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04/05/2023 | FRANCE | N°23LY00620

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 04 mai 2023, 23LY00620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 27 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2207955 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme B... un

certificat de résidence d'une durée d'un an.

Procédure devant la cour :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 27 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2207955 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme B... un certificat de résidence d'une durée d'un an.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2023, la préfète du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207955 du 17 janvier 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... B... tendant à l'annulation des décisions du 27 septembre 2022 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixation à trente jours du délai de départ volontaire et fixation du pays de destination la concernant.

La préfète du Rhône soutient que :

* sa requête n'est pas tardive ;

* c'est à tort que le tribunal a estimé que les conditions de délivrance d'un titre de séjour en raison de l'état de santé étaient réunies, alors que l'existence d'un risque de conséquences d'une exceptionnelle gravité n'est pas établie et que les soins requis sont en tout état de cause disponibles en Algérie, pays vers lequel l'intéressée peut voyager sans risque médical.

L'affaire a été dispensée d'instruction par le président de chambre sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

* l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code de justice administrative.

Le président de chambre, président de la formation de jugement, a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

La préfète du Rhône a été régulièrement avertie du jour de l'audience, à laquelle elle n'était ni présente ni représentée.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 30 décembre 1996 et de nationalité algérienne, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 27 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions et a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme B... un certificat de résidence d'une durée d'un an. La préfète du Rhône en interjette appel.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

3. Aux termes des dispositions de procédure de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont applicables aux ressortissants algériens : " (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. Enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 5 janvier 2017 : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. / Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine ". S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des nombreux documents médicaux concordants produits par la requérante que, à la suite d'un accident sur la voie publique ayant en particulier affecté l'urètre, la requérante, qui a dû subir plusieurs interventions en 2014 et 2015, conserve l'obligation à vie de pratiquer des auto-sondages, cinq fois par jour, et a fait l'objet d'une fermeture de l'urètre et de la mise en place spéciale d'une reconstruction pour vidange vésicale par auto-sondage. Elle doit ainsi pratiquer les auto-sondages avec un matériel très spécialisé, adapté aux conséquences fonctionnelles des interventions chirurgicales qu'elle a subies. Elle précise, sans contestation, que le défaut de réalisation de ces auto-sondages est de nature à provoquer des infections urinaires répétées, pouvant aller jusqu'aux pyélonéphrites, des calculs vésicaux, urétéraux ou rénaux, un claquage de vessie par dilatation, une atteinte rénale pouvant aller jusqu'à l'insuffisance rénale aiguë, ou une incontinence urinaire par regorgement. Le médecin de l'agence régionale de santé a constaté, le 9 mai 2016, que le défaut de prise en charge adaptée de cette pathologie est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le tribunal administratif de Lyon a, par jugement du 3 janvier 2017, annulé un précédent refus de séjour du 9 juin 2016 et enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à l'intéressée. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a de nouveau constaté, dans un avis du 8 septembre 2018, que cette situation chronique nécessite une prise en charge dont le défaut est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le tribunal administratif de Lyon a, par jugement du 9 mars 2021, annulé un précédent refus de séjour du 2 avril 2020 et enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à l'intéressée. Il est vrai que la préfète du Rhône, dans le cadre de la présente instance, produit un nouvel avis du collège de médecins de l'OFII, du 19 septembre 2022, qui indique que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les pièces médicales produites par la requérante et non contestées confirment toutefois que, à la date de la décision de refus de séjour, elle demeure atteinte de la même pathologie. Dès lors, eu égard aux conséquences graves et immédiates que serait susceptible d'entraîner l'interruption de la prise en charge médicale qui lui est nécessaire, une telle interruption doit être regardée comme étant de nature, en l'espèce, à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

6. En second lieu, le collège de médecins de l'OFII ne s'est pas prononcé, dans son avis du 19 septembre 2022, sur la disponibilité de soins adaptés dans le pays d'origine de Mme B.... Celle-ci produit en revanche de nombreuses pièces émanant de diverses sources médicales algériennes et françaises, qui indiquent que le matériel spécifique nécessaire n'est pas disponible en Algérie. La préfète du Rhône a elle-même produit en première instance un échange de courriels en décembre 2022 avec la société qui commercialise le type très particulier de matériel d'auto-sondage requis. Il en résulte que ce matériel n'est pas commercialisé en Algérie. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un autre matériel équivalent, adapté à la situation particulière de la patiente, y serait accessible. Le traitement adapté nécessaire ne peut donc, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme y étant effectivement disponible.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Rhône n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions de refus de séjour et d'éloignement prises à l'encontre de Mme B... le 27 septembre 2022.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la préfète du Rhône est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B.... Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

Le rapporteur,

H. StillmunkesLe président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 2300620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00620
Date de la décision : 04/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-04;23ly00620 ?
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