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27/04/2023 | FRANCE | N°21LY03240

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 avril 2023, 21LY03240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL DV Services, venant aux droits de la société Cine Courchevel, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2015, des intérêts de retard et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°

1806884 du 2 août 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL DV Services, venant aux droits de la société Cine Courchevel, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2015, des intérêts de retard et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1806884 du 2 août 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2021, la SARL DV Services, représentée par Me Palomares, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, le vérificateur n'a pas pris en compte l'intégralité du chiffre d'affaires porté sur les déclarations mais en a soustrait une partie au titre d'une prétendue régularisation de l'exercice antérieur au premier exercice vérifié ; aucune des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ne porte mention d'une telle régularisation ; le vérificateur a commis une erreur de report au titre de la taxe sur la valeur ajoutée de 19,60% sur la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2015 ;

- en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, l'inscription des provisions était justifiée par le risque d'impayé des créances détenues sur les sociétés Owens, Apopka et Tahoe.

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête qui ne développe aucun moyen s'agissant des rehaussements relatifs au profit sur le Trésor, les intérêts sur le compte courant d'associé non facturés et non comptabilisés, les charges comptabilisées non justifiées, les avantages en nature non comptabilisés, est irrecevable concernant ces chefs de rehaussement ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL DV Services, qui a absorbé le 8 février 2016, la SARL Cine Courchevel, laquelle avait pour activité la vente de matériel électro-ménager et la vente assortie de l'installation d'ensembles de systèmes domotiques et de sonorisation à Saint-Bon-Tarentaise (Savoie), a fait l'objet, en 2016, d'une vérification de comptabilité portant en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période correspondante, à l'issue de laquelle l'administration a notamment, d'une part, rappelé la taxe sur la valeur ajoutée collectée nette omise, d'un montant de 46 655 euros, correspondant à la discordance constatée entre la taxe sur la valeur ajoutée déclarée au titre de la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2015 et les factures enregistrées en comptabilité et, d'autre part, remis en cause les provisions pour créances douteuses comptabilisées au titre de l'exercice clos en 2015. Par un jugement du 2 août 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des impositions à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés résultant du contrôle. La SARL DV Services relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté sa demande de décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée résultant du rappel de taxe collectée évoqué ci-dessus et du complément d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration des provisions dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2015.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 269 de ce même code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...) 2. La taxe est exigible : a) a) Pour les livraisons mentionnées aux a et a ter du 1, lors de la réalisation du fait générateur. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration a relevé que le compte de taxe sur la valeur ajoutée n'était pas soldé à la clôture des périodes vérifiées dès lors qu'il présentait un report du solde à nouveau et que les chiffres d'affaires facturés et les chiffres d'affaires portés sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée présentaient des discordances. Les discordances relevées sur les périodes du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 et du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 ayant été régularisées respectivement sur les périodes du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 et du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2015, l'administration n'a procédé à une rectification en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée que pour la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2015. Pour cette période, le service a constaté que la société avait réalisé un chiffre d'affaires à 19,60% de - 10 157,57 euros et un chiffre d'affaires à 20% de 993 246,84 euros alors qu'elle avait déclaré un chiffre d'affaires à 20% de 530 063 euros et, pour tenir compte de la régularisation issue de l'exercice clos en 2014, a établi le montant du chiffre d'affaires déclaré à 19,60% à 3 021 euros et celui déclaré à 20% à 759 972 euros. Il en est résulté un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 44 072 euros.

4. Si la SARL DV Services soutient que l'administration ne pouvait tenir compte de déclarations de régularisations qu'elle n'avait pas déposées, les discordances constatées sur les exercices clos en 2013 et 2014 entre les montants déclarés et les montants facturés ont été corroborées par les tableaux de contrôle de taxe sur la valeur ajoutée établis par la société qui ont été transmis au vérificateur lors des opérations de contrôle. Par suite, l'administration a pu se fonder sur les déclarations de la SARL DV Services pour régulariser les chiffres d'affaires déclarés par la société.

5. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a reporté au titre de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,60% dans la ligne " régularisation N-1 " un excédent d'un montant de 3 021 euros correspondant non à la discordance en base constatée au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 d'un montant de 15 416,85 euros mais à la discordance constatée après application du taux de 19,60%, soit la somme de 3 021 euros. Si la SARL DV Services soutient que le service a commis une erreur de report au titre de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,60% sur la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2015, elle n'établit pas la portée de cette erreur sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée alors que l'administration s'est appuyée sur les déclarations de la société pour déterminer le montant des rappels en litige.

Sur les provisions pour créances douteuses :

6. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

7. Il appartient aux entreprises d'apporter la preuve que les provisions qu'elles entendent déduire de leur résultat fiscal respectent les conditions de l'article 39 du code général des impôts.

8. Au bilan de l'exercice clos en 2015, la SARL Cine Courchevel a porté en provision pour créances douteuses un montant de 491 339,33 euros correspondant à des créances détenues sur la SCI Tahoe, la SCI Apopka et la SCI Owens que l'administration a remis en cause.

9. La SARL DV Services soutient que les provisions constituées au titre de l'exercice clos en 2015 à hauteur de la valeur totale des créances détenues sur les SCI Tahoe, Apopka et Owens étaient justifiées par le fait que l'associé commun à ces trois sociétés était connu à Courchevel pour ne pas honorer les factures des entreprises qu'il fait travailler. Toutefois, l'administration a relevé dans la proposition de rectification qu'à la date de la clôture de l'exercice, la SARL DV Services n'avait fait aucune diligence pour le règlement des factures et que les courriers du 14 mars 2016 étaient postérieurs à l'engagement du contrôle. La SARL DV Services n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère douteux de ses créances en produisant des articles de presse du 26 juillet 2016, du 18 juin 2018 et du 7 et 8 mai 2021 se bornant à faire état de l'arrêt, en 2015, d'un chantier de construction d'un chalet de luxe à Courchevel 1850 à la suite d'un contentieux opposant l'associé des SCI Tahoe, Apopka et Owens et promoteur du chalet aux entreprises en charge du chantier ou un mail du 17 mars 2016 par lequel le gérant de la SARL DV Services a indiqué à la directrice de l'exploitation du chalet Owens qu'il n'avait pas obtenu le règlement des factures en instance. De même, les protocoles d'accord transactionnel de juin 2017 entre la SARL DV Services et les SCI Owens, la SARL Le Denali, La SARL Luxury 1850, la SARL L'immobilière investissement, la SCI Apopka aux termes desquels la SARL DV Services renonce à réclamer une quelconque somme aux sociétés clientes en contrepartie du renoncement des sociétés à toute réclamation, demande et action après règlement des sommes de 32 188 euros, 17 408 euros et 127 170 euros ont été conclus postérieurement à la date de clôture de l'exercice en 2015. A défaut de tout autre élément et en l'absence de diligences accomplies par la société avant la clôture de l'exercice, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les pertes alléguées n'étaient pas probables à la date de la clôture de l'exercice 2015.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SARL DV Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL DV Services est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL DV Services et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03240
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PALOMARES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-27;21ly03240 ?
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