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11/05/2023 | FRANCE | N°21LY00374

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 11 mai 2023, 21LY00374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Argos Révision Conseil a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme d'un euro en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait des fautes commises par l'administration fiscale en ne notifiant pas l'ensemble des actes de procédure à chacun des débiteurs solidaires des impositions supplémentaires mises à sa charge.

Par un jugement n° 1807986 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et a mis à

sa charge une amende de 2 000 euros en application de l'article R. 741-12 du code...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Argos Révision Conseil a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme d'un euro en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait des fautes commises par l'administration fiscale en ne notifiant pas l'ensemble des actes de procédure à chacun des débiteurs solidaires des impositions supplémentaires mises à sa charge.

Par un jugement n° 1807986 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et a mis à sa charge une amende de 2 000 euros en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février 2021 et 13 avril 2022, la SARL Argos Révision Conseil, représentée par Me Brügger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé, les premiers juges ayant omis de se prononcer sur l'applicabilité de la doctrine et de la jurisprudence citées dans sa requête et sur le caractère non contradictoire des procédures ;

- l'administration a commis une faute en s'abstenant de notifier les actes de procédure autres que la notification de redressements aux deux redevables solidaires des impositions mises à sa charge, à savoir M. B... et elle-même, alors que cette obligation, qui permet d'assurer le respect du contradictoire, résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation et a été reprise dans la doctrine administrative ;

- cette faute lui a causé un préjudice moral, en l'obligeant à multiplier les procédures pour faire valoir ses droits ;

- l'amende pour recours abusif qui lui a été infligée par le tribunal administratif est injustifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Argos Révision Conseil, société de droit suisse dont M. A... B... est le gérant, a fait l'objet d'une procédure de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, puis d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle au titre des années 1997 à 1999 et lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 janvier 2001, impositions mises en recouvrement les 30 avril et 18 juin 2002. Par deux jugements du 28 novembre 2007 (nos 0302052 et 0304930), le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de la société tendant à la décharge de ces impositions. Par un arrêt du 30 novembre 2010 (nos 08LY01714 - 08LY01716), la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé ce jugement. Le pourvoi en cassation formé par la SARL Argos Révision Conseil contre l'arrêt de la cour a fait l'objet d'une décision de non admission en date du 23 juillet 2012.

2. Parallèlement, saisie en matière pénale, la cour d'appel de Chambéry, par un arrêt du 15 février 2006, confirmé par la Cour de cassation le 17 janvier 2007, a déclaré M. B... solidairement responsable, avec la SARL Argos Révision Conseil, des impositions mises à la charge de cette dernière, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, à concurrence de la somme de 144 182 euros au titre de l'impôt sur les sociétés afférent aux exercices 1998 et 1999 et de la somme de 34 227,54 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée relative à la même période.

3. Le 9 octobre 2008, la SARL Argos Révision Conseil a contesté à nouveau devant l'administration, en vain, les impositions qui lui ont été réclamées. Par deux jugements du 19 juillet 2011 (n° 0900215 et n° 0900216), le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge. Le 12 septembre 2014, la société a, une troisième fois, contesté ces impositions et sollicité l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'action de l'administration. Par deux ordonnances du 22 janvier 2015, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par deux arrêts du 27 septembre 2016 (nos 15LY00928 et 15LY00933), la cour administrative d'appel de Lyon a donné acte à la SARL Argos Révision Conseil du désistement de ses conclusions aux fins de décharge, a annulé ces ordonnances en tant qu'elles statuaient sur ses conclusions indemnitaires et rejeté ses demandes indemnitaires.

4. Le 24 septembre 2018, la SARL Argos Révision Conseil a présenté une nouvelle demande indemnitaire, implicitement rejetée par l'administration. Elle relève appel du jugement du 4 décembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme d'un euro en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de fautes commises par l'administration fiscale en ne notifiant pas l'ensemble des actes de procédure à chacun des débiteurs solidaires des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1998 et 1999 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 1999 et 2000, et, d'autre part, l'a condamnée au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

5. Le tribunal administratif de Grenoble, qui n'était pas tenu de se prononcer sur chacun des arguments développés par la SARL Argos Révision Conseil à l'appui du moyen tiré de la faute commise par l'administration à raison de l'absence de notification des actes de procédure au redevable solidaire des impositions, a répondu de manière suffisamment motivée à ce moyen aux points 4 à 6 du jugement contesté. Par suite, la SARL Argos Révision Conseil n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait irrégulier.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, M. B... a été déclaré solidairement responsable, avec la SARL Argos Révision Conseil, du paiement d'une partie des impositions mises à la charge de cette dernière, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, par un arrêt de la Cour de cassation du 17 février 2007. Aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun " principe de loyauté " n'impose à l'administration de notifier, à chacun des débiteurs solidaires, les actes de la procédure adressés à l'autre. Il s'ensuit qu'en s'abstenant de notifier à M. B... " l'ensemble des actes de la procédure autres que les notifications de redressements " adressés à la SARL Argos Révision Conseil, tout comme en s'abstenant de notifier à cette dernière les actes adressés à l'intéressé, l'administration n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat dont la société requérante pourrait se prévaloir devant le juge administratif.

7. La SARL Argos Révision Conseil ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des énonciations des paragraphes 20 et 160 de l'instruction référencée BOI-ENR-DG-50-10-20 du 27 février 2014 et du paragraphe 510 de l'instruction du même jour référencée BOI-CF-IOR-10-30 qui concernent les droits d'enregistrement.

8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Argos Révision Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur l'amende prévue à l'article R. 741-12 du code de justice administrative appliquée par le tribunal administratif :

9. En se fondant, pour infliger une amende de 2 000 euros à la SARL Argos Révision Conseil, sur l'objet de sa requête et les moyens qui y étaient développés, le tribunal administratif de Grenoble a, dans les circonstances particulières de l'espèce, fait une exacte application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais liés au litige exposés par la SARL Argos Révision Conseil et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Argos Révision Conseil est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Argos Révision Conseil et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2023.

La présidente-rapporteure,

A. Courbon

L'assesseure la plus ancienne,

R. Caraës

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00374


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00374
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BRUGGER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-11;21ly00374 ?
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