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27/04/2023 | FRANCE | N°21LY03316

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 27 avril 2023, 21LY03316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... K... veuve D..., Mme G... D... épouse L..., Mme F... D... épouse Baron, M. I... K..., M. A... K..., Mme P... K..., M. O... K..., Mme N... K... épouse H..., M. J... D... et Mme B... M... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Le Breuil à verser la somme de 40 000 euros à, respectivement, Mme E... K... veuve D..., M. J... D... et Mme B... M... épouse D..., la somme de 30 000 euros à, respectivement, Mme G... D... épouse L... et Mme F... D... épouse Baron

, et enfin la somme de 15 000 euros à, respectivement, M. I... K..., M. A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... K... veuve D..., Mme G... D... épouse L..., Mme F... D... épouse Baron, M. I... K..., M. A... K..., Mme P... K..., M. O... K..., Mme N... K... épouse H..., M. J... D... et Mme B... M... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Le Breuil à verser la somme de 40 000 euros à, respectivement, Mme E... K... veuve D..., M. J... D... et Mme B... M... épouse D..., la somme de 30 000 euros à, respectivement, Mme G... D... épouse L... et Mme F... D... épouse Baron, et enfin la somme de 15 000 euros à, respectivement, M. I... K..., M. A... K..., Mme P... K..., M. O... K... et Mme N... K... épouse H..., en réparation de leur préjudice d'affection causé par l'accident mortel dont ont été victimes M. C... D..., Mme E... K... son épouse et leurs trois enfants le 4 décembre 2011, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande, avec capitalisation à chaque échéance annuelle.

Par jugement n° 2005227 du 15 septembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2021, Mme E... K... et autres, représentés par le cabinet Clapot-Lettat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 septembre 2021 ;

2°) de condamner la commune de Le Breuil à verser la somme de 40 000 euros à, respectivement, Mme E... K... veuve D... ainsi qu'à M. J... D... et Mme B... D..., père et mère de M. C... D..., la somme de 30 000 euros à, respectivement, Mme G... D... et Mme F... D..., sœurs de M. C... D..., et la somme de 15 000 euros à, respectivement, M. I... K..., M. A... K..., Mme P... K..., M. O... K... et Mme N... K..., beaux-frères et belles-sœurs de M. C... D..., y compris les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Le Breuil la somme de 800 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la commune de Le Breuil doit être engagée faute pour le maire d'avoir, en usant des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 1° du code général des collectivités territoriales, doté le passage à niveau n° 65 d'un éclairage public suffisant et effectué des diligences pour signaler le danger du passage et en limiter l'accès à une catégorie d'usager, et signalé, avant franchissement de ce passage à niveau, l'impossibilité de circuler ensuite sur le chemin communal du fait de l'existence d'une voie sans issue, où le demi-tour est malaisé ;

- ils sont fondés, du fait de leur lien de parenté respectif, à demander la réparation du préjudice d'affection subi à raison du décès brutal de leur parent, M. C... D....

Par mémoire enregistré le 17 décembre 2021, la commune de Le Breuil, représentée par Me Robbe, conclut au rejet de la requête et à ce que les requérants lui versent la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- toutes les demandes indemnitaires sont atteintes par la prescription ; les dommages dont se prévalent les requérants sont intervenus le 4 décembre 2011, soit plus de neuf ans avant le recours indemnitaire adressé à la commune le 28 juillet 2020 ; la commune est restée étrangère aux procédures pénales et civiles intentées par les proches de M. D... ;

- aucune faute dans l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police ne peut être retenue dès lors que la présence du passage à niveau et la dangerosité du croisement étaient suffisamment signalées ; le comportement dangereux du conducteur, qui s'est engagé en marche arrière sur la voie, est la seule cause directement à l'origine de l'accident, aucun lien de causalité n'est établi entre l'absence de signalisation de l'impasse et l'accident.

La clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023, par une ordonnance du même jour en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la route ;

- l'arrêté du 18 mars 1991 relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement des passages à niveau ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Laareg pour Mme E... K... et autres et celles de Me Goirand pour la commune de Le Breuil.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 décembre 2011, M. C... D..., son épouse et leurs trois enfants circulaient à bord de leur véhicule lorsque celui-ci, engagé sur le passage à niveau n° 65, situé au lieu-dit la Grande Borne dans la commune de Le Breuil (Rhône), sur un chemin rural sans issue, a été percuté, à 17h18, par un train express régional reliant Lyon-Vaise à Paray-le-Monial. M. D... et ses trois enfants ont été tués lors de cette collision et Mme E... K..., son épouse, a été grièvement blessée. Mme K..., veuve de M. C... D..., les parents de ce dernier ainsi que ses sœurs, ses beaux-frères et belles-sœurs ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Le Breuil à leur verser la somme totale de 255 000 euros en réparation des fautes commises par son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police. Ils relèvent appel du jugement du 15 septembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

2. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage (...) ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules (...) ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 422-3 du code de la route : " I. Lorsqu'une voie ferrée est établie sur une route ou la traverse à niveau, la priorité de passage appartient aux matériels circulant normalement sur cette voie ferrée, à l'exception des véhicules de transport public assujettis à suivre, de façon permanente, une trajectoire déterminée par un ou des rails matériels et empruntant l'assiette des routes dont les conducteurs doivent respecter les signalisations comportant des prescriptions absolues et les indications données par les agents réglant la circulation. / II. (...) Lorsqu'un passage à niveau n'est muni ni de barrières, ni de demi-barrières, ni de signal lumineux, aucun usager ne doit s'y engager sans s'être assuré qu'aucun train n'approche. (...) / III. Tout conducteur doit, à l'approche d'un train, dégager immédiatement la voie ferrée de manière à lui livrer passage (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 18 mars 1991 relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement des passages à niveau, dans sa version alors applicable : " Les passages à niveau sont classés individuellement, par arrêté préfectoral, dans l'une des quatre catégories suivantes : (...) peuvent être classés en 2e catégorie les passages à niveau publics ouverts à la circulation de l'ensemble des usagers de la route répondant aux conditions énoncées aux articles 18 et 19 du présent arrêté. Ces passages à niveau sont dépourvus de barrières et ne peuvent être implantés que sur des lignes où la vitesse maximale des trains n'est pas supérieure à 140 km/h (...) ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " Les passages à niveau des 1re et 2e catégories sont équipés d'une signalisation routière, avancée et de position, conforme aux dispositions de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière. ". Aux termes de l'article 17 de ce même arrêté, relatif aux passages à niveau de 2ème catégorie : " A l'exception des cas particuliers mentionnés à l'article 20 ci-après, ces passages à niveau sont franchis sous l'entière responsabilité des usagers de la route, sans surveillance spéciale par un agent du chemin de fer. Leur équipement se compose au minimum de deux panneaux de type G 1, dits " croix de Saint-André ", implantés à droite de la chaussée, de part et d'autre des voies ferrées, éventuellement complétés par des signaux d'obligation d'arrêt Stop. "

4. Il résulte de l'instruction que le passage à niveau où s'est produit l'accident impliquant M. D... et sa famille, qui, classé en deuxième catégorie au sens de l'arrêté du 18 mars 1991 précité, n'était pas doté de barrières, était signalé, en arrivant de la voie communale n° 401, délaissé de voierie reliant la route départementale 385 et la route départementale 19 et longeant la voie ferrée, par des panneaux dits " croix de Saint-André " et " Stop " de part et d'autre du passage, comme les dispositions précitées l'imposent. En outre, l'approche de ce passage à niveau était signalée sur la voie communale n° 401, d'une part, par un panneau avertissant de l'existence d'un danger résultant d'un passage à niveau sans barrières, d'autre part, par un panonceau " Stop 50 m " et une balise à un chevron rouge, enfin, par une balise portant trois chevrons rouges à 150 mètres de l'intersection. Il résulte enfin de l'instruction que ce passage à niveau est implanté à l'extérieur de l'agglomération, à l'intersection d'un chemin rural desservant uniquement un poste de Gaz réseau distribution de France (GRDF), non revêtu après ce poste et se terminant par un chemin privé, clos par un portail, conduisant à un jardin potager et à une station d'épuration privée, ne desservant aucune zone habitée et aucune autre voie, et que l'unique accès à ce chemin rural est constitué par la voie communale n° 401 qui est réservée, depuis la route départementale 385, aux seuls riverains. L'enquête pénale n'a pas permis de déterminer les circonstances qui ont pu conduire M. K... à quitter la route départementale 19, dont il est vraisemblable qu'il provenait, et à s'écarter de son itinéraire pour s'engager dans la voie communale n° 401 puis enfin emprunter le chemin rural traversé par ce passage à niveau. Dans de telles conditions, et compte tenu notamment de la très faible fréquentation de ce passage à niveau qui n'avait vocation à être emprunté, eu égard à la zone desservie, que par les propriétaires riverains et les services de GRDF, le maire de la commune de Le Breuil, en n'apposant pas une signalisation supplémentaire indiquant le danger, en ne restreignant pas la circulation à certains usagers et en ne dotant pas ce passage d'un éclairage public, dont il n'est au demeurant pas établi que la présence aurait permis d'éviter l'accident, n'a commis aucune faute dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police. Pour les mêmes motifs, la circonstance qu'aucun panneau signalant que le chemin rural était sans issue n'a été apposé en amont du passage à niveau n'est pas de nature à révéler l'existence d'une carence fautive du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, alors, en tout état de cause, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle signalisation aurait été de nature à dissuader M. C... D... de franchir le passage à niveau.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande, Mme K... et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée au titre des frais du litige par la commune de Le Breuil.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... K... veuve D... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Le Breuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... K... veuve D..., première requérante dénommée, et à la commune de Le Breuil.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La rapporteure,

Ch. Psilakis

La présidente,

A. Evrard

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY03316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03316
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCP AXIOJURIS -MES DESILETS - ROBBE - ROQUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-27;21ly03316 ?
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