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06/04/2023 | FRANCE | N°22LY01485

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 avril 2023, 22LY01485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A..., épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler, l'arrêté du 17 septembre 2021 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour et, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur s

a situation, en application de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A..., épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler, l'arrêté du 17 septembre 2021 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour et, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur sa situation, en application de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2108126 du 10 janvier 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision portant interdiction de retour (article 2) et rejeté le surplus de sa demande (article 5).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2022, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 9 et 22 février 2023, Mme C..., représentée par Me Fréry, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'article 5 de ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler les décisions par lesquelles la préfète de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre en conséquence à la préfète de l'Ain de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision d'éloignement jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur sa situation, en application des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5°) d'enjoindre en conséquence à la préfète de l'Ain de lui délivrer une attestation de demande d'asile renouvelable jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- cette décision fait obstacle à l'exercice d'un recours effectif contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle fait état d'éléments sérieux justifiant la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, sa fille majeure ayant été admise au bénéfice de la protection subsidiaire par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en août 2021 ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision désignant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2022, 13 février et 27 février 2023, la préfète de l'Ain conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Fréry, représentant Mme C... ;

Une note en délibéré présentée par Mme C... a été enregistrée le 16 mars 2013.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., épouse C... née le 15 août 1984, de nationalité kosovare, est entrée en France le 25 mai 2020, avec ses trois enfants alors mineurs. Le 29 avril 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, décision contre laquelle elle a introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile le 17 juin 2021. Par un arrêté du 17 septembre 2021, la préfète de l'Ain a procédé au retrait de son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 10 janvier 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et rejeté le surplus de sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2021 et, à titre subsidiaire, à la suspension de la mesure d'éloignement. Mme C... relève appel de l'article 5 de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., est venue en France avec ses trois enfants nés en 2003, 2005 et 2008, pour solliciter l'asile, son époux ayant, selon ses dires, été temporairement retenu en Serbie. Si sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 avril 2021, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 juin 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a accordé à sa fille aînée, Erblina, devenue majeure, le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du 19 août 2021, à raison des risques encourus par celle-ci en cas de retour au Kosovo, où elle a été victime d'une tentative d'enlèvement le 13 avril 2020. Il ressort également des pièces du dossier que l'ensemble de la famille de Mme C..., à savoir ses parents et ses frères et sœurs, résident régulièrement en France en qualité de bénéficiaires de la protection subsidiaire. Eu égard à l'impossibilité d'une reconstitution de la cellule familiale au Kosovo en raison des risques encourus par sa fille aînée et à la séparation de la fratrie qu'induirait un retour de Mme C... et de ses deux autres enfants dans ce pays, alors au demeurant que les risques encourus par sa fille, reconnus comme établis par l'Office, sont, selon la requérante, en lien avec un conflit opposant ses parents à des promoteurs immobiliers, l'intéressée est fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, la préfète de l'Ain a, dans les circonstances particulières de l'espèce, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.

3. L'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité de la décision relative au délai de départ volontaire et de celle fixant le pays de renvoi.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles la préfète de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. L'annulation, par le présent arrêt, de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme C... implique seulement que sa situation soit réexaminée et que, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui soit délivrée. Il y a lieu, ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative et de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Fréry, conseil de Mme C..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 5 du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 10 janvier 2022 est annulé.

Article 2 : Les décisions obligeant Mme C... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement contenues dans l'arrêté de la préfète de l'Ain du 17 septembre 2021, sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de l'Ain de se prononcer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sur la situation de Mme C... et de la munir, sans délai, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera au conseil de Mme C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C..., à Me Fréry, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète de l'Ain. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en application en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY01485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01485
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-06;22ly01485 ?
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