénaturé les pièces du dossier, une telle erreur, à la supposer établie, relève du bien-fondé du jugement et est, en tout état de cause, sans incidence sur sa régularité.

4. La magistrate désignée, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments présentés à leur appui, a répondu, de manière suffisamment motivée, au moyen tiré de ce que la décision de refus de délai de départ volontaire méconnaissait l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au point 9 de son jugement, et à celui tiré de la méconnaissance, par la décision d'interdiction de retour, de l'article L. 612-6 du même code, au point 16 de ce jugement. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté serait entaché d'un défaut de réponse à des moyens et qu'il serait, pour ce motif, irrégulier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, les moyens tirés du défaut d'examen particulier du dossier de M. C... et de l'erreur d'appréciation des faits, formulés dans les mêmes termes qu'en première instance, sans être assortis d'éléments nouveaux, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble au point 4 de son jugement.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. C... se prévaut de la durée de son séjour en France où il est entré mineur, de son parcours scolaire, toujours en cours, de sa connaissance de la langue française et de la présence de sa famille. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ses parents sont également en situation irrégulière sur le territoire national, à la suite du rejet de leurs demandes d'asile et qu'ils n'ont donc pas vocation à y demeurer, de telle sorte qu'il n'est fait état d'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale constituée par M. C..., ses parents, son frère et sa sœur, encore mineurs, au B..., pays dans lequel la fratrie pourra poursuivre sa scolarité. Si M. C... justifie, par les pièces qu'il produit, de son implication dans ses études depuis son arrivée en France, de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle d'agent polyvalent de restauration, puis de son inscription en classe de terminale pour l'année scolaire 2021-2022 en vue de la préparation d'un baccalauréat professionnel de commercialisation et services en restauration, ces seules circonstances ne suffisent pas à lui ouvrir un droit au séjour en France. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision relative au délai de départ volontaire.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

10. Pour refuser de délivrer à M. C... un délai de départ volontaire, le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur le risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il a déclaré, lors de son audition par les services de police, le 30 mars 2022, ne pas vouloir retourner au B... et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement en date du 3 février 2020, circonstances de nature à faire regarder un tel risque comme établi, en vertu des 4° et 5° précités de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'y fassent obstacle la remise spontanée, par M. C..., de sa carte nationale d'identité et d'un certificat de scolarité et la déclaration de son domicile. Par ailleurs, en faisant état de la durée de sa présence sur le territoire national et de sa scolarisation, M. C... ne justifie pas d'une circonstance particulière de nature à faire obstacle au prononcé d'une telle mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

11. En troisième lieu, eu égard à la situation personnelle et familiale de M. C... telle que décrite au point 7 ci-dessus, la décision lui refusant un délai de départ volontaire, et alors que l'intéressé fait essentiellement état des contraintes résultant du prononcé d'une interdiction de retour, laquelle constitue une décision distincte, sur sa scolarité, ne peut être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision désignant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

13. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'interdiction de retour, ne peut être accueillie.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". En vertu de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

15. Le préfet de la Haute-Savoie, qui a mentionné dans la décision contestée qu'une décision d'interdiction de retour est prononcée à l'encontre du ressortissant étranger obligé de quitter le territoire français sans délai, à moins que des circonstances humanitaires y fassent obstacle, et s'est livré à l'examen de la situation particulière de M. C..., a nécessairement estimé, au regard de l'ensemble de celle-ci, que l'intéressé ne justifiait pas de circonstances humanitaires. Par ailleurs, les éléments avancés par le requérant, tirés de sa durée de présence sur le territoire national, de la présence en France de son réseau social, amical et familial, et de la circonstance qu'il y a effectué sa scolarité depuis plus de six ans, ne suffisent pas à caractériser des circonstances humanitaires au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la violation des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

16. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 15 ci-dessus, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision d'interdiction de retour sur la situation personnelle de M. C....

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision l'assignant à résidence.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 733-1 du même code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ". L'article R. 733-1 de ce code dispose que " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; (...) ".

19. M. C... fait valoir qu'il a remis sa carte d'identité, qu'il a déclaré son adresse et justifié de sa scolarité. Alors qu'il n'est pas contesté que son éloignement demeurait une perspective raisonnable à la date de la décision attaquée, les éléments ainsi avancés ne permettent toutefois pas de considérer que le préfet de la Haute-Savoie aurait fait une inexacte application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son égard une assignation à résidence, mesure à laquelle l'autorité préfectorale peut précisément recourir de préférence à un placement en rétention administrative lorsque l'étranger concerné présente des garanties de représentation.

20. Eu égard à la situation personnelle et familiale de M. C... telle que décrite précédemment, et en dépit de sa scolarisation, la décision d'assignation à résidence n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

21. La décision portant assignation à résidence de M. C... à son domicile à Ambilly (Haute-Savoie) pour une durée de quarante-cinq jours, prévoit l'obligation, pour l'intéressé, de se présenter, chaque lundi, mercredi et samedi, entre 8 h et 10 h, au service de la police aux frontières d'Annemasse et lui interdit, sauf autorisation, de sortir du département de la Haute-Savoie, avant de préciser que " l'intéressé sera uniquement autorisé à quitter le périmètre de son lieu d'assignation le jour de la mise à exécution de sa mesure d'éloignement ", de telle sorte que le préfet de la Haute-Savoie doit être regardé comme lui ayant refusé toute autorisation de sortie du département de la Haute-Savoie. Alors que M. C... a justifié auprès du préfet, en produisant son certificat d'inscription, de sa scolarisation en cours en classe de terminale professionnelle au lycée Saint-Exupéry, situé à Valserhône, dans le département de l'Ain, ces modalités de contrôle, en tant qu'elles obligent M. C... à se présenter au service de la police aux frontières d'Annemasse dans le temps scolaire, le lundi et le mercredi entre 8 h et 10 h, et qu'elles lui interdisent toute sortie du département de la Haute-Savoie, apparaissent, dans les circonstances de l'espèce, au regard notamment de l'emploi du temps de M. C..., produit au dossier et de la circonstance qu'il était convoqué aux épreuves du baccalauréat en mai 2022, comme présentant un caractère disproportionné au regard des buts en vue desquelles ces mesures de surveillances ont été édictées. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que les modalités d'assignation à résidence qui lui ont été imposées, qui sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même, sont entachées d'erreur d'appréciation et à en obtenir, pour ce motif, l'annulation.

22. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des mesures de surveillance prévues dans la décision d'assignation à résidence du préfet de la Haute-Savoie du 30 mars 2022, en tant qu'elles l'obligent à se présenter trois fois par semaine au service de la police aux frontières d'Annemasse et qu'elles lui interdisent toute sortie du département de la Haute-Savoie.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. L'annulation ci-dessus prononcée, qui ne porte pas sur la décision d'assignation elle-même, mais sur les mesures de surveillance qu'elle prévoit, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La décision du 30 mars 2022 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a assigné M. C... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours est annulée, en tant qu'elle interdit à l'intéressé de sortir du département de la Haute-Savoie et qu'elle l'oblige à se présenter, trois fois par semaine, au service de la police aux frontières d'Annemasse entre 8 heures et 10 heures.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2023.

La présidente-rapporteure,

A. Courbon

L'assesseure la plus ancienne,

R. Caraës

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01135
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-11;22ly01135 ?
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