La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2023 | FRANCE | N°21LY02300

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 avril 2023, 21LY02300


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Financière Lavigne a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de rétablir le déficit reportable de son exercice clos le 31 décembre 2011 au montant déclaré.

Par un jugement n° 1900707 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2021, la société Financière Lavigne, représentée par Me Cordeiro, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;<

br>
2°) de rétablir le déficit reportable de l'exercice clos en 2011 à 1 887 166 euros ;

3°) de mettre à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Financière Lavigne a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de rétablir le déficit reportable de son exercice clos le 31 décembre 2011 au montant déclaré.

Par un jugement n° 1900707 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2021, la société Financière Lavigne, représentée par Me Cordeiro, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rétablir le déficit reportable de l'exercice clos en 2011 à 1 887 166 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que le prix de 3 200 000 euros auquel la SCCV de Branville a acquis un ensemble de terrains le 5 juillet 2007 était excessif ni que cette acquisition aurait, en conséquence, revêtu le caractère d'un acte anormal de gestion ; la provision effectuée par la SCCV de Branville au titre de la dépréciation des terrains en cause a ainsi été opérée régulièrement au regard du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ;

- l'administration s'est immiscée à tort dans la gestion de la SCCV de Branville ;

- contrairement à ce qu'a retenu l'administration à titre subsidiaire, la dépréciation des terrains pouvait être constatée au 31 décembre 2010, date à laquelle il a été acquis que les terrains n'étaient plus constructibles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Financière Lavigne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCCV de Branville, dont la société Financière Lavigne détenait 25,73 % des parts, et qui possédait, à Branville et à Danestal (Calvados), des terrains destinés à supporter des constructions acquis en 2007 auprès de la SCCV les Hauts de Branville au prix de 3 200 000 euros, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2011 à 2013 à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déduction d'une provision pour dépréciation de 2 323 888 euros comptabilisée à partir de l'année 2010 au motif que ces terrains avaient acquis pour un prix supérieur à leur valeur vénale. En conséquence de la réintégration de cette provision dans le résultat imposable de la SCCV de Branville de l'année 2011, dernier exercice non prescrit, laquelle a eu pour effet de rendre bénéficiaire le résultat déclaré au titre de cet exercice, l'administration a substitué au déficit de 762 euros déclaré par la société Financière Lavigne un bénéfice de 597 174 euros correspondant à ses droits dans la SCCV de Branville. La société Financière Lavigne relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujetti de ce fait et, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, au rétablissement du déficit reportable initialement déclaré au titre de l'exercice clos en 2011.

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 39 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée notamment à la condition que les pertes ou charges tenues pour probables se rattachent à des opérations relevant d'une gestion financière et commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

3. Le prix de revient d'un élément d'actif n'est opposable à l'administration, en particulier pour la constitution d'une provision pour dépréciation, que dans la mesure où la décision d'acquérir cet élément d'actif, lorsqu'elle a été prise, ainsi que le prix alors consenti au vendeur, peuvent être regardés comme se rattachant à une gestion commerciale normale. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise qu'il doit être apprécié si des charges assumées par une société en vue d'assurer certains avantages à d'autres sociétés correspondent à des actes de gestion commerciale anormale. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette opération constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que la société qui a consenti cet avantage n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

4. L'inscription au bilan d'une société du prix de revient d'un élément d'actif acquis à titre onéreux, étant par elle-même sans influence sur les résultats de l'exercice au cours duquel elle a été faite, ne constitue pas une décision de gestion dont le caractère définitif s'opposerait, lorsque cet exercice se trouve prescrit en vertu de l'article 1966 du code général des impôts, à ce que l'administration puisse ultérieurement, pour la détermination des résultats d'un exercice non prescrit au bilan duquel cette inscription figure encore, remettre en cause la validité de l'opération initiale.

5. Il résulte de l'instruction que, le 5 juillet 2007, la SCCV de Branville a acquis un ensemble de terrains, situés sur les territoires des communes de Branville et de Danestal, au prix de 3 200 000 euros HT auprès de la SCCV les Hauts de Branville, cette dernière les ayant elle-même acquis le 13 octobre 2005 pour un prix de 1 375 000 euros. Pour établir le caractère excessif du prix payé par la SCCV de Branville à la SCCV les Hauts de Branville des terrains dont il s'agit, l'administration, à laquelle incombe, en l'espèce, la charge de la preuve de l'existence d'un supplément de prix constitutif d'un acte anormal de gestion, relève que le prix de ces terrains, non aménagés et s'inscrivant dans un ensemble agricole et rural à plus de huit kilomètres de la mer, a été majoré de près de 133 % sur un laps de temps de vingt mois sans modification de leur consistance ni des règles d'urbanisme applicables, que, s'agissant des terrains situés à Branville, un permis de construire une résidence de tourisme comprenant 168 logements avait été délivré dès le 19 mars 2005, soit avant même l'acquisition des terrains par la SCCV les Hauts de Branville, que la société avait été alertée par le maire de Branville sur les risques liés au caractère argileux et à la forte pente de ces terrains, que la délivrance par le maire de Danestal, en mars 2017, d'un permis de construire un bâtiment d'accueil est insuffisante pour justifier l'écart de prix constaté et, enfin, qu'au vu d'un rapport d'expertise du 17 décembre 2008, évaluant à 1 060 000 euros le prix de ces terrains à cette date et en tenant compte d'une baisse de 10 % du prix résultant l'impact de la crise économique survenue en 2008 telle qu'évaluée par l'expert, la valeur vénale de ces biens pouvait être estimée, lors de leur acquisition en juillet 2007, à 1 166 000 euros. En outre, l'administration a relevé que la cession à un prix excessif était intervenue dans un contexte marqué par l'étroite communauté d'intérêts liant la SCCV les Hauts de Branville, détenue en totalité par la SA les maisons de Biarritz dirigée par M. A..., à la SCCV de Branville, alors majoritairement détenue par la SCI Louseau en Luberon, dont le gérant était également M. A..., et elle-même détenue à hauteur de 90 % par SA les maisons de Biarritz.

6. La société Financière Lavigne ne saurait s'appuyer, de manière pertinente, pour contester les éléments sur lesquels s'est fondé le service, sur la circonstance qu'un permis de construire un bâtiment annexe à la résidence de tourisme, destiné à des locaux d'accueil, a été accordé par le maire de Danestal entre l'acquisition des terrains par la SCCV les Hauts de Branville le 13 octobre 2005 et leur revente le 5 juillet 2007, alors qu'il est constant que les règles d'urbanisme applicables à ces terrains n'ont pas été modifiées au cours de cette période et qu'une telle autorisation d'urbanisme était déjà susceptible d'être délivrée en 2005. De même, si la société requérante fait valoir que le prix d'acquisition des terrains par la SCCV de Branville était justifié par le fait que le programme immobilier projeté était susceptible d'engendrer un résultat bénéficiaire de 5 514 722 euros, l'état prévisionnel sommaire qu'elle produit, qui est non daté, ne permet pas, à lui seul, de corroborer cette allégation et ne contient, en dehors de l'autorisation de construire le bâtiment d'accueil évoqué ci-dessus, aucun élément survenu durant la période au cours de laquelle les terrains ont appartenu à la SCCV les Hauts de Branville. Enfin, si la société reproche à l'administration ne de pas produire de termes de comparaison tirés de transactions portant sur des terrains à bâtir dotés de permis de construire et situés dans une zone géographique appropriée, le ministre, qui relève au demeurant qu'il n'existait pas de surface comparable de terrains agricoles destinés à une urbanisation touristique, apporte néanmoins des éléments d'appréciation suffisants tirés à la fois du prix de vente de ces mêmes terrains intervenu moins de deux ans auparavant et de l'expertise du 17 décembre 2008 qui fait état d'une étude du marché des terrains à bâtir à proximité des communes de Branville et Danestal et relève, qu'à cette date, la valeur d'achat de tels terrains à bâtir, d'une grande superficie, ne dépasse pas 10 à 15 euros par mètre carré et qu'une baisse des prix de l'ordre de 5 % à 10 % est survenue au cours de l'année 2008 en raison de la crise économique. Enfin, alors même que les associés minoritaires de la SCCV de Branville, dont fait partie la société Financière Lavigne, seraient dépourvus de lien avec la SA les maisons de Biarritz et M. A..., cette circonstance n'est pas de nature à dénier la communauté d'intérêts alors entretenue entre la SCCV les Hauts de Branville et la SCCV de Branville établie par l'administration. Dans ces conditions, dès lors qu'aucune circonstance ne justifie que le prix payé le 5 juillet 2007 par la SCCV de Branville, qui ne fait état d'aucune contrepartie, représente plus du double de la valeur des terrains en cause, l'administration, qui ne s'est pas immiscée dans la gestion de cette société, doit être regardée comme apportant la preuve que la cession a été consentie par la SCCV de Branville dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale et que les conséquences de cette opération ne peuvent, dès lors, pas être prises en compte pour la détermination de ses résultats imposables. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre motif retenu à titre subsidiaire, l'administration était fondée à réintégrer dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2011 de la SCCV de Branville la provision pour dépréciation qu'elle avait constituée à hauteur de 2 323 888 euros et, en conséquence, à rehausser la quote-part du bénéfice revenant à la société Financière Lavigne, associée à 25,73 % du capital de la SCCV de Branville.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Financière Lavigne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Financière Lavigne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Financière Lavigne et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02300
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SELARL CABINET CESIS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-27;21ly02300 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award