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04/05/2023 | FRANCE | N°22LY01317

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 04 mai 2023, 22LY01317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement

à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2110327 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Robin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91647 du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6, 7) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire :

- elles sont illégales en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 611-3, 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bentéjac, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne, née le 16 avril 1968, est entrée en France le 30 novembre 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a sollicité, le 3 septembre 2019, un titre de séjour en raison de son état de santé et en qualité d'ascendante à charge d'un ressortissant français. Par un arrêté en date du 23 novembre 2021, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Mme B... relève appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

3. Pour prendre la décision contestée, le préfet s'est fondé notamment sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 18 décembre 2019, dont il s'est approprié les termes. Selon cet avis, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays, à destination duquel elle peut voyager sans risque. Mme B... fait valoir qu'elle est atteinte d'une dystrophie musculaire des ceintures qui a des conséquences particulièrement lourdes sur sa motricité la rendant dépendante pour la plupart de gestes de la vie quotidienne. Elle soutient qu'elle ne peut bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé en Algérie. Il ressort des pièces du dossier que la pathologie dont est atteinte la requérante ne peut faire l'objet d'un traitement curateur mais seulement d'une prise en charge pluridisciplinaire permettant de préserver une certaine autonomie, de prévenir et de soulager les douleurs. Mme B... indique d'ailleurs faire l'objet d'un contrôle régulier par imagerie par résonnance magnétique, avoir subi différents examens tels qu'un électromyogramme et une biopsie musculaire, devoir consulter un neurologue et suivre un programme de rééducation en balnéothérapie et en kinésithérapie à domicile. Ainsi, le seul certificat du Dr C... ne peut attester de l'indisponibilité de sa prise en charge en Algérie. De même, les circonstances selon lesquelles l'Algérie ne participerait pas au dispositif permettant le financement de la recherche mis en place par l'association française contre les myopathies ou ne développerait pas la thérapie génique ne peut attester de l'indisponibilité d'un traitement adapté à son état, Mme B... ne démontrant d'ailleurs pas être bénéficiaire de ces dispositifs. Enfin, si la requérante indique qu'elle ne pourra accéder de manière effective à une prise en charge en Algérie compte-tenu de son état de dépendance vis-à-vis de son fils qui l'assiste pour les actes de la vie quotidienne, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas du certificat médical produit, que la requérante, qui, au demeurant, a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans en Algérie, ne pourrait bénéficier d'une assistance qu'auprès des membres de sa famille résidant en France. Par suite, le refus de titre de séjour opposé à Mme B... n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge. ".

5. Il ressort des pièces du dossier ainsi que l'a relevé la décision attaquée que Mme B... est entrée en France en novembre 2017 et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire sans effectuer de démarches en vue de sa régularisation. La condition tenant à la régularité de son séjour n'est donc pas remplie. En outre, si la requérante indique être à la charge de son fils de nationalité française depuis 2015, elle n'établit pas de quelconques versements correspondant à une aide financière de la part de ce dernier alors qu'elle a vécu en Algérie depuis son divorce en 2003 sans l'aide de ce dernier.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est née en février 1968 et qu'elle est de nationalité algérienne. Elle est entrée en France sous couvert d'un visa court séjour en novembre 2017. Si elle fait valoir qu'à la suite de son divorce, elle a été séparée de son fils qui est parti vivre en France et que celui-ci revêt, depuis, une place importante dans sa vie au regard notamment de son assistance pour les actes de la vie quotidienne, il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France à l'âge de quarante-neuf ans et a vécu en Algérie jusqu'à cette date sans qu'il ne soit établi qu'elle ait bénéficié d'une prise en charge financière par son fils lorsqu'elle vivait en Algérie. En outre, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ou y résident son autre fils ainsi que son beau-frère qui lui a notamment apporté de l'aide durant quelques années. Enfin, elle n'établit pas être particulièrement intégrée en France depuis son arrivée et alors qu'elle n'a sollicité la régularisation de sa situation administrative que deux années plus tard. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme B..., le préfet n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que cette décision poursuivait. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 doit, en conséquence, être écarté. Il en va de même, pour le même motif, du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.(...) ". Ainsi qu'il a été dit précédemment, la requérante ne justifie pas ne pas pouvoir bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Elle n'est ainsi pas fondée à invoquer les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En troisième lieu, en l'absence de tout autre argument, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée ces décisions doivent être écartés pour les motifs qui ont été exposés sur la situation personnelle de la requérante.

11. Enfin, eu égard à ce qui a été dit sur l'état de santé de Mme B..., le moyen fondé sur une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tiré du risque vital découlant de l'absence de traitement approprié de sa pathologie dans son pays d'origine ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

12. Il résulte de ce qui a été dit que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

13. Ainsi qu'il a été dit, les soins nécessités par l'état de santé de la requérante sont susceptibles de lui être prodigués de façon adaptée dans son pays d'origine. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en retenant l'Algérie comme pays de destination, le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Bentéjac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

La rapporteure,

C. Bentéjac

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01317


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Caroline BENTEJAC
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 04/05/2023
Date de l'import : 14/05/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 22LY01317
Numéro NOR : CETATEXT000047540865 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-04;22ly01317 ?
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