Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le président du comité de direction de l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme l'a suspendu de ses fonctions, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux formé à l'encontre de cette décision ; 2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le président du comité de direction de l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois effective à compter du 8 novembre 2017 ; 3°) d'ordonner la reconstitution de sa rémunération et de lui verser, à ce titre, la somme de 76 340 euros net ; 4°) de condamner l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme à l'indemniser d'un montant total de 208 895,60 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis, ainsi que de la somme de 50 euros par jour à compter du 7 juillet 2017 et jusqu'à la date du jugement à intervenir, dans un délai de huit jours à compter de la notification de ce dernier, et à défaut d'exécution, au paiement d'une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1706744 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 6 novembre 2017 portant exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois prononcée à l'encontre de M. A..., a mis à la charge de l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A... et les conclusions présentées par l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, M. A..., représenté par l'AARPI Quere et Levet Avocats, agissant par Me Levet-Terzioglu, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 décembre 2020 en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté de suspension du 7 juillet 2017 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'ordonner la reconstitution de sa rémunération et de lui verser, à ce titre, la somme de 76 340 euros net ;
4°) de condamner l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme à l'indemniser d'un montant total de 132 010 euros au titre des préjudices financiers, de réputation et de carrière qu'il estime avoir subis, ainsi que de la somme de 50 euros par jour à compter du 7 juillet 2017 au titre du préjudice moral, jusqu'à l'arrêt à intervenir et, dans un délai de huit jours à compter de la notification de ce dernier, et à défaut d'exécution, au paiement d'une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 7 juillet 2017 portant suspension de fonctions est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'incompétence de son signataire ;
- en l'absence de tout texte autorisant ou régissant la suspension des agents contractuels de la fonction publique territoriale, celle-ci ne peut être décidée, par analogie avec les nouveaux régimes de la fonction publique d'Etat et hospitalière, que sous réserve du maintien de la rémunération et des prestations familiales obligatoires ;
- la décision du 7 juillet 2017 portant exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois est entachée d'incompétence de son signataire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas eu accès à la consultation de son dossier individuel et n'a pas pu préparer sa défense ;
- le défaut de consultation de la commission consultative paritaire siégeant en la forme de conseil de discipline entache d'illégalité la sanction en litige ;
- l'enquête disciplinaire a été exclusivement menée à charge ; aucun des faits qui lui sont reprochés n'est matériellement justifié ;
- la sanction est entachée de détournement de pouvoir et de procédure ;
- les décisions du 7 juillet 2017 et 6 novembre 2017 étant illégales, il a droit au versement et à la reconstitution de sa rémunération ; les préjudices subis sont en lien avec les fautes commises ;
- il a droit au versement de la somme de 76 340 euros à ce titre, outre une somme de 10 410 euros au titre de l'indemnité de licenciement dont il aurait pu bénéficier ; il a droit au versement d'une somme de 10 560 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés annuels ; il a droit au versement d'une somme de 111 040 euros au titre du préjudice de réputation et de carrière ; il a subi un préjudice moral qui peut être réparé par l'allocation d'une indemnité de 50 euros par jour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2021, l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme, représenté par la Selarl Itinéraires avocats Cadoz-Lacroix-Rey-Verne, agissant par Me Verne, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens ne sont pas fondés ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables pour défaut de liaison du contentieux ;
- les vices de légalité externe dont sont entachées les décisions en litige ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnisation au requérant ;
- les chefs de préjudices invoqués ne peuvent donner lieu à indemnisation.
Par ordonnance du 22 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mai 2022.
L'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme a produit un mémoire, enregistré le 27 mars 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Verne pour L'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme.
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme, enregistrée le 28 mars 2023 ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par l'EPIC Les Contamines-Monjoie Tourisme, en qualité d'agent non titulaire, par un contrat signé le 1er mai 2015 pour une durée de trois ans, afin d'exercer les fonctions de directeur général de cet établissement. Par un arrêté du 7 juillet 2017 et dans l'attente d'une procédure disciplinaire en raison de fautes graves que lui imputait l'EPIC Les Contamines-Monjoie Tourisme, M. A... a fait l'objet d'une suspension de ses fonctions et de sa rémunération pour une durée de quatre mois à compter de cette date. Le 28 août 2017, le requérant a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision, dont le silence gardé par l'EPIC Les Contamines-Monjoie Tourisme a fait naître une décision implicite de rejet. Par un arrêté du 6 novembre 2017, le président de l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme a prononcé à l'encontre de l'intéressé une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois à compter du 8 novembre 2017. Le 29 novembre 2017, M. A... a adressé une demande d'indemnisation des préjudices qu'il estimait avoir subis auprès de l'EPIC, laquelle a été implicitement rejetée. M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté de suspension du 7 juillet 2017 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'annuler la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, d'ordonner la reconstitution de sa rémunération, de condamner l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme à l'indemniser d'un montant total de 208 895,60 euros au titre des préjudices financiers, de réputation et de carrière qu'il prétend avoir subis, ainsi que de la somme de 50 euros par jour à compter du 7 juillet 2017 au titre du préjudice moral. Par un jugement n° 1706744 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 6 novembre 2017 portant exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois prononcée à l'encontre de M. A..., au motif qu'il a été privé d'une garantie essentielle pour organiser sa défense, a mis à la charge de l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A... et les conclusions présentées par l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision du 7 juillet 2017 portant suspension de fonctions :
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel son moyen tiré de ce que la décision portant suspension de ses fonctions aurait été prise par une autorité incompétente. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, la mesure de suspension est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire. Dès lors, elle n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées par application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline (...) ". Si ces dispositions ne sont pas applicables aux agents contractuels en application du II de l'article 32 de cette même loi, celui-ci n'a pas pour effet de priver l'autorité compétente de la possibilité, ouverte même sans texte, d'écarter provisoirement de son emploi un agent contractuel qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l'objet d'une procédure disciplinaire, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige. Si, au terme de la période de suspension, cet agent a droit, dès lors qu'aucune sanction pénale ou disciplinaire n'a été prononcée à son encontre, au paiement de sa rémunération pour la période correspondant à la durée de la suspension, en l'espèce, M. A... a fait l'objet d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois et n'est, dans ces conditions, pas fondé à revendiquer un droit au maintien de sa rémunération.
5. En quatrième lieu, la suspension est une mesure conservatoire, sans caractère disciplinaire, qui a pour objet d'écarter l'intéressé du service pendant la durée nécessaire à l'administration pour tirer les conséquences de ce dont il est fait grief à l'agent dès lors que ces griefs présentent à la date de la suspension le caractère de gravité et de vraisemblance. Si M. A... soutient qu'une telle mesure aurait été prise par pure opportunité, ce moyen ne peut qu'être écarté compte tenu de la vraisemblance et de la gravité des faits justifiant, à la date à laquelle elle a été prise, la mesure de suspension en litige.
En ce qui concerne les conséquences de l'annulation de la décision du 6 novembre 2017 :
6. Par le jugement contesté, le tribunal administratif de Grenoble a accueilli les conclusions de M. A... à fin d'annulation la décision du 7 juillet 2017 portant exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois. D'une part, M. A... n'a pas intérêt pour faire appel du jugement dans la mesure de l'annulation prononcée. D'autre part, le requérant, en l'absence de service fait, ne peut prétendre au rappel de sa rémunération. Les conclusions présentées à ce titre ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
7. D'une part, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.
8. D'autre part, pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration.
9. Comme l'ont relevé les premiers juges, la dissimulation par M. A... de la situation financière dégradée dans laquelle se trouvait l'office de tourisme, est suffisamment établie par les pièces du dossier et traduit un manquement à son obligation, en tant que directeur général, de rendre compte de la gestion de l'établissement et de livrer des informations sincères et loyales au président et au comité de direction. Ces faits sont constitutifs d'une faute disciplinaire d'une gravité de nature à justifier la sanction prononcée à l'encontre de M. A..., tant dans son principe que de son quantum. Par suite, la sanction aurait légalement pu être prise à la suite d'une procédure régulière. Dans les circonstances de l'espèce, l'illégalité fautive n'est pas à l'origine des préjudices dont M. A... demande la réparation. Par ailleurs, le requérant ne peut obtenir une indemnisation sur le fondement du seul vice de procédure sanctionné par le jugement du 15 décembre 2020 mentionné au point 1 du présent arrêt. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à demander la condamnation de l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme au titre de la perte de rémunération et des prétendus préjudice de réputation et préjudice moral.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cet établissement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera une somme de 1 500 euros à l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'EPIC Les Contamines-Montjoie Tourisme.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00499